L’arbitre ghanéen Joseph Lamptey, jugé coupable par la Fifa d' »avoir manipulé le résultat » du match Afrique du Sud-Sénégal de novembre 2016, a déclaré à l’APS avoir commis « une erreur » d’arbitrage, tout en niant avoir pris « délibérément des décisions pour nuire au football sénégalais ».
« J’aime profondément le Sénégal. Je peux vous assurer que j’ai eu la profonde douleur d’avoir porté préjudice à ce pays », explique l’officier de la police chargée de l’immigration au Ghana, à l’aéroport international de Kotoka, dans la capitale du Ghana, lundi 25 septembre.
« J’aime profondément votre pays. Mon erreur n’a jamais été intentionnelle », a dit Lamptey à l’envoyé spécial de l’APS au Tournoi des nations de l’Union des fédérations ouest-africaines de football (9-24 septembre).
Vêtu d’une belle tenue d’un vert clair, rasé de près, l’officier de la police d’immigration, banni par la Fifa de toute activité liée au football, n’a vraisemblablement pas souffert de voir son nom continuer à alimenter les chroniques sportives en Afrique et ailleurs dans le monde.
En milieu de journée, ce 25 septembre 2017, Joseph Lamptey est entièrement occupé par ses activités professionnelles, au service de la police chargée de l’immigration dans son pays. L’un de ses collègues procède à la vérification de l’identifié du journaliste de l’APS, avant que celui-ci ne s’avance dans la direction de Lamptey.
La première question de fuser : êtes-vous un officiel de la Confédération africaine de football (CAF), dont certains dirigeants séjournaient également au Ghana.
L’arbitre du match Afrique du Sud-Sénégal de novembre 2016 pour les éliminatoires de la Coupe du monde 2018 est un homme au visage avenant et bien pomponné. Un petit sourire aux lèvres, il se tient raide, pour continuer la conversation.
Visiblement, le quadragénaire ne souffre pas du bannissement dont il est l’objet de la part de la Fifa. Il respire la forme. Après les vérifications d’identité, Lamptey se lâche, comme s’il avait hâte de se confier.
Sans attendre les premières questions – « Que s’est-il passé ce jour-là à Polokwane ? Et pourquoi ? » -, il part d’une longue tirade, évoquant sa proximité avec le Sénégal et les arbitres sénégalais.
« D’ailleurs, à l’occasion d’un match international joué à Bissau, j’ai eu l’honneur d’avoir reçu un arbitre sénégalais, qui est venu passer la nuit dans mon hôtel… » rappelle l’ancien arbitre, l’index pointé sur la poitrine.
Selon ses dires, il s’est fait aider d’un psychologue pour passer ce mauvais cap marqué par les chroniques sportives hostiles à son image, après le match entre Lions et Bafana Bafana à Polokwane, en Afrique du Sud.
« C’est vraiment une erreur »
Interrogé par l’APS, l’arbitre sénégalais que Lamptey compte parmi ses amis, dit entretenir de bonnes relations avec l’ancien sifflet ghanéen. Il requiert l’anonymat pour parler de son amitié avec le Ghanéen, en invoquant une « affaire étant toujours en cours » de traitement à la Fifa. Le sifflet sénégalais dit hésiter à appeler l’ami ghanéen au téléphone depuis le match de novembre 2016.
« Dites-moi s’il vous arrive, en tant que journaliste, de faire des erreurs. Oui ou non ? » lance Joseph Lampety. Et sans attendre la réponse, il poursuit sa propre défense : « C’est vraiment une erreur, c’est le propre de l’humain. Mais en aucun cas, je ne voulais blesser le Sénégal où nuire à ses intérêts. »
« Mon épouse, à mon retour d’Afrique du Sud, m’a interpellé, en me demandant ce que j’ai fait aux Sénégalais. Je lui ai dit et répété la même chose : +C’est une énorme erreur commise envers un pays que j’adore.+ ».
Juste avant les adieux avec le journaliste de l’APS, Lamptey semblait surpris d’apprendre que le Sénégal est un pays de croyants, où les gens savent pardonner. A ces moments, l’intransigeante police ghanéenne de l’immigration met la pression sur les passagers, leur demandant de remplir toutes les colonnes des fiches d’embarquement. Lamptey vient en aide au journaliste de l’APS, délaissant ses compagnons de route, des confrères sénégalais et ivoiriens obligés de faire la queue, comme de nombreux passagers.
Les confrères du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, qui n’en croyaient pas leurs yeux, s’empresseront ensuite de demander au journaliste de l’APS si c’était « bien » avec Lamptey qu’il discutait. « Je m’en doutais. Cette tête-là, je me disais l’avoir vu quelque part », dira notre compatriote. Et le confrère ivoirien, dans un humour caustique, s’esclaffe de rire : « Fais gaffe qu’il ne te manipule comme il l’a fait du résultat de votre match avec l’Afrique du Sud. »
« J’adore votre pays »
Empoignant nos pièces d’identité et documents de voyage, Joseph Lamptey demande à sa collègue préposée au scanner de nous laisser faire les formalités nécessaires. Il glisse le sac contenant notre ordinateur sur le tapis roulant. Serviable à souhait, Lamptey rassemble sac et chaussures de son intervieweur et les dépose sur une chaise en fer immobilisée au sol.
La discussion entre l’ancien arbitre ghanéen et le journaliste de l’APS reprend de plus belle. « Oui, comme je vous le disais tantôt, j’adore votre pays », insiste-t-il, avant de décrocher son téléphone qui n’arrête pas de sonner et promet de rappeler son interlocuteur.
À l’un de ses collègues qui lui donne du « Chief » pour avoir besoin de lui, Lamptey répond : « Just a minute (J’arrive dans une minute, Ndlr)… » Revenant à la charge, il sert de nouveau les mêmes explications, concernant sa prestation du match Afrique du Sud-Sénégal. « Yes, you can » (Oui, vous pouvez le faire, Ndlr), répond-il à la question de savoir si la discussion pouvait être relayée par voie de presse.
Mais Joseph Lamptey invoque le port de la tenue de la police pour rejeter notre demande de faire un « selfie » avec lui. Il refusait jusque-là toute interview demandée par la presse locale, selon Teteh Adjei, de RFI, et Ibrahim Sannie, le responsable de la communication de la Fédération ghanéenne de football.
Lamptey nous serre longuement la main et nous raccompagne jusqu’à la porte de la salle d’embarquement, au moment où les autres passagers peinaient à terminer les formalités d’usage avec la police de l’immigration.
À son arrivée dans la salle d’embarquement, une dizaine de minutes plus tard, notre confrère de la Côte d’Ivoire, ne cache pas son regret de n’avoir pu placer un mot dans la conversation avec l’ancien arbitre ghanéen. Une interview qu’il a cherchée durant tout son séjour sur le sol de l’ancienne Gold Coast, lors du Tournoi des nations de l’UFOA.
Aps