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Réformes des Chambres consulaires : L’essentiel et l’accessoire (Par le journaliste Bachir Fofana)

Moustapha Cissé Lo, président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Diourbel, s’en est pris au patronat dont les principales figures sont Mansour Cama et Baïdy Agne. Pour lui, il s’agit de «groupe d’escrocs» qui sont là pour défendre les intérêts des puissances étrangères. Avant lui, Serigne Mboup, président de l’Union nationale des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal (UNCCIAS), dans un entretien accordé à nos confrères du journal EnQuête (N°1541 du 9 aout 2016), avait tiré à boulets rouges sur le président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES). «Le problème du secteur privé, c’est Mansour Cama», avait-il dit, reprochant à l’indécrottable président de l’institution patronale  sa déclaration lors de la levée du corps de l’ancien patron de la Chambre de commerce de Dakar, Mamadou Lamine Niang (paix à son âme). Le tort de Cama ? C’est évoquerla question de la réforme des chambres consulaires dans des circonstances de deuil. Ce à quoi les membres du Conseil d’administration de la CNES ont répliqué par une conférence de presse au cours de laquelle ils ont invité Serigne Mboup à plus de retenue dans ses déclarations à l’endroit du président Mansour Cama. Ils assimilent même des «attaques récurrentes» du patron du CCBM à de «l’acharnement viscéral» à l’endroit de Cama.

Ces sorties ont le mérite de poser des débats de personnes sur la place publique là où des questions essentielles sur l’avenir du secteur privé devraient être mises en avant, plus particulièrement le débat sur l’opportunité de mettre en place une Chambre Nationale unique à l’instar de tous les pays de l’UEMOA et de la CEDEAO. En effet, le patronat sénégalais est encore dans des petites querelles au lieu de la défense des grandes causes nationales. Il semble se contenter de l’accessoire, c’est-à-dire les sinécures que procurent les postes de Président, de vice-président et d’élus consulaires, au lieu de l’essentiel qui est le contenu de la réforme et les orientations de ces chambres, leur vision de développement, ainsi que leur capacité à porter des projets à court et moyen terme utiles à la communauté des affaires.

Comment aider les entreprises sénégalaises, notamment les PME à se conformer à la réglementation fiscale notamment le quitus fiscal, les garanties bancaires, les cahiers de charges et autres lourdeurs qui limitent  leur accès à la commande publique estimée à près de 1000 milliards de francs CFA ? Comment aller à l’assaut des marchés de l’espace UEMOA ? Comment capter les opportunités des partenariats public-privé ? Comment accéder aux nouveaux mécanismes de financement créés par l’État, comme le Fonds souverain d’investissements stratégiques (FONSIS), le Fonds de garantie des investissements prioritaires (FONGIP), la Caisse de dépôts et de consignation (CDC) et la Banque nationale pour le développement économique (BNDE) ?Comment participer activement la réforme de l’Acte III de la décentralisation dont la seconde phase de mise en œuvre se veut essentiellement économique avec l’instauration de pôles territoire ? Autant de questions sur lesquelles les voix du CNP, de la CNES, du MDES, de l’UNACOIS, en somme du secteur privé, sont à peine audibles.

L’on semble, dès lors, concevoir ces organes consulaires comme instances de gestion de carnets d’adresses en vue du contrôle des mannes financières à leur profit plutôt que de véritables leviers de développement du secteur privé. A ce sujet, la participation aux Salon de l’Agriculture de Paris (SIA) ressemble plus à des vacances d’hivers du patronat consulaire que d’une réelle opportunité de développement du business agricole Nord-Sud ou Sud-Sud.

Au-delà de la question d’aller vers une chambre nationale unique comme à l’image des autres pays de l’espace UEMOA, il urge de se pencher sur le fonctionnement de nos chambres régionales actuelles. La capitale administrative d’une région est-elle forcément le centre de l’activité économique ? Les cas des pôles économiques de Touba (région de Diourbel) et Diaobé (région de Kolda) sont là pour confirmer que l’activité économique ne se déroule pas sur les lieux d’implantation des chambres régionales de Commerce. De plus, il est à déplorer la pléthore de CCIA, la faiblesse de leurs ressources, les difficultés à assurer leurs missions, la perte de certaines de leurs prérogatives, leur incapacité à jouer pleinement leur rôle dans un Sénégal où les besoins des entreprises et des entrepreneurs se renouvellent sans cesse, se diversifient et se complexifient de plus en plus. De contraintes qu’il ne faudrait pas d’occulter, en maintenant le statut quo actuel ou en optant pour une réformette avec un saupoudrage institutionnel.Ainsi, peu importe d’aller vers la réforme d’abord, les élections ensuite, ou vice-versa, l’indispensable, c’est d’avoir le courage de faire cette réforme pour le salut du secteur privé sénégalais. Comme dit Jean Jaurès, «le courage, c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense».

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