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ARRESTATION DU MAIRE DE DAKAR : LIBÉREZ LA JUSTICE !

Depuis son arrivée au pouvoir, à la tête d’un Parti encore dans les langes, le président de l’APR n’a pas encore donné les preuves de sa capacité à gérer politiquement l’Etat sénégalais. Nous avons l’impression d’avoir affaire à un pouvoir impotent, qui s’appuie essentiellement sur la Police d’État et des béquilles judiciaires.

En effet, la vie politique de notre pays semble de plus en plus confinée dans un périmètre allant du siège de la Division des Investigations Criminelles au Palais de Justice, abstraction faitede quelques détours à la Direction des Élections.

Profitant de textes obsolètes organisant la régie d’avance de la Ville de Dakar, le procureur et son juge d’instruction viennent de décapiter cette municipalité en emprisonnant le maire et tous ses proches collaborateurs à la prison de Rebeuss, où ils vont rejoindre le maire de la Médina.Toutes ces personnalités, en plus du premier magistrat de la commune de Mermoz-Sacré-Cœur, récemment condamné à deux ans de prison, dont six mois fermes et à une forte amende, ont la particularité d’appartenir au groupe d’hommes politiques, opposés à la ligne politique actuelle de la direction du parti socialiste, alliée inconditionnelle du Président de l’APR.

Il s’agit, donc, de neutraliser des adversaires politiques par le biais de procédures prétendument judiciaires.

Au-delà du drame personnel vécu par ces concitoyens, les observateurs politiques s’interrogent sur le mode de gestion du pouvoir par un Président, qui d’une part refuse à son Parti, toute perspective de développement et de maturation, d’autre part confine ses alliés dotés d’une expérience politique inégalable dans un mutisme complice.

C’est pourquoi, les seules manifestations politiques significatives de la majorité restent les grands rassemblements des Femmes de l’Émergence, au cours desquels, des crédits sont octroyés ou les accueils « spontanés » commandités par les chefferies religieuses reconnaissantes ou organisés lors des tournées soi-disant économiques, qui servent, par ailleurs, à débaucher, nuitamment, de potentiels transhumants.

Aucun travail de proximité n’est fait par les militants de la Grande Coalition au pouvoir pour expliciter les grands axes programmatiques de la politique mise en œuvre par Benno BokkYakaar. On laisse le soin aux grands médias publics confisqués par l’État APR de nous « intoxiquer » à longueur de programmes et ceux privés de diffuser des publi-reportages grassement rétribués pour chanter les louanges du nouveau Guide de la Nation et magnifier les bienfaits présumés de ses politiques.

Finalement, notre pays souvent abusivement présenté comme vitrine démocratique de la sous-région, ne semble être qu’une démocratie électorale, constamment sous la menace de remises en cause de politiciens malhonnêtes et perfectible sur beaucoup de plans.

L’impasse à laquelle nous a conduit l’incompétence politique de nos dirigeants actuels avec leur style de management autoritaire traduit aussi leur refus de procéder aux ruptures venues à maturité et identifiées par les Assises Nationales.

Pour parler plus spécifiquement de la Justice, qui nous occupe, aujourd’hui, elle est traversée, depuis quelques années, par un malaise profond et des mouvements de défiance.Il y a ainsi eu, récemment, la désapprobation par l’écrasante majorité des magistrats, à travers leur Union, du projet de loi organique portant Statut de la magistrature et celui sur le Conseil supérieur de la Magistrature.Le magistrat Ibrahima Hamidou Dème, dans sa célèbre lettre de démission du Conseil Supérieur de la Magistrature au Président de la République, a confirmé la crise profonde traversée par le système judiciaire national et liée, selon lui, au manque de transparence dans le choix des magistrats.

Est cela qui explique les multiples errements constatés dans l’administration de la Justice dans notre pays, depuis 2012 ?

La CREI, qui n’a principalement ciblé que le fils de l’ancien Président, dont on connaît par ailleurs les conditions nébuleuses de sa libération, l’impunité de fait accordée à une vingtaine de dignitaires libéraux auront finalement contribué à discréditer la reddition des comptes finalement assimilée à un règlement de comptes. La mise sous mandat de dépôt du maire de Dakar et de ses amis semble confirmer cette thèse, à laquelle ne croyaient que les inconditionnels wadistes.

L’opacité, qui entoure les activités de l’OFNAC, a abouti à la défénestration de sa précédente directrice jugée trop entreprenante, prenant trop au sérieux son rôle, au goût des politiciens apéristes, pour lesquels, la reddition des comptes reste un slogan parmi d’autres.

L’aspect le plus révoltant dans ce volet judiciaire est la persistance des longues détentions jugées arbitraires par les organisations des droits de l’Homme et l’entêtement à refuser d’accorder la liberté provisoire à des citoyens disposant de solides garanties de représentativité. Cette mesure, utilisée essentiellement comme moyen de répression à l’encontre d’adversaires politiques, qu’on cherche à humilier et à punir, illustre la non-prise en compte d’une des propositions des Assises Nationales, qui préconisait l’institution d’un Juge des Libertés, pour mettre fin aux abus.

Après la dynamique des Assises Nationales, qui a passé en revue toutes les insuffisances de notre système politique, la mobilisation exemplaire des forces citoyennes venues de divers horizons et l’apport décisif d’organisations de défense des droits de l’Homme, le peuple sénégalais était en droit d’espérer des ruptures radicales.

Il semble qu’il faille remettre le métier à l’ouvrage et exiger l’indépendance du système judiciaire par rapport à l’Exécutif, préalable incontournable pour une démocratie véritable. L’opposition, quant à elle, est interpellée pour l’adoption d’une plateforme commune centrée sur les conclusions des Assises Nationales et les recommandations de la CNRI.

 

NIOXOR TINE

 

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