“Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.” Albert Einstein
La petite Aissatou est passée de vie à trépas. Elle a lutté contre la mort avec le soutien acharné de sa pauvre mère dont la détermination admirable force le respect. Personne ne sera responsable-encore une fois- de son sort tragique. Ce sera juste un mort de plus. On débattra, on s`émouvra pendant quelques jours… Et puis son souvenir s`estompera aussitôt. On accusera encore le « système« .
Quelle belle manière d`accuser tout le monde et personne à la fois ! Quel fin stratagème d`apaiser nos consciences après être resté sourd à l`appel au secours de cette brave petite fille qui agonisait dans son lit d`hôpital !
Oui nous sommes tous responsables, responsables d`accepter avec pusillanimité que soit érigé en règle ce qui serait scandaleux sous d`autres cieux, d`accepter qu`en terre sénégalaise le droit à la vie puisse être aussi banalisé.
Ne nous voilons pas la face, le cas d`Aissatou n`est pas un cas isolé. C`est le symbole du quotidien du bas peuple face à des personnels de santé qui ont rangé aux oubliettes et trahi cyniquement le serment d`Hippocrate. C`est le sort de bon nombre de nos compatriotes qui murmurent leur souffrance entre quatre murs ou qui gardent le silence parce que leur voix seraient inaudible.
Ce n`est pas notre indignation temporaire qui effacera la douleur de cette pauvre mère qui a été laissée à elle-même, impuissante devant la souffrance de sa fille, dans un lieu où elle avait espoir de guérir. Dans la solitude de ses nuits longues et obscures, le souvenir de cette tragédie ne la quittera jamais. Et on fait comme si tout allait bien…
Aujourd`hui, c`est le cas d`Aissatou. Demain, ce sera le cas d`autres « Aissatous« . Ainsi, se poursuivra le cercle vicieux dans notre plus grande indifférence. Aissatou n`était pas la fille de… Et c`est cynique de le dire: sa vie n`avait pas beaucoup de valeur aux yeux du personnel de santé. Elle n`aurait pas subi pareil sort si elle faisait partie d`une famille nantie. Loin de nous édifier sur les tenants et les aboutissants de cette affaire d`une extrême gravité, le récit alambiqué du directeur de l’hôpital de Pikine confirme notre profonde inquiétude.
Notre indignation ne la fera pas revivre, ne rendra non plus à sa mère cet être précieux qu`elle a perdu. Mais nous pouvons empêcher d`autres « Aissatous« en exigeant la réforme en profondeur de notre système sanitaire de la part de nos autorités, en refusant sans réserve de considérer comme normal les traitements que subissent nos compatriotes dans nos structures santé construites et entretenues avec nos moyens. Faisant en sorte que l`humain soit placé au cœur de tout plan de développement. J`ai envie de dire, attelons nous à traduire en réalité le caractère sacré de la vie humaine galvaudé çà et là.
Repose en paix Aissatou…
Abdoulaye FALL, doctorant en droit à l`UCAD