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(Chronique de Alioune Fall) Le charlatanisme et autres raisons des échecs sportifs

La coupe du monde continue sans les lions mais aussi sans l’Espagne, l’Argentine ou le Portugal. L’élimination précoce de l’Allemagne a même sonné comme une vérité neuve dans la tête d’un ami. La pilule est amère. On ne peut l’avaler sans se chercher des raisons. Chacun y va de sa vérité. Tantôt pour incriminer Sadio MANE, tantôt pour laver Aliou CISSE a l’eau du patriotisme, la seule vérité qui me semble valoir dans ce contexte n’épargne personne. On l’a cherchée, on l’a trouvée. Elle est dure et plurielle. Difficile à accepter quand on n’aime faire l’autruche, facile à concevoir quand on prend du recul. Elle est surtout faite de plusieurs raisons.

Cela peut étonner quand on y pense, mais il n’y a d’innombrables raisons de croire que notre lien avec la défaite est plus fort que notre volonté de victoire. Cela passe par un manque d’efficacité, de rigueur et de remise en cause. La posture de Idrissa Gana GUEYE, quand le ballon franchissait la ligne de but sur la tête piquée de Yeri MINA, même si elle n’est pas suffisante pour incriminer le joueur qui, il faut le dire, a rendu, ce jour-là, une de ses meilleures copies, est une bien belle illustration de l’état d’esprit de nos athlètes et de nos compatriotes. Ils ne finissent jamais ou ne savent jamais finir. Toujours prompt à se faire peur, on est toujours prêt quand on prend un but quand on s’y attend le moins.

Depuis l’atelier du tailleur, on a du mal à finir, on ne se doute pas que le fil qui conclue la couture, quand il pend encore, constitue la partie la plus vulnérable du vêtement. Il suffit que ce fil-là s’accroche à quelque chose pour que le fruit d’heures de travail tombe dans le néant. Nos menuisiers n’accordent que très peu d’importance au dernier clou qui fixe la table qui sort de leur atelier. Quand ils rabotent, ils ne se doutent pas que la valeur esthétique qui en ressort constitue le soubassement de bien des commandes. Finalement, dans toute œuvre humaine, le détail est le plus important. Plus qu’une simple figure de style, cet important détail est un pilier pour l’utilité et pour le désir de la chose.

Le parcours des lions a fini de montrer que c’est souvent plus que du football qui se disputait en Russie. C’était des émotions qu’on y vivait depuis le téléviseur et les fans zones. Deux semaines d’accalmie où les politiciens et autres acteurs de faits divers ont observé une trêve. Le football avait pris le dessus sur le scandale de « Mbaye PRODAC ». Les cœurs à l’unissonparlaient foot et cette détente fut agréable.

Le regret s’installe parce qu’il fallait que cela continue encore. Peut-être pas jusqu’en finale mais quand même un peu car les cœurs en avait besoin. Et comme le réveil a été brutal, il n’est plus permis de rêver, il faut rester lucide pour en tirer les leçons qu’il faut.

Première leçon : les Sénégalais aiment le foot. Peu importe, la virginité de notre musée au trophée. Aucun autre sport ne peut le rivaliser dans le cœur des Sénégalais. Il fera toujours déchainer les passions.

Deuxième leçon : réussir au football ou à tout autre sport requiert des préalables connus et acceptés de tous. C’est l’effort continu, la volonté d’y parvenir dans la forte croyance à la devise olympique (toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus fort). Vous aurez beau croire que 350 tablettes d’œufs décideront de l’issue des affrontements, vous vous retrouverez déçu. Si cela ne vous suffit pas, poussez le ridicule jusqu’à en faire une affaire d’Etat et en constituant une délégation de charlatan en direction de Russie. Cela ne fera que confirmer que la gestion du sport est loin de ressembler à la gestion de l’ONCAV et que la prétention d’être un bon ministre des Sports survole largement les épaules d’un profil de charlatan.

Troisième leçon : Le manque d’esprit sportif amène à imaginer des raccourcis pour arriver à ses fins. La fin est une victoire et les moyens de l’effort sans relâche. Continuer à comparer le football à la lutte c’est ouvrir la sorcellerie au sport. La lutte n’est pas un sport puisqu’à un lutteur on n’exige pas tout simplement que cela aille toujours  plus vite, toujours plus haut et toujours plus fort. On attend du lutteur une garantie mystique inébranlable pour la victoire. Si vous aimez le sport, vous détestez la lutte. En tout cas, vous ne pouvez pas préférer la lutte au football  pour la simple raison qu’un footballeur est un sportif. Un lutteur on ne sait pas vraiment ce qu’il fait. On ne sait pas non plus ce qui lui fait gagner, anabolisants, force athlétique ou charlatanisme. Le cancer du sport est aussi chronique que nos rapports à la rivalité. La compétition dans les foyers entre coépouses se dénouent de la même façon qu’un combat de lutte ou un match de nawetaan. A la télé, on accepte que des sportifs s’aspergent des potions censées être magiques pour se remplir d’une force qu’ils n’ont pas vraiment. Lors de la CAN des U-20, on a surpris un joueur jeter des gris-gris dans les buts adverses.

Toutes ces leçons une fois tirées devraient nous amener à reconstruire notre sport autour des piliers du mérite et de l’effort. Les compétitions doivent s’accompagner d’un silence absolu de tous les aspects proposés comme solutions métaphysiques. L’image du sportif qui devrait prévaloir c’est celui qui cherche ardemment la victoire avec un esprit fair-play et de discipline. Point de lutteur qui drape de vêtement aux couleurs et formes bizarres. Point de  marabout ou d’avis maraboutique sur le classement des joueurs. Ce ne sera pas facile vu les pratiques qui ont cours dans notre pays mais il est déjà bon de savoir qu’il n’y aura point de sacre sans un assainissement de l’environnement sportif.

Il reste qu’à faire remarquer que celui qui cherche la victoire au prix de sacrifice dicté par le mystique est capable de se doper ou de manipuler des matches pour se trouver au somment. C’est une personne en qui il ne faut pas avoir confiance parce qu’il n’a pas confiance en elle. Lui-même a des suspicions sur ses propres mérites et s’empressent d’attribuer ses prouesses à un charlatan.

Alioune Fall

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2 commentaires

Henry Pierre Sarr 04/07/2018 - 14:27 at 14:27

Quelle plume !

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psedo 04/07/2018 - 15:54 at 15:54

Le charlatanisme ne peut pas faire gagner ou faire perdre une équipe. Il faut arrêter de faire le pingre pour le choix de l’entraineur. Il faut choisir les meilleurs partout.
J’allais oublier, il faut donner des bourses aux élèves des écoles de foot. Cela fera que les joueurs redevables seront plus patriotique.

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