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Travaux du Train Express Régional à Keur Mbaye Fall  : comment l’Apix a fait de la vie des habitants un enfer

A Kamb, l’un des quartiers les plus anciens de Keur Mbaye Fall, l’avenir s’annonce, de plus en plus, incertain pour les foyers impactés par le projet du Train Express Régional. Alors que les pourparlers avec les autorités ont débuté, depuis belle lurette, nombreux sont les habitants à n’avoir pas encore été indemnisés. Au moment où il leur est demandé de quitter les lieux. Du jour au lendemain, des familles entières risquent, ainsi, de se retrouver avec un toît. Et, comme si l’autorité cherchait à leur forcer la main, les bulldozers d’EIFFAGE ont déjà pris pied. Ce qui pose des problèmes de sécurité, surtout pour les enfants. SourceA a effectué une petite promenade sur les lieux, pour tâter à ses lecteurs le pouls de l’anxiété et de la souffrance ambiantes.

Un vent de changement souffle sur Keur Mbaye Fall. Insufflé par les travaux du Train Express Régional, celui-ci emporte tout sur son passage. Maisons, boutiques, ateliers de couture, vendeurs à la sauvette, tabliers, tous les obstacles, qui se trouvent sur l’emprise des rails, sont en train d’être déguerpis. Les Bulldozers d’EIFFAGE sont passés par là. Laissant derrière leur passage des pères et soutiens de familles aux abois.  «Kamb», l’un des quartiers les plus anciens de Keur Mbaye Fall, est  touché de plein fouet. Les conducteurs de taxis clandestins font partie des premiers à être déplacés.

Tout Kamb porte le masque des mauvais jours

Les vendeurs de friperie ont connu le même sort.Cependant, ils ne sont pas partis loin. D’énormes blocs de pierre ont été érigés, pour empêcher un éventuel retour. Les lieux, jadis pleins de vie, ont cédé, alors, la place à des tonnes de gravats.Ce calme précaire est, parfois, perturbé par les sifflements et tremblements des trains.Avant leur arrivée, c’est le sauve-qui-peut. A côté, se trouve le marché. Celui-ci ne sait pas,jusqu’au moment où l’on parle,de quoi son avenir sera fait. Tantôt, certains affirment qu’il est concerné par la mesure de déguerpissement.

Tantôt, d’autres avancent une autre thèse. Aliou Diallo, un vendeur de chaussures, trouvé dans ledit site, croise les doigts. Tout Kamb retient son souffle. Même El Hadji Modou Wade, le chef de quartier, n’est pas dans le secret des Dieux. Il affirme à SourceA qu’il n’a été sollicité qu’une seule fois. Il renseigne, par ailleurs, que des gens, des géomètres apparemment, sont venus procéder à quelques mesures dans les parages.

Depuis lors,  plus rien ! Ce vieillard qui tient à bénir toute personne, qui vient lui rendre visite, est l’archétype de l’habitant de Kamb. Ici, apparemment, tout le monde se connait. Ce qui rend, davantage, difficile le grand changement, qui s’annonce. Et même, il semblerait qu’il y ait eu deux poids, deux mesures.

Les indemnisations, sujettes à équivoque

Certains propriétaires de maisons font dans la résistance-tout-terrain. Pour eux, ils sont dans leurs droits. Et, en réalité, beaucoup d’entre eux n’ont pas encore reçu leurs indemnités, nous dit Coumba Ndiaye. La pauvre ! Du jour au lendemain, elle a vu sa vie bouleversée par la perte de son mari. D’ailleurs, c’est son défunt époux, qui s’occupait des procédures au niveau de l’APIX. Aujourd’hui, elle est obligée d’être au four et au moulin, pour élever ses trois enfants. Les deux derniers sont des garçons, qui n’ont pas encore atteint l’âge de la maturité. Son aînée, une fille d’une quinzaine d’années, garde la maison, lorsque maman Coumba sort de chez elle. Les matins de bonne heure, le fardeau de poissons sur la tête, elle se dirige vers le marché, pour avoir de quoi nourrir sa famille. Les nuits, mère Coumba  n’arrive pas à dormir sur ses deux lauriers. «J’ai été confrontée, pour la deuxième fois, à un voleur. Hier soir, une personne a profité de la démolition de la maison  voisine, pour s’introduire dans la mienne. J’ai beau crier, mais nul n’est venu m’apporter son aide.», nous confie-t-elle.

Le plus gros danger engendré par les démolitions de l’APIX

La vieille et étroite maison de maman Coumbaa deux ouvertures sur les côtés. De part et d’autre, elle a pris le soin de mettre deux zincs. Apparemment, cela n’a pas suffi. Elle nous assure que le voleur est passé par-là. La dame, âgée d’une soixantaine d’années, etqui a eu la peur de sa vie, ne veut qu’une chose : recevoir ses indemnités. Et se tirer ! D’autant plus qu’elle doute de sa capacité à protéger sa famille des potentiels malfrats, qui rôdent dans les parages. Malheureusement, les Services de l’Apix en ont décidé, autrement. «Cette maison appartient à  mon défunt mari. Il avait trois épouses. Les deux premières sont parties. Il ne reste plus que moi. Après, c’est son fils-aîné, qui s’occupait des procédures. Mais cela fait longtemps qu’il ne m’a plus rendu compte. Je ne comprends pas pourquoi mes voisins ont pu être indemnisés, avant moi. A chaque fois, on me fait comprendre que mon tour n’est pas encore arrivé. Le moment venu, ils promettent qu’ils vont m’appeler. D’aucuns me conseillent de partir. Mais, je pense que ce n’est pas la bonne solution. J’attendrai le temps qu’il faut».

«L’Apix aurait pu nous dédommager, avant d’en arriver à ce stade»

A quelques encablures de là, d’autres femmes attendent, elles, patiemment le retour de leur mari dans leur cour. Leur grande maison, construite à l’ancienne, comprend des briques, tout autour, avec un grand arbre, au milieu. L’une d’elles s’appelle FatouDiop. La dame, de taille élancée, nous dit craindre surtout pour la sécurité de ses enfants. En fait, à proximité de la maison, les techniciens réseau d’EIFFAGE ont pris le relais, en attendant que les déguerpissements reprennent de plus belle. D’énormes trous ont été creusés, pour permettre à l’eau, l’électricité et le réseau téléphonique de pouvoir passer en dessous des rails du TER. L’idée est d’éviter qu’à l’avenir, rien ne surplombe  le train.

Seulement, pour Fatou, cela pose problème. «L’Apix aurait pu nous dédommager, avant d’en arriver à ce stade. Ce n’est pas sûr, vu que les enfants font des va-et-vient, sans prendre conscience du danger qui les guette. Puis, toute cette poussière, qui monte, peutêtre la cause de maladies. Nos époux n’ont, pour le moment, reçu aucun sou. Pire, il leur est demandé de trouver une autre maison,en guise de location. Alors que la moindre des choses est de leur donner une somme, pour servir d’avance», déplore-t-elle.

Cet état de fait oblige certaines personnes impactées par le projet du Train Express Régional à s’engager dans un dédale de procédures. C’est le cas d’Abdoulaye Guèye et de son petit-frère,Pape. Ces derniers tiennent, apparemment, le bon bout. Ils ne se sont pas, pour autant, tirés d’affaire. Le premier nous raconte qu’en premier lieu, il y a eu une mésentente avec les autorités, concernant le montant de l’indemnité qu’ils sont censés recevoir. Ils sont tombés d’accord sur la somme de 31 millions F Cfa. Toutefois, il leur a été demandé d’apporter un certificat d’hérédité. «Par contre, les responsables de l’Apix nous avaient donné, uniquement, 10 jours, pour quitter les lieux. Ce faisant, ils voulaient nous déguerpir, sans pour autant nous indemniser. Raison pour laquelle, nous sommes toujours là», se justifie-t-il.

Le jeune Pape Guèye, qui est, apparemment, le plus instruit des deux, est celui, qui s’occupe de ces procédures. A l’en croire, l’Apix leur a demandé de trouver ces documents, pour connaitre, avec exactitude, les différents héritiers. D’après lui, cela vise à mettre en sécurité la famille, pour éviter des surprises désagréables. «Ils nous promettent huit mois de location. Cela fait, à-peu-près, deux années que nous discutons, dans le quartier, de ces déguerpissements. Nous avons su, tardivement, que les papiers d’hérédité concernent, aussi, notre mère, qui, à l’instar de notre père, n’est plus de ce monde», nous révèle-t-il.

Néanmoins, même s’il juge que les précautions de l’autorité sont justifiées, il reste que Pape Guèye pense que le montant des indemnisations aurait pu être plus conséquent. Tout en fustigeant le retard, il estime que les travaux du TER ne devaient pas débuter, avant que tout le monde ne parte.

Dans tous les cas, une chose est sûre. L’Apix est accusée d’avoir failli, en ce qui concerne les dédommagements. Pire,les indemnisations  sont parfois jugées dérisoires par les victimes. En outre, malgré le fait que certains soient toujours sur l’emprise du futur Train, les travaux ont, déjà, commencé. Ce qui pose des problèmes de sécurité. Enfin, il y a le fait que les populations ne savent pas, avec exactitude, quels sites sont concernés par ces mesures.

Omar NDIAYE (SourceA)

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