Aux Etats-Unis, le calme est revenu à Charlottesville après les violences du week-end à l’occasion d’un rassemblement de groupuscules d’extrême droite qu’ont dénoncé des militants antifascistes. Le 13 août, une militante antiraciste de 32 ans a ainsi perdu la vie, fauchée par la voiture d’un jeune homme aux sympathies néonazies, qui a aussi blessé une vingtaine d’autres personnes. Ce 16 août, une cérémonie d’hommage était organisée dans cette ville de Virginie, à laquelle participaient plusieurs personnalités locales et surtout les proches de la victime, Heather Heyer.
Depuis la mort de sa fille le 13 août, la dignité et la conviction de Susan Bro suscitent le respect de beaucoup. Le 16 août, lors d’une cérémonie dans un théâtre de Charlottesville, en Virginie, elle a encore rendu un hommage poignant à sa fille Heather Heyer et à ses combats.
« Dites-vous : que puis-je faire pour changer les choses ? a-t-elle déclaré. C’est comme cela que vous donnerez de la valeur au décès de ma fille. Ils ont essayé de tuer ma fille pour la faire taire. Mais vous savez quoi ? Ils l’ont juste magnifié ».
Le millier de personnes dans la salle, et tous ceux restés à l’extérieur symbolisait la diversité de Charlottesville. Le violet, la couleur favorite de Heather Heyer, prédominait. Avant le week-end, celle-ci avait confié à des proches ses craintes de débordements mais elle se devait de participer à la contre-manifestation.
Durant son discours, l’émotion a submergé son père, Mark Heyer. « Elle voulait l’égalité, a-t-il rappelé. C’est dans cet esprit que le jour où elle est décédée, elle était là pour dénoncer la haine ».
Mark Heyer a également lancé un appel à la réconciliation. « Aucun père ne devrait avoir à faire ceci, a-t-il encore déclaré. Mais j’aime ma fille. Et quand je vous regarde, je vois que vous l’aimez aussi. Elle était comme cela. C’était difficile de ne pas l’aimer. Elle aimait les gens. Elle voulait l’égalité. Le jour de sa mort, elle était présente pour démonter la haine. En ce qui me concerne, je crois qu’on devrait arrêter tout ça et nous pardonner mutuellement. Je pense que c’est cela que Dieu voudrait qu’on fasse : arrêter et nous aimer. A mon arrivée aujourd’hui ici, j’ai été bouleversé par l’arc-en-ciel de couleurs de peau dans cette salle. Heather était comme cela : votre origine lui importait peu. Elle vous aimait et c’est tout ».
Inquiétante progression du racisme
Dans la soirée, des centaines de personnes se sont encore réunies spontanément sur le campus de l’université de Virginie. Vendredi dernier, le 12 août, un défilé façon Ku Klux Klan y avait provoqué les premières échauffourées.
Dans un contraste saisissant, les participants étaient cette fois munis de simple bougies et non de torches, et leurs chants appelaient à l’égalité plutôt qu’à la haine.
Plusieurs groupes d’experts des Nations Unies ont publié un communiqué de presse dans lequel ils tirent le signal d’alarme sur le racisme aux Etats-Unis après les manifestations des extrémistes à Charlottesville.
« La situation des Afro-Américains est vraiment très difficile, ils sont racialisés et il y a une colonialité du pouvoir qui s’exprime sur eux mais on n’avait pas encore perçu cette dangerosité telle qu’elle est apparue à Charlottesville, explique Mireille Fanon-Mendès-France, membre du groupe d’experts qui travaille sur les populations d’ascendance africaine. Le discours officiel le porte en lui. Quand on dit « Make America great again », ce n’est pas être une puissance économique, mais aussi être une puissance blanche telle qu’elle était au XIXe siècle et début du XXe siècle ».
« On est en train de réinstiller dans la tête des gens l’idée que s’il y a des problèmes, c’est à cause des Latinos et des Afro-Américains avec tous les poncifs, toutes les généralisations qui sont construites sur leur dos, poursuit-elle. Tout est fait pour qu’effectivement, les suprémacistes blanches se sentent pousser des ailes et reprennent le pavé, chose qu’ils ne faisaient plus depuis des années, ou en tout cas de manière extrêmement discrète ».
Avec RFI