ACTUSEN
Contribution

Envisager d’incruster des vecteurs de durabilité dans les stratégies d’intervention et de nouveaux modes de transfert d’eau pour la durabilité, la revitalisation des vallées fossiles et la lutte contre les inondations (Par Omar SECK, Ancien Conseiller Spécial à la Présidence de la République)

1. Contexte

Pendant une dizaine d’années, j’ai valsé de Tamba à Gouloumbou, Koulary, Faraba, Bantantinti, Koar, Ngène etc., avec l’Office africain pour le développement et la Coopération (OFADEC), puis ratissé un large couloir d’axe Ndioum, Namarel, Thiargy, « Ranch Djibo Leyti KA » (ex Dolly) qui se perd dans la Verte Casamance, avec le Centre de Suivi Ecologique. Friand de pluridisciplinarité, j’ai souvent abandonné les pistes et pare feux, pour les amphithéâtres : au Sénégal (UCAD/EISMV Postuniversitaire en Aménagement Pastoral), en France (Postuniversitaire en Développement agricole et rural) en Thaïlande (Vulgarisation et communication agricoles) et aux USA (Training en Gestion des ressources naturelles). Ces choix difficiles, avec la conjonction de précieux paramètres de mon environnement, m’ont conduit à la Présidence de la République, comme Conseiller Technique, puis Conseiller Spécial, Chargé de l’Agriculture, l’Elevage et la Pêche ; « Luck is a matter of good preparation meeting opportunity » – restons dans l’air du temps !
Avant mon départ à la retraite, je suis revenu à l’étape survolée : le niveau d’élaboration, dispatching et coordination des stratégies de mise en œuvre des politiques Agricoles. Ainsi, j’ai eu l’honneur de présider six (06) Conseils de surveillance, Comités de pilotage de projets/programmes et Comité de gestion, avec les rudiments d’amont et d’aval.
Voilà que je comprends pourquoi j’ai vu tant de ruines, vestiges de grands projets et programmes ayant englouti d’énormes budgets. J’ai aussi compris la nécessité d’inclure dans les stratégies de mise en œuvre des activités de développement, des principes et concepts, vecteurs de durabilité, à travers la mise à l’échelle de Bonnes Pratiques en s’inspirant des expériences réussies.
En guise de Mémoires, je tente d’apporter ici, ma modeste contribution à la résolution de ces deux questions essentielles : la durabilité des acquis des projets/programmes et la maitrise de l’eau, pour une agriculture qui réponde à ses fonctions originelles : nourrir et enrichir – durablement.

II. Assurer la pérennité des acquis avec des outils vecteurs de durabilité
A travers ces étapes, j’ai identifié quelques outils dont la prise en compte dans les stratégies de mise en œuvre des projets et programmes pourrait conduire à des structures performantes, autonomes et durables, comme celles que j’ai nommées « Fermes agricoles autonomes et durables. » De telles fermes conviendraient à des programmes de création d’emplois, de lutte contre l’exode rural et l’émigration clandestine.
2.1 Approche agroécologique, pour le respect de l’équilibre des écosystèmes
Les exploitations privilégient les énergies propres (solaire et biogaz), les engrais organiques avec l’installation de biodigesteurs, et la préservation optimale de la flore arborée.
2.2 Choix d’un partenaire unique pour installer et sécuriser le réseau de transfert d’eau
Pour des raisons de célérité, de cohérence, d’harmonie et de sécurité, une seule entité assure les services suivants : construction des plateformes devant recevoir les réservoirs, fourniture et pose des réservoirs et de la tuyauterie, protection et surveillance du réseau, aménagement de cuvettes et portions de vallées, cartographie du réseau et des sites desservis.
2.3 « Conseil agricole internalisé »
Des bénéficiaires diplômés (agronomes, techniciens horticoles…) sont attributaires, chacun, d’une parcelle d’un (01) ha, au même titre que les bénéficiaires simples.
En sus, chaque technicien supervise un « champ-école » d’un (01) ha contigu à sa propre parcelle et où il inculque les Bonnes Pratiques agricoles à un groupe de bénéficiaires simples qu’il appuie dans leurs propres parcelles, veillant sur l’application convenable des Bonnes Pratiques apprises : c’est l’« école au champ ». La rémunération de chaque technicien est tirée du « champ-école » dont les revenus en issus sont ainsi partagés : 50 au technicien, 30% aux bénéficiaires simples et 20% pour les charges diverses (amortissement, réplication, intrants,…)
2.4 Partenariat avec des structures pérennes
Les performances des équipes sont suivies périodiquement par une ou plusieurs institutions de formation agricole liées à la ferme par une convention. L’expertise exogène sert de contrôle passif et crée une saine émulation entre les techniciens et entre les équipes.
En retour, ces institutions envoient leurs étudiants en sorties pédagogiques, stages, mémoires/thèses, au niveau des fermes.
2.5 Organisation des bénéficiaires et constitution des chaines de valeurs
Les intervenants stratégiques directs et indirects, d’amont en aval des activités de production (fournisseurs d’intrants divers : semences certifiées, engrais organiques, information climatique et de marché, assurance agricole, crédit, emballages, transformation, distribution, restauration…), sont identifiés et mis en relation avec les producteurs. Des Tables-filières sont créées.
Les producteurs sont organisés autour des techniciens pour atteindre, le plus rapidement possible, leur autonomie organisationnelle et fonctionnelle.

2.6 Réplication
Chaque ferme, pendant la période de croisière, accepte des organes de gestion qu’ils ont mis en place, des prélèvements sur leurs revenus, jusqu’à hauteur des sommes à déterminer, pour qu’à terme (2 à 3 ans), une nouvelle ferme de mêmes dimensions soit financée, dans le même environnement.
2.7 Disponibilité spatiotemporelle optimale de l’eau
S’agissant du joug de la pluviométrie sur notre agriculture, elle-même soumise au caractère erratique du climat, j’ai identifié un principe simple et efficace, pour la disponibilité spatiotemporelle optimale des ressources hydriques. Une série de réservoirs modulables inoxydables, pouvant stocker un (01) m³ à plus de cinquante mille (50.000) m³ d’eau, autorise ce transfert par un système de vases communicants, donc, sans énergie exogène et sans entrave à la circulation des personnes et des animaux, la tuyauterie entre les réservoirs étant enterrée. Seul le premier réservoir connecté à la source d’eau requiert du pompage. Cette capacité de stockage ne peut être obtenue avec un château d’eau et offre un cout moins élevé du m³ d’eau stocké. Le réseau, géoréférencé, est soumis à un mode de surveillance local et à distance.
III. Autre applications du principe de vases communicants
3.1 Revitalisation efficiente des vallées fossiles
Le mode d’écoulement gravitaire à ciel ouvert, outre d’entraver la circulation des personnes et des animaux, requiert beaucoup d’énergie de pompage sous conduite forcée, pour vaincre les variations altimétriques. Ce sont là, deux causes majeures des difficultés de réalisation de la première tentative de revitalisation des vallées fossiles du Ferlo, au début des années 1990.
Avec lesdits réservoirs, des portions de vallées fossiles et certaines mares pourraient être aménagées et remplies à partir des points les plus proches, permettant des activités de cultures fourragères, maraichères et aquacoles, l’irrigation d’appoint…
En outre, de grandes parcelles de cultures fourragères peuvent être prévues à des points stratégiques comme à proximité des villages abritant les loumas hebdomadaires, pour contribuer à la sédentarisation de l’élevage. Des bois fourragers (Leucaena leucocephala, Pterocarpus luscens,…) pourraient être érigés autour des villages.
3.2 Sauvegarde de l’horticulture dans les Niayes
Les industries extractives exercent une concurrence farouche à l’horticulture, dans le cadre de l’exploitation des nappes souterraines qu’elles contaminent fortement, mettant la santé des populations en danger, en induisant une déperdition de l’innocuité des produits agricoles y générés. Ce mode de transfert d’eau en vases communicants constitue une solution à ce problème de grande acuité, pour ce réservoir légumier du pays.
3.3 Atténuation des inondations
En l’absence d’exutoires pour évacuer de manière gravitaire les excès d’eau au niveau des fleuves, ce système de transfert en vases communicants, selon un dispositif à dessein, pourrait atténuer les inondations, en transférant les excédents d’eau vers des zones ciblées.

Omar SECK
Ingénieur agrozootechnicien,
Pastoraliste, Environnementaliste
à la retraite

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