Contribution

Khalifa Sall : Pourquoi l’ambitieux est tombé?

L’ambition politique de tout citoyen dans un pays libre et démocratique est
légitime. Mais dans une République de normes et de lois, ce n’est point une question
politique de veiller au bon usage des finances publiques, surtout pour les responsables de
fonctions délicates et pour les élus locaux. Toute communauté a besoin d’une autorité qui
la régisse et la contrôle. La coïncidence de la convocation de Khalifa Sall sur une
reddition de comptes avec les antagonismes qui vit le Parti socialiste peut faire penser à
un acharnement. Mais le contrôle de l’usage du bien commun et des finances publiques
n’a pas d’agenda. Il intervient quand la nécessité s’impose pour une autorité d’Etat
guidée par la loi morale. En agissant, l’Appareil d’Etat ne fait ainsi qu’arracher le
masque d’un homme politique dont les ambitions légitimes se couvrent malheureusement
de pratiques en déphasage avec les normes de Bonne gouvernance.

Le masque d’un ambitieux arraché

Khalifa Sall et ses cinq autres co-accusés sont poursuivis pour détournement de deniers
publics portant sur plus de 1,8 milliard de nos francs, association de malfaiteurs,
escroquerie portant sur les deniers publics et blanchiment de capitaux . Des actes
d’accusation graves.
Naturellement, l’autorité publique légitime a le droit et le devoir de traduire en Justice un
auteur d’acte délictueux ou criminel. Et la Justice juge et se donne également le droit et le
devoir d’infliger des peines proportionnées à la gravité des faits. Mais Khalifa Sall qui a
longtemps lorgné les élections présidentielles jusqu’en défiant Ousmane Tanor Dieng
contre tout compagnonnage avec Benno Bokk Yakaar. Ainsi , subira t-il une peine ? C’est
la grande question.
Une grande confusion est volontairement entretenue. Les fonds de Caisse d’avance de la
Mairie de Dakar ne sont point des fonds politiques qui seraient à l’usage exclusif et
discrétionnaire du Maire. Si telle était le cas, des rapports et des procès verbaux ne seraient
jamais des normes à imposer. Et pourtant Khalifa Sall dit avoir des justificatifs ne sont
exigés que des fonds de la Caisse d’avance et jamais à des fonds politiques. Avoir des
justificatif signifie être soumis à des obligations de comptes rendus.

Ce qui a été constaté est que le Maire de Dakar a des ambitions politiques. Elles
sont légitimes et normales. Le système démocratique l’agrée. Socialiste, Membre du
Bureau politique du PS et Secrétaire national à la Vie politique, fonction stratégique, il est
aussi Maire de la Capitale, point de convergence des citoyens de toutes les collectivités
locales. Mais son œuvre municipale appréciée ça et là lui sert de simili politique pour se
donner l’ersatz d’un homme qui peut prétendre à la direction suprême des affaires
nationales.

Naturellement, les fonds de Caisse d’avance destinée exclusivement et
uniquement aux populations de Dakar lui ont servi de moyens de création et d’entretien
d’une clientèle politique non à Dakar mais dans le reste du Sénégal. Un Gie contractant

que le Directeur des Affaires Financières ne connait, des dizaines de millions par mois
pour du mil et près de 2 milliards nébuleusement utilisés méritent bien une clarification.
Il y a un problème au Sénégal. Quand une célébrité est citée ou accusée dans un acte
délictueux ou criminel, tout le monde devient Juge et Partie. Avec Khalifa Sall , ceux qui
ont été tenus à une obligation de réserve ne s’y sont pas assujettis. Dans le déroulement de
l’enquête, le droit du prévenu à la confidentialité n’a pas été violé et n’a pas affaibli le
principe universel de la présomption d’innocence dont il jouit
Des tares et des limites

Khalifa Sall a eu le génie politique dès son accès à la tête de la Mairie de Dakar de se
construire une image de bâtisseur de responsable politique exemplaire. Mais en même
temps, le bâtisseur qu’il est et le responsable politique au jeu clair-obscur s’est engouffré
dans les méandres d’un réseau intelligemment construit dans le PS et d’un filet de clientèle
politique dans le monde rural. C’est à cette clientèle à qui a été destinée les tonnes de mil
financées indélicatement avec les fonds de la Caisse d’avance destinés exclusivement aux
populations nécessiteuses de Dakar et à celles qui font face à des sinistres ou des situations
sociales alarmantes et non à des responsables et militants socialiste du monde rural. Il ne
cherche qu’à se protéger devant n’importe quelle situation qui engage sa responsabilité. Il
ne prend pas de risque, ce qui le rend manipulateur. Prudent et ambitieux, il est aussi
prétentieux et avide de pouvoir. Sa ténacité dissimule une paranoïa. Il veut persuader
quand il s’exprime mais sa communication défectueuse renvoie toujours à une personne
qui ne dispose pas d’outils dialectiques pour convaincre. ” Nous ne sommes pas des
voleurs nous ne sommes pas des corrompus” , est la réplique de marché qu’il sert à la
sortie de la DIC où il était convoqué.

Il y a naturellement un usage frauduleux de finances publiques et pour ses
ambitions politiques connues de tous, il est dans l’intérêt de Khalifa Sall lui-même de
s’expliquer. Seulement, après des mois d’enquête, il se trouve dos au mur et harponné par
une institution d’Etat si rigoureuse et aux méthodes drastiques. L’Inspection Générale
d’Etat est redoutable et occupée par des technocrates indépendants de la chose politique et
inextricables aux règles de Gouvernance.

Un espiègle sournois

Contrairement à l’image de bâtisseur qu’il donne, Khalifa Sall n’a pas de génie novateur
d’un travailleur. Son ingéniosité est plutôt de faire travailler les autres et de s’approprier
les résultats qui en découlent. Il a, en fait, toujours besoin des autres car ils sont pour lui un
groupe protecteur. Ses combats sont menés par ceux-là et dans l’arène, il est un lieutenant
jamais au front car préférant que sa bataille soit menée à sa place. C’est pourquoi, il a
trébuché à faire un bilan détaillé de l’usage de finances dont il dispose quand il a un
strapontin. Le masque de Khalifa Sall est donc arraché. Cela renseigne que derrière
plusieurs hommes et femmes politiques de ce pays se cachent des prédateurs jamais
assouvis. Pourtant, Khalifa Sall est catégorique même dans sa mauvaise foi. Mais il est
individualiste, pas toujours sincère et est dur à vivre malgré les apparences qu’il donne. Un
fait majeur le caractérise : son dédain pour les détails pratiques se transforme en véritable
mépris pour la gestion financière pour laquelle il est d’une extravagance déprimante. Par et
avec la politique, il s’est étonnamment enrichi et néglige tout ce qui concerne les comptes.
Ses limites en gouvernance et reddition des comptes sont finalement ataviques.

Il peut être réduit à grignoter sur tout et à économiser par temps de vache maigre. Mais dès
que l’argent réapparaît, il recommence à le jeter par la fenêtre pour ratisser. Ce n’est pas
une volonté. C’est ainsi qu’il est et ceux qui le pratiquent ou l’ont pratiqué ne le
démentiront pas.
Des Inconditionnels de la Bonne gouvernance comme François Colin, Boubacar
Camara, Machar Cissé, Nafi Ngom Keita, Maxime jean Simon Ndiaye, Siricondy Diallo,
Thierno Mademba Gaye entre autres sont des sentinelles de la gouvernance et de la gestion
des finances publiques, des hommes et femme d’Etat chevronnés qui n’ont que faire des
antagonismes politiques. Leur enquête a simplement fait tomber le masque de Khalifa Sall.
Il doit en être ainsi pour tous et tout indique qu’il n’en sera qu’ainsi.
Babacar Mbengue Journaliste et Consultant en communication et Relations
Publiques babavero78@gmail.com

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