Dimanche 28 mai dans plusieurs villes du Maroc, des rassemblements de solidarité avec les événements du Rif se sont tenus. Ce week-end à Al Hoceïma, capitale de cette région enclavée du nord-est du pays, une vingtaine d’activistes ont été arrêtés et des heurts entre manifestants et forces de l’ordre ont eu lieu. Les protestataires dénonçaient le tournant sécuritaire pris pour mettre fin au mouvement citoyen Hirak, né d’une contestation populaire après la mort du poissonnier Mouhcine Fikri en décembre dernier.
Près d’un millier de personnes se sont rassemblées dimanche une heure durant sur la place des Nations unies, en face de la médina, à Casablanca.
Nezha, la vingtaine, est d’origine berbère. Pour elle, sa communauté – à laquelle appartiennent les Rifains – est stigmatisée par les autorités.
« Avec le gouvernement, il n’y a rien qui marche, toujours les mêmes problèmes, toujours la pauvreté, tu n’as pas le choix. On est toujours rejetés », témoigne la jeune femme.
Adeal, la quarantaine, est acteur associatif dans le milieu culturel. Marquer sa solidarité était pour lui une évidence, « non seulement à l’égard des Rifains, mais à l’égard de tous les Marocains ».
« Il s’agit de services publics, d’éducation, de santé, de justice. On ne comprend pas qu’il y ait des injustices sociales, alors que nous ne sommes pas un pays si pauvre que cela », explique-t-il.
Injustices sociales et promesses non tenues
Pour Omar, activiste proche du 20-Février, mouvement né de la contestation des « printemps arabes », les événements d’Al Hoceïma sont révélateurs.
« Ce qui se passe dans la région du Rif est d’une gravité exceptionnelle vu le degré de militarisation de la région et le retour de l’arbitraire », dénonce-t-il.
« On est plus au moment des promesses du roi pendant l’année 2011 d’un avenir meilleur radieux, etc. D’où le besoin de solidarité, de monter des résistance », ajoute-t-il.
Selon des sources proches des milieux associatifs, les familles des personnes arrêtées à Al Hoceïma ignorent leur lieu de détention. Le leader du mouvement Nasser Zefzafi est toujours activement recherché.
La ville d’Al Hoceïma est réputée frondeuse. Ses habitants ont depuis le début du XXe siècle entretenu des relations houleuses avec le pouvoir.
Dans cette région enclavée – et pauvre -, la population s’y sent régulièrement délaissée par le pouvoir central marocain.
Rif, pouvoir central : désarmour de longue date
Il y a le Maroc utile et le Maroc inutile, se plaisait à répéter autrefois le défunt roi du pays, Hassan II, père de l’actuel souverain Mohammed VI.
Parmi les régions qui étaient loin d’avoir ses faveurs : le nord du pays et la région du Rif, en raison de son passé sécessionniste.
Le Rif s’est un temps auto-proclamé république indépendante en 1926. Au total, il s’est soulevé ou révolté à quatre reprises.
Notamment sous le protectorat, puis à l’époque de l’indépendance du Maroc ou encore dans les années 1980. A chaque fois, la répression a laissé des traces.
Lors des dernières émeutes de 1984, lancées par les étudiants rifains à Nador, Hassan II avait décidé d’exclure la région de tous les plans de développement.
Perchée entre les montagnes escarpées et arides du Rif, la zone vit principalement de la culture du cannabis.
10 milliards de dirhams pour le développement ?
Avec l’arrivée de Mohammed VI, la monarchie s’était réconciliée avec les habitants de cette région berbérophone, à grands coups de plans de développement socio-économiques.
Mais l’enclavement et le manque de ressources locales continue aujourd’hui d’alimenter les frustrations, et l’emploi manque.
Le taux de chômage y est de 21 % de la population active, soit le double de la moyenne nationale.
Il y a moins d’une semaine, une délégation interministérielle s’est rendue à la rencontre des élus et de la société civile d’Al Hoceïma.
Un plan de près de 10 milliards de dirhams (900 millions d’euros), destinés à améliorer l’accès à l’emploi, aux structures de santé, à l’éducation, au réseau routier, y a été annoncé.
Rfi