La France a un nouveau président, qui se distingue à la fois par sa jeunesse, 39 ans, et par son libéralisme. Des caractéristiques remarquées par de nombreux acteurs de la société civile en Afrique. Les discours d’Emmanuel Macron sur la rupture, un mode de gouvernance différent ou sur la transparence, ne laissent pas non plus indifférents les observateurs africains.
En Afrique, les hommes politiques et acteurs de la société civile sont nombreux à souligner la jeunesse d’Emmanuel Macron. En République centrafricaine par exemple, Anicet Georges Dologuélé, président de l’URCA et chef de file de l’opposition, souhaite que « sa jeunesse, sa modernité et son pragmatisme détonnent sur la politique africaine ».
Un avis partagé au Cameroun par le quadragénaire Joshua Oshi, premier vice-président du SDF, le principal parti d’opposition. Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de 30 ans, il estime que « l’engouement populaire pour la candidature d’Emmanuel Macron au Cameroun a quelque chose à voir avec son âge ».
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Joshua Oshi espère à voix haute que « cet engouement restera dans la durée et fera jaillir un nouveau leadership » sur le continent. Emmanuel Macron peut à ses yeux servir d’exemple à une jeunesse qui « jusqu’à présent a toujours cru que le leadership était quelque chose qui restait entre les mains des octogénaires ».
« Malheureusement, ajoute Joshua Oshi, c’est pour cela que le Cameroun n’avance pas, parce que tous ceux qui le dirigent ont leur avenir dans un rétroviseur. Et je crois que maintenant ils peuvent comprendre que c’est possible à 40 ans, 39 ans, 45 ans, de diriger un pays, de diriger un parti politique, d’avoir des idées ».
Alors que le président du Cameroun Paul Biya a aujourd’hui 84 ans et que son principal opposant, le président du SDF John Fru Ndi, en a 75, Joshua Oshi va même plus loin. Pour lui, « si vous avez 75 ans, si vous avez 90 ans, vous n’êtes plus en phase avec ce qui se passe dans le monde aujourd’hui ».
Une opinion qui se retrouve dans la bouche de Seidy Gassama, directeur d’Amnesty international au Sénégal, qui voit dans la jeunesse du nouveau président français un avantage pour la démocratie en Afrique.
« Macron est jeune, il est né après les Indépendances, il est né pendant que beaucoup de chefs d’Etat étaient déjà au pouvoir, il faut que le discours qu’il adresse soit un discours très clair. Que le respect des principes démocratiques, le respect des droits humains, le respect de la bonne gouvernance, soient au centre de ses priorités », plaide M. Gassama.
Développement économique et sécurité
Au-delà de son âge, le profil libéral d’Emmanuel Macron fait également parler en Afrique. Certains espèrent ainsi que les relations entre la France et le continent africain s’orientent dorénavant plus sur l’économie que sur la politique intérieure des pays d’Afrique.
En RCA, Anicet Georges Dologuélé souhaite « qu’on mette beaucoup l’accent sur le développement économique pour permettre qu’il y ait plus d’entreprises qui soient créées en Centrafrique. Que des entreprises et PME françaises viennent investir et qu’il y ait plus de relations économiques que de questions politiciennes. »
A contrario, le MLPC, parti centrafricain membre de l’Internationale socialiste et proche du PS français, voit dans la sécurité la priorité. Son président Martin Ziguélé appelle à un retour sur le terrain des militaires français de Sangaris.
« Il faut que la force se réengage de manière claire et nette en Centrafrique pour nous aider à nous libérer les groupes armés et que, s’il y a des questions politiques elles puissent être traitées dans un cadre de paix dans tout le pays. La Minusca a 12 000 hommes. La Minusca ne peut pas assurer la sécurité dans tout le pays dans des délais raisonnables », affirme-t-il.
Relations d’égal à égal
Certain clament enfin leur désintérêt pour les résultats de l’élection présidentielle française, et préfèrent se concentrer sur la vie de leur pays. C’est le cas de Fadel Baro, coordinateur du mouvement « Y’en a marre » au Sénégal.
« Nous faisons partie d’une génération qui pense que tout ça ne nous regarde pas. La politique de Macron, la politique de Marine, la politique de la gauche, la politique de la droite, pour nous ça ne changera pas grand-chose parce que le salut viendra de nous-mêmes quand on décidera de s’émanciper. Quand je parle de nous, je parle de la jeunesse africaine ».
Politiques et organisations de la société civile du continent africain – qu’ils voient d’un œil plus ou moins optimiste l’élection d’Emmanuel Macron – s’accordent en tout cas sur un point. Ils demandent au nouveau président de la République française de respecter l’Afrique et ses habitants, de parler d’égal à égal.
Comme le dit Soumaila Cissé, chef de file de l’opposition au Mali, ils souhaitent que « les relations soient des relations d’Etat à Etat, dans le respect l’un de l’autre et surtout que l’on ne s’ingère pas dans la vie politique de l’autre Etat ». M. Cissé ne veut pas que « les choix » politiques « soient déterminés ou influencés par une force quelconque, fusse-t-elle une force amie ».
Rfi