Un sourire de David Luiz. Un poing rageur de Diego Costa. Hazard qui fait tourner les têtes. Et, au milieu de tout ça, un entraîneur qui ne peut contenir ses émotions au milieu d’un Stamford Bridge déchaîné. Rarement Manchester United n’aura été aussi dépassé en quatre-vingt-dix minutes. Rarement José Mourinho ne sera autant passé à côté de son sujet.
Pour lui, c’est certainement le pire moment, car c’était celui des retrouvailles avec un peuple qui l’a tant aimé, mais qui s’amuse aujourd’hui à le détester. En clôture de la neuvième journée de Premier League, les Red Devils ont été broyés à Londres par un Chelsea en chaleur (4-0) grâce notamment à un Hazard majuscule, une défense imperméable et à un Kanté buteur. Rien ne devait se passer comme ça selon Mourinho. Sauf que ce Manchester United n’est pas encore le sien. Définitivement.
Daley plie
José Mourinho a toujours cultivé ça. Il est probablement l’un des seuls au monde à provoquer cet effet-là. Il existe pourtant une grosse poignée d’entraîneurs plus talentueux que lui, d’autres qui ont probablement des statistiques plus impressionnantes que lui et pourtant. Pourtant, parce que c’est Mourinho, ses succès, son charisme, son rapport particulier au foot, son ego, sa grande gueule, un match peut rapidement devenir son match plutôt que celui de ses joueurs.
Le Portugais le sait mieux que personne : ce déplacement à Chelsea ne pouvait être un match comme les autres. Stamford Bridge est son territoire, même si son ancien peuple s’amuse aujourd’hui à lui hurler dessus.
Il y a passé une grande partie de sa carrière et y a construit le personnage qu’il est devenu. Reste que Sir Alex Ferguson n’est jamais revenu à Old Trafford avec une autre équipe, que Bill Shankly n’a jamais remis les pieds sur un banc à Anfield sous d’autres couleurs que celles du Liverpool FC, mais Mourinho, lui, n’en a rien à foutre. Pire, le voilà de retour dans le costume du club détesté, sauf qu’il a encore tout à prouver. Car ce Manchester United n’est pas encore le sien et ne lui ressemble pas encore.
Et la baffe, José l’a mangée d’entrée, sur un ballon anodin de Marcos Alonso derrière la défense mancunienne : Blind et Smalling se regardent, ne se comprennent pas, Pedro devance la sortie en mousse de David de Gea et voilà Chelsea devant après à peine trente secondes de jeu (1-0, 1re). Manchester United est alors dans la continuité de son match sans saveur livré lundi dernier à Liverpool, bloqué dans un 4-1-4-1 où Pogba et Fellaini sont perdus et où Ander Herrera est le seul à se bouger avec intelligence.
En face, le Chelsea de Conte n’a pas peur et bouscule tous les scénarios avancés malgré une tête d’Ibrahimović. Pedro et Hazard dynamitent la ligne arrière de United, Blind continue de se noyer, mais l’ailier belge ne parvient pas à breaker. Peu importe, Cahill va s’en charger sur un corner où Chris Smalling implose dans son marquage (2-0, 21e). Sur son banc, Mourinho ne bouge pas et sait qu’il a déjà perdu sa partie d’échecs.
En vingt minutes. Rashford et Lingard, préférés à Mata et Martial, passent leur temps à défendre devant Alonso et Moses, alors que cela devrait être le contraire. Pendant ce temps, Stamford Bridge danse et hurle : « You’re not special anymore ! » Courtois n’a plus qu’à dégoûter en deux temps Herrera et Lingard sur la seule grosse occasion de United en première mi-temps.
Le Conte imperméable
José Mourinho ne contrôle rien, absolument rien et décide de bouger son schéma pour faire varier Manchester United en 4-4-2 avec Rashford aux côtés d’Ibrahimović, alors que Mata remplace Fellaini dès la pause. Reste que, comme depuis trois semaines, Chelsea a trouvé sa défense et est imperturbable avec son triangle Azpi-David Luiz-Cahill. Les Red Devils se heurtent timidement au rideau aligné par Conte, Lingard allume une fois Courtois, mais ce qui va se passer de l’autre côté va changer définitivement la face de la rencontre. Sur un contre parfaitement mené, Kanté combine avec Matić qui sert Hazard sur un plateau.
Le Belge couche De Gea et voilà Chelsea en position de bourreau de son ancien maître (3-0, 62e). Martial est envoyé par Mourinho dans la bataille, mais rien ne change, dans l’esprit, dans le jeu et dans les idées. Quitte à pousser le vice, les Blues vont alors se mettre à danser, alors que Kanté, oublié par Pogba, abat magnifiquement Smalling à vingt minutes de la fin (4-0, 70e). Rarement le Manchester United post-Ferguson n’aura paru aussi dépassé, broyé, humilié. Hazard balance alors une nouvelle cartouche dans les bras de De Gea avant d’aller chercher son ovation.
Conte veut faire participer tout le monde à cette bascule, alors qu’Ibra et Rojo permettent à Courtois de briller un peu. Chelsea est aujourd’hui au niveau de Tottenham, à la quatrième place, et s’est définitivement remis la tête à l’endroit. Sans prendre de but, en éclatant le bec de Mourinho sous les olé de Stamford Bridge et dans les bras agités de Conte.
So foot