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Pourquoi y a-t-il si peu d’entraîneurs africains ?

Aliou Cissé, le sélectionneur du Sénégal.

Malgré l’émergence du football africain au niveau local, 12 des 16 sélections à la CAN 2017 sont dirigées par des entraîneurs étrangers. On a essayé de comprendre pourquoi, en questionnant Gernot Rohr et trois journalistes spécialistes du football africain.

Ils ne sont que 4 ! Alors que le Gabon accueille la nouvelle fête du football africain depuis samedi dernier, seules quatre sélections (sur les 16 qualifiés) sont emmenées par un entraîneur de leur pays. Il s’agit d’Aliou Cissé avec le Sénégal, Florent Ibengé avec la RD Congo, Callisto Pasuwa avec le Zimbabwe et Baciro Candé pour la Guinée-Bissau. Les entraîneurs étrangers ont toujours eu la cote au sein d’un football africain moins développé qu’en Europe. Sauf qu’en 2017, malgré la professionnalisation progressive du football sur le continent, les entraîneurs locaux n’ont toujours pas la cote.

La logique est d’abord sportive

De loin, la démarche des fédérations est assez compréhensible. Les sélectionneurs sont issus du football européen car les joueurs évoluent quasiment tous sur le Vieux Continent. Oualid Hamdadou, journaliste sur la chaîne algérienne El Bilad, le confirme: « l’entraîneur africain n’est toujours pas le bienvenu car la majorité des équipes nationales renferment des joueurs binationaux qui sont généralement issus des écoles de football européen. On opte donc pour un entraîneur étranger afin de mettre la sélection sur la bonne voie ».

Au-delà de cet état de fait, les fédérations préfèrent confier les rênes de leur sélection à un étranger pour des raisons plus ou moins sportives. « Il y a une défiance des dirigeants qui pensent que tout ce qui se fait en Europe est toujours mieux. Les fédérations pensent que les coachs locaux n’ont pas le niveau et peuvent être influencés », assure ainsi Mansour Loum, journaliste de Stad’Afric. Nicholas Mc Anally, de l’AFP, enchaîne: « il ne faut pas se leurrer: certains footballeurs africains qui évoluent en Europe ne respectent pas les coaches locaux. Il y a 20, 30 ans, les sorciers blancs apportaient de la rigueur, de la technique et l’assurance qu’il n’y aurait pas de préférence. »

La pression locale est trop forte

 On se méfie des choix d’une personne qui appartient à telle ou telle ethnie

Gernot Rohr, actuel sélectionneur du Nigeria et qui a déjà dirigé le Gabon, le Niger et le Burkina Faso, a une explication détaillée: « c’est un problème spécifique à la composition des populations africaines. S’il y a un entraîneur local, il appartient forcément à une ethnie et la situation locale fait que l’on se méfie des choix d’une personne qui appartient à telle ou telle ethnie. On a parfois plus confiance en l’objectivité d’un entraîneur étranger, mais aussi en son expérience et sa connaissance du football européen ».

On considère donc que l’entraîneur européen sera moins affecté par la pression populaire. « Quand tu as ta famille dans le pays et que cela se passe mal, la famille souffre énormément », regrette Gernot Rohr. Oualid Hamdadou rappelle: « l’entraîneur local ne peut pas exercer son travail tranquillement, surtout que les supporters vont le mettre sous pression et lui réclamer monts et merveilles. Il faut que l’entraîneur local ait une forte personnalité pour réussir, comme l’ancien sélectionneur du Nigeria Stephen Keshi qui a remporté la CAN en 2013 ».

Les anciens joueurs, l’avenir ?

Justement, pour quelles raisons d’anciennes gloires des équipes nationales ne franchissent pas le pas ? « Il y a des anciens internationaux qui ont les diplômes et le niveau, mais n’ont pas envie de venir car ils prétendent à autre chose en raison d’un certain bordel dans les fédérations, avec le problème des primes et des salaires ainsi que de la logistique », explique ainsi Mansour Loum.

Aliou Cissé, le coach des Lions de la Teranga, a peut-être ouvert la voie, lui qui était de l’épopée sénégalaise à la Coupe du monde 2002. L’ancien joueur du PSG a d’ailleurs choisi Omar Daf et Tony Sylva en tant qu’adjoints. Des idoles comme Didier Drogba ou Samuel Eto’o prendront-elles le risque de diriger leur sélection nationale dans quelques années ?

Actsen.com avec football.fr

 

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