Contribution

Gouvernement «séddoo» et «yakalma»

  Le Président Macky Sall continue de prouver qu’il n’a qu’une idée très médiocre de l’État : la promotion dans son gouvernement obéit à des impératifs radicalement étrangers à la république. La preuve nous est doublement donnée :

  D’abord par le fait que les déchus de l’ancien gouvernement Dionne imputent leur chute aux chamailleries qu’ils ont eues avec la première dame (« je n’ai pas été reçu par le président depuis six mois », « on m’a mis en mal avec la première dame ». Comment un ministre de la république peut-il se prévaloir de sa proximité avec la première dame comme unique raison de sa promotion dans un gouvernement ? Cette profanation de nos institutions est due au fait qu’on nomme des personnes dénuées de toute forme d’exemplarité et parfois même de toute qualité.

   Ensuite un gouvernement de 41 membres pour un régime qui prétend faire de la sobriété son credo, c’est quand même surprenant. Cela veut dire que Macky Sall sait qu’il ne peut pas compter sur un bilan pour sa réélection en 2019, mais qu’il chercher désespérément et laborieusement à donner à son gouvernement une base sociopolitique pour attirer plus de clientèle. Le clientélisme politique se définit comme l’attitude d’un homme politique qui cherche à augmenter son influence ou l’assise de son pouvoir en se créant une clientèle par des procédés démagogiques et charlatanesques.

  Or si Macky Sall est obligé de faire du clientélisme son levier principal pour affronter les échéances de 2019, c’est parce qu’il est suffisamment conscient que son travail à la tête de l’État sénégalais est insuffisant pour convaincre les électeurs. Son raisonnement est dès lors celui-ci : j’ai nommé parmi les vôtres, j’ai partagé le gâteau du pouvoir avec vos leaders, donc soutenez-moi. Cela montre également que Macky Sall est peut-être un homme politique, mais pas un homme d’État.

  Un homme politique vise la partie bestiale de l’homme dans sa gestion de la cité (il manipule les intérêts, les désirs, la cupidité, la peur, etc.) là où un homme d’État vise le côté rationnel de l’homme : il gouverne selon des principes universels et objectifs. Un homme politique sacrifie le caractère objectif et sacré de l’État aux contingences subjectives (famille, amitié, ambition oligarchique, etc.) tandis qu’un homme d’État sacrifie les relations subjectives à l’objectivité de l’État. Un homme politique fait de l’État un patrimoine qu’il peut distribuer aux siens suivant son simple arbitraire, alors qu’un homme d’État divinise celui-ci et fait don de sa personne à la nation (ou à la communauté) par reconnaissance. Un homme politique gère le conjoncturel là où un homme d’État gère le structurel.

  Tous les actes posés par Macky Sall, non seulement dans la nomination de son gouvernement, mais aussi dans la gestion des affaires judiciaires et économiques prouvent qu’il est un homme politique et pas un homme d’État. Macky Sall aurait été un homme d’État, il aurait tout fait pour vider les affaires judiciaires où ses proches sont impliqués au lieu de persécuter les membres de l’opposition. Il aurait été un homme d’État, il aurait dit aux Sénégalais voici, comme promis, mon gouvernement de 25 membres et si vous êtes satisfaits accordez-moi encore votre confiance. Mais au lieu de cela, il s’est engouffré dans un labyrinthe de bricolages et de ruses dont il sortira point indemne.

Alassane K. KITANE

Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal

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