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Contribution

L’art de dissimuler le présent dans le passé : Chronique d’un journalisme à la solde

Qui disait que le temps de l’Africain est cyclique ? Même s’il a tort de le dire, nous ne faisons rien pour lui montrer qu’il a tort. Nous sommes très souvent pris dans un tourbillon d’une histoire qui bégaye au lieu de progresser. Retour en arrière non seulement dans les actes, mais aussi dans l’interprétation de notre histoire.

Nos hommes politiques nous promettent toujours la rupture et le progrès, mais à l’arrivée, ils se retournent honteusement, regardent dans le rétroviseur, pour nous servir le même refrain : « mes prédécesseurs aussi le faisaient ». Nous sommes donc d’éternels damnés de la politique et nous devons toujours refaire les mêmes fautes ; l’essentiel étant que les auteurs des fautes changent !

Macky Sall qui était censé nous mettre sur la rampe d’un renouveau de bonne gouvernance s’est non seulement déclaré incapable de le faire, mais a opté de reproduire et de renforcer les pratiques corrompues de gestion des deniers publics. Et le pire est que ses amis de la presse ont, sans gêne, trouvé un stratagème pour l’absoudre quels que soient les scandales à son actif.

Il suffit, chaque fois qu’un scandale éclate, de détourner l’attention des citoyens, en allant fouiller dans les 12 ans du régime de Wade des scandales similaires. Ils ont tellement réussi cette prestidigitation que même les fameux politologues et analystes politiques, se sentent obligés, pour pouvoir porter un regard critique sur la gestion scandaleuse de Macky, de payer le tribu de honnir et d’agonir la gestion de Wade. Nous sommes donc des ruminants politiques  ou d’éternels redoublants de la démocratie !

Il faut escalader le présent, plonger dans le passé, pour pouvoir légitimement remonter le présent ; à telle enseigne que l’auditeur finit par davantage se focaliser sur le passé que sur les présent. Or ce que ces gens tapis dans l’ombre des jardins du palais feignent ignorer c’est que pour Macky commettre ces fautes est plus grave. Car non seulement il a été complice principal de Wade pendant plusieurs années, mais il avait prétendu convoiter le pouvoir pour justement mettre fin à de telles pratiques.

La presse sénégalaise a toujours été un levier principal de toutes les conquêtes démocratiques de ce pays, mais elle semble, (pour une bonne partie) avoir changé de paradigme. La dénonciation du régime est devenue de plus en plus timide, voire inexistante, et pourtant les mêmes pratiques, naguère dénoncées, persistent et s’amplifient dans bien des cas. Pourquoi donc cette clémence médiatique dont bénéficie Mack Sall ?

 En persistant dans cette perspective d’occultation du présent par l’évocation du passé, fut-il le passé récent, les auteurs de cette combine intellectuelle rendent un très mauvais service à Macky Sall et au Sénégal. A Macky Sall ils rendent un mouvais service, car en légitimant ses dérives par l’évocation des dérives de ses prédécesseurs, on l’encourage à rester dans l’immobilisme.

Au Sénégal ils rendent un mauvais service, car la banalisation de telles mœurs politiques finira par convaincre les sceptiques qu’en réalité les hommes politiques sont tous pareils. Or nous croyons que la seule façon de rompre définitivement ce cercle vicieux de politiciens qui se renient, mentent et exploitent le peuple, c’est de les sanctionner sévèrement.

Ne pas réélire Macky Sall est une œuvre de salubrité politique ; une urgence démocratique pour définitivement mettre fin à la mal gouvernance ; une exigence éthique pour redonner aux Sénégalais le culte du mérite et du travail honnête. En faisant la promotion industrielle de la transhumance et en entretenant des partis politiques par nos maigres ressources sur la seule base de son arbitraire, Macky Sall nous a montré ce qu’il veut et, par conséquent, ce qu’il vaut.

Si Macky Sall réussit à se faire réélire, malgré son option entêtée pour la continuité dans la gestion opaque des affaires publiques, c’en est fini de toute possibilité d’infléchir le cours de cette méprisable tradition de l’histoire politique du Sénégal. Travailler, comme le fait cette presse partisane, à rendre normales ces mœurs d’Ali Baba, c’est amnistier non seulement des crimes passés et présents, mais aussi ceux à venir.

En revanche, la seule chance que nous avons de rompre définitivement ce cycle de mal gouvernance c’est de congédier Macky Sall hors du pouvoir. Peu importe celui qui le remplacera, car la sanction sera en même temps un avertissement à celui qui sera élu. Un mandat de sept ans c’est déjà trop pour quelqu’un qui a résolument trahi tous les engagements qu’il avait contractés auprès du peuple.

Toute entreprise de légitimation des dérives actuelles de Macky Sall par le rappel de celles de Wade contribue à le maintenir au pouvoir alors même qu’il n’a honoré aucun de ses engagements essentiels. Le fait que Macky Sall n’ait pas démissionné de la direction de son parti au lendemain de son élection était un signal fort de son option pour une gestion clanique du pays.

Tout le monde est aujourd’hui d’accord qu’être Président et en même temps chef de parti politique est une antinomie qui pose un problème d’équité : le président de la république est une institution et, en tant que telle, il ne peut pas appartenir à un parti. Et s’il finance des partis alliés de façon si éhontée, on ne voit ce qui pourrait l’empêcher de financer des candidatures farfelues pour casser la dynamique unitaire de l’opposition. Or, qu’est ce que la démocratie gagne dans une entreprise aussi sinistre ?

Alassane K. KITANE

Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal

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