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Confiscation des libertés de réunion, d’expression et d’opinion, décès du fond des cellules, bavures policières, surpeuplement des prisons… : l’image du Sénégal craquelée par le Rapprt de Amnesty International

C’est certain : le tableau peint par Amnesty International concernant la situation des droits humains n’est pas honorable. Alors, pas du tout ! 

Pour cause, entre confiscation de la liberté de réunion, d’expression et d’opinion (avec à la clé, plusieurs journalistes auditionnés), décès en détention en cascade dans les Brigades de Gendarmerie et Commissariats de Police, conditions carcérales inhumaines (exemple 2090 détenus à la prison de Rebeuss, pour une capacité de 1600 personnes) et impunité, l’image du Sénégal s’est craquelée.

Actusen.com vous publie quelques morceaux choisis du Rapport de Amnesty International, qui ne font pas la fierté d’un régime, ô combien enclin à chantonner la rupture.  

Le Sénégal et la justice pénale internationale

Longtemps attendu, le procès de l’ancien Chef d’Etat tchadien Hisséne Habré a eu lieu au mois de mai 2016. Hisséne Habré a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’actes de torture commis pendant qu’il était au pouvoir au Tchad de 1982 à 1990 et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par les Chambres africaines extraordinaires créées au sein des juridictions sénégalaises.

Bien que partageant certaines critiques des Etats africains contre la Cour pénale internationale, le Sénégal a continué à soutenir cette Cour qui est un instrument pour rendre la justice aux victimes des crimes relevant du droit international lorsque les Etats ne peuvent pas, ou ne veulent pas juger les auteurs de ces crimes et leurs complices. La position du Sénégal est juste, elle est courageuse et nous voudrions la saluer en cette occasion solennelle que constitue le lancement du rapport annuel d’Amnesty International.

La liberté de réunion

Les autorités ont interdit plusieurs manifestations pacifiques d’organisations de la société civile et de partis politiques et arrêté des manifestants.

En octobre, les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser une manifestation pacifique organisée par l’opposition. Le préfet de Dakar avait cherché à imposé aux manifestants un autre itinéraire que celui prévu et avait justifié sa décision en invoquant un arrêté de 2011 (l’arrêté Ousmane Ngom) qui interdisait toute manifestation dans le centre ville de Dakar.

La liberté d’expression et d’opinion

Des journalistes ont subi des actes d’intimidation et de harcèlement de la part  de l’Etat dans le but de les faire taire, ou de les empêcher de relayer des critiques contre le gouvernement.

En février, Mamadou Mouth Bane, journaliste et président du mouvement social Jubanti Sénégal a été convoqué par la division des investigations criminelles et interrogé pendant plus de 12 heures en raison de commentaires jugés « séditieux » prononcés à la télévision à l’approche du référendum sur la constitution. Il a par la suite été relâché sans avoir été inculpé.

En septembre, un autre journaliste, Ahmed Aïdara du groupe de presse Dmédia a été convoqué à la gendarmerie et interrogé pendant plusieurs heures avant d’être relâché. Il lui était reproché d’avoir donné la parole à des détenus dans une émission matinale, quelques heures avant la mutinerie dans la Maison d’arrêt de Rebeuss à Dakar.

En juin, la rappeuse Ramatoulaye Diallo, alias Déesse Major, a été maintenue en détention pendant trois jours et inculpée « d’attentat à la pudeur et atteinte aux bonnes mœurs » en raison de ses choix vestimentaires dans des vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux. Toutes les charges retenues contre elles ont été abandonnées et elle a été remise en liberté.

Le gouvernement a continué à réprimer les lanceurs d’alerte et tous ceux qui exprimaient une opinion dissidente au sein de l’administration. Un membre de la société civile qui demandait des comptes et la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat a subi un harcèlement judiciaire qui de toute évidence visait à le dissuader de faire son travail.

Décès en détention et des suites d’un recours excessifs à la force

Au moins six (6) personnes sont mortes en détention en 2016. Le 14 février 2017, un jeune orpailleur, Yamadou Sagna, a été tué par balle par un douanier à Kobokhoto, commune de Khossanto, dans la région de Kédougou. Yamadou Sagna ne présentait aucun danger pour les douaniers. Une manifestation de protestation contre sa mort a été sévèrement réprimée par la gendarmerie, qui a tiré des grenades lacrymogènes et incendié une vingtaine de cases et des greniers. Le préjudice causé par l’incendie doit être évalué et les victimes indemnisées.

Un homme du nom d’Elimane Touré est mort dans les locaux du commissariat du Port Autonome de Dakar le mardi 20 février 2017.

Impunité

Après de longues procédures judiciaires, des avancées ont été réalisées dans quatre affaires relatives à des homicides illégaux commis par les forces de sécurité. Néanmoins aucun responsable hiérarchique n’a eu à rendre des comptes pour n’avoir pas empêché des recours excessifs à la force, et personne n’a été traduit en justice pour des dizaines d’autres cas de torture, d’homicides illégaux et de morts en détention survenus depuis 2007.

En janvier, le conducteur du véhicule de police qui avait tué l’étudiant Mamadou Diop lors d’une manifestation à la place de l’obélisque en 2012 a été condamné à deux ans d’emprisonnement et à une amende pour « coups mortels » et « coups et blessures volontaires ». Un de ses collègues, qui se trouvait avec lui à bord du véhicule, a été condamné à trois mois de prison pour « non-empêchement d’un délit contre l’intégrité physique ». Le tribunal a également ordonné aux deux policiers de verser des indemnités à la famille de Mamadou Diop.

Le policier qui avait abattu Bassirou Faye en août 2014 pendant une manifestation à l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar, a été reconnu coupable de meurtre en juin. Il a été condamné à 20 ans de travaux forcés, ainsi qu’à verser des indemnités à la famille de la victime.

En juin également, un policier a été condamné à deux années d’emprisonnement  en lien avec l’homicide de Ndiaga Ndiaye, mort des suites d’une blessure par balle reçue à la jambe lors d’une opération policière à Grand Yoff en 2015.

En juillet, quatre policiers ont été reconnus coupables de l’homicide d’Ibrahima Samb en 2013 et condamnés à 10 ans de travaux forcés. Ibrahima Samb avait suffoqué après avoir été maintenu enfermé par ces agents dans le coffre d’une voiture pendant plus de 16 heures.

Conditions carcérales 

Les prisons étaient toujours surpeuplées. La maison d’arrêt de Rebeuss à Dakar comptait environ 2090 détenus, pour une capacité d’accueil maximale de 1600 personnes. Un détenu a été tué par balles dans cette prison au mois de septembre, lors d’une mutinerie. Quarante et une autres personnes ont été blessées au cours de cette mutinerie, dont 14 gardiens de prison.

Dans beaucoup d’autres prisons, les détenus n’avaient pas accès aux toilettes la nuit, les cellules étant dépourvues. Ils devaient faire leurs besoins dans des sots, en présence des codétenus.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

L’Assemblée nationale a adopté des textes portant modification du code pénal et du code de procédure pénale, qui pourraient être utilisés pour étouffer la dissidence. Ces textes introduisent des définitions floues et générales des infractions liées au terrorisme, érigeaient en infraction la production et la diffusion de contenus « contraires aux bonnes mœurs » sur internet et habilitaient les autorités à restreindre l’accès aux « contenus illicites » en ligne.

Les modifications apportées au code de procédure pénaleportaient atteinte au droit à la liberté, car elles étendaient à 12 jours la période pendant laquelle une personne pouvait être détenue avant d’être présentée devant un juge dans les affaires liées au terrorisme. Elles fragilisaient également le droit à un procès équitable, car les personnes placées en garde à vue pour des affaires liées au terrorisme ne pouvaient accéder à un avocat avant le terme des 96 premières heures (4 jours) de leur détention.

Au moins 30 personnes se trouvaient en détention pour des infractions relatives au terrorisme. Plusieurs détenus ont soulevé des préoccupations quant aux conditions de leur arrestation et de leur détention. Alioune Badara Ndao, un imam resté en détention provisoire toute l’année pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment « actes de terrorisme » et « apologie du terrorisme » n’était autorisé à quitter sa cellule que 30 minutes par jour.

Droits des enfants

En juillet, le gouvernement a lancé une opération visant à retirer de la rue les enfants qui y étaient pour la plupart envoyés pour mendier. Toutefois, cette année encore les autorités n’ont pas appliqué pleinement les lois pénalisant l’exploitation et la maltraitance des enfants et rare étaient les cas  ayant fait l’objet d’une enquête et d’un procès.

Les efforts de l’Etat pour encourager la déclaration des naissances à l’état civil sont appréciables. Outre la sensibilisation, les audiences foraines se tiennent plus fréquemment dans toutes les mairies du Sénégal. Les moyens des services de l’état civil ont été renforcés et la gratuité des actes d’état civil a été décrétée en février 2017.

Exploitation minière et droits humains

L’Etat du Sénégal a adopté en 2016 un nouveau code minier plus protecteur des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux des communautés impactées par l’exploitation minière. Une part des revenus issus de l’exploitation minière (0.5% du chiffre d’affaire des sociétés minières) reviendra exclusivement aux collectivités locales où sont situés les périmètres miniers. Toutefois, il urge de protéger et d’encadrer l’orpaillage qui est une pratique ancienne au Sénégal oriental et de mettre en place les comptoirs d’achat de l’or pour sécuriser les transactions liés à ce minerai.

 

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