Ce samedi 28 octobre marque le premier anniversaire de la mort au Maroc du poissonnier Mohcine Fikri, broyé par une benne à ordures en tentant de s’opposer à la saise de sa marchandise, événement déclencheur de la vague de contestation dans le Rif. Décapité par l’arrestation de ses cadres jugés en ce moment à Casablanca et les centaines d’interpellations, le Hirak semble largement fragilisé. Les manifestants d’hier ont peur de parler et de protester. Si l’envie de rester mobilisé est toujours là chez de nombreux habitants, peu d’entre eux sont prêts à risquer la prison.
Si le dispositif policier reste discret, les habitants l’assurent, les autorités surveillent. Dans la rue, l’entrain à égrainer publiquement les maux dont souffrent les Rifains a disparu. Très peu acceptent de s’exprimer sur la situation.
Ce n’est pas le cas pour ce quadragénaire qui dit ne pas craindre la police. « Moi je n’ai pas peur, je suis sorti, j’ai déjà manifesté et scandé « Vive le Rif », mais il faut que tout le monde sorte d’un coup pour dire qu’on est pacifiques, qu’on ne veut pas de bagarre. Mais actuellement, il n’y a pas de coordination parce si les gens s’organisent, si les gens interagissent, ils se font arrêter », explique-t-il.
Les habitants de la ville le répètent sans relâche : chaque famille a aujourd’hui un proche incarcéré pour avoir manifesté. C’est le cas de ce bachelier, dont le frère est en prison. Il témoigne caché dans une remise de magasin. « Les dirigeants du Hirak manifestants sont en prison, les leaders sont en prison et ceux qui sont ici sont des jeunes qui sont sortis le 20 juillet, le jour de l’Aïd, et ils ont fait leur devoir. Ils sont sortis manifester, mais la majorité ont quitté la ville, ils ont beaucoup souffert. En fin de compte la politique du pouvoir a bien porté ses fruits ici à Al Hoceïma. Maintenant les jeunes veulent immigrer en Europe », se désole-t-il.
De nombreux habitants disent toujours soutenir dans l’ombre le Hirak et Nasser Zefzafi, leur leader, mais préfèrent garder le silence de peur d’être arrêtés. Selon les avocats, plus de 270 personnes sont actuellement poursuivies à Al Hoceïma pour avoir pris part aux protestations dans le Rif cette année.
Des attentes nombreuses
Quant aux origines profondes de la contestation dans cette région qui s’estime marginalisée, elles sont toujours là. Si en haut lieu les initiatives en faveur de la région se sont timidement accélérées, les habitants, eux, attendent toujours la réalisation de leurs revendications.
A Sidi Abed, quartier de rassemblement privilégié par les manifestants, un groupe d’hommes sirotent leur café. En quelques mois, leur rue a été terrassée et l’éclairage public installé. Insuffisant pour ce retraité. « Ils ont fait des routes, mis des lumières, ils les ont installées, mais ce n’est pas le problème ! Le problème est que nous voulons travailler, nous voulons étudier, des universités, s’emporte-t-il. Ce qu’ils ont fait, c’est comme du maquillage. Ils ont mis des lumières, des routes, c’est magnifique. Non, les routes ne vont pas nous nourrir. »
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Pour ce jeune chômeur, le roi qui a déjà renvoyé trois ministres pour défaillances dans le Rif doit aller plus loin pour sanctionner les responsables des retards dans le plan de développement de la région. « Les responsables ont des comptes à rendre. Le roi doit les présenter devant la justice et pas seulement les démettre de leurs fonctions. Parce qu’entre-temps, ils ont amassé beaucoup d’argent. Ces ministres sont comme des vautours », lâche-t-il.
Réalisation d’un hôpital, finalisation d’une voie express, multiplication des liaisons aériennes ou encore reprise de la construction d’un théâtre. Autant de travaux relancés dans l’urgence cette année à Al Hoceïma pour répondre aux revendications des habitants qui réclament aujourd’hui avant tout la libération de tous les détenus.
Rfi