Comme chaque année, les célébrations religieuses sont l’occasion, pour les hommes de Dieu, de venir en pompiers pour éteindre les foyers de tensions nés des divergences politiques. On nous parle de dialogue politique et de retrouvailles politiques. Cet appel réitéré tous les ans, n’est pourtant pas suivi dans le sens que ces marabouts l’entendent. Et si les vrais promoteurs de cet appel n’étaient pas ces marabouts. Les «amis en communs» ont toutes les raisons de le faire
Les «amis en commun» connaissent bien les vertus du dialogue politique ou du moins ils en saisissent une certaine finalité, qui est d’une relativité amusante. Jamais traduction n’a été plus fidèle et plus compatible avec nos valeurs que le dicton fameux qui veut que «Reew kene duko paacoo, dess koy pencoo».
On ne peut jamais vous contredire quand vous êtes porteurs d’un si beau et rassembleur message. Les messagers sont souvent des prophètes des temps modernes, inspirateur de bonnes attitudes. Ils peuvent être mus par une certaine idée d’unité nationale, quand ils ne font pas partie des amis en commun.
Précision. On est loin du jargon des réseaux sociaux, quand l’expression «amis en commun» est ici utilisée. Dans un cadre global, plus réel et plus concret qu’est notre paysage politique, j’utilise, volontiers, cette expression pour désigner les personnes qu’une certaine idée de la démocratie ne saurait jamais servir, c’est souvent des porteurs de lourdes valises et autres visiteurs nocturnes. Ces personnes soutiennent le «pencoo», non pas en ce qu’il est porteur d’un message de concertation et de dialogue féconds, mais en ce que ce «pencoo» offre les meilleures possibilités d’un «paacoo».
A quoi pourrait renvoyer l’expression dialogue politique et à qui cela pourrait bien profiter. On me dira que l’idée que j’en ai est d’un pessimisme pouvant faire croire à une paranoïa. Mais je l’assume. Je commencerai à croire que le dialogue politique, tel qu’on nous le vend, profite au citoyen, le jour où on m’en présentera le contenu et la finalité. Que ces deux éléments soient analysés sous le prisme de l’intérêt général, pour ensuite prouver qu’il est plus qu’un concept creux, véhicule d’une entente nouée sur le dos du pauvre citoyen.
En attendant, les demandeurs de ce dialogue ne sont, pour la plupart, que des hommes politiques et autres citoyens influents qui savent tirer profit de ce que les positions politiques offrent en prébendes et en facilité. Ces personnes ne veulent plus avoir à choisir. Elles en ont marre d’avoir un ami du bon côté et un autre du mauvais. Le jeu des amis en commun-pas du même bord-ne les met pas dans une posture confortable.
On sait déjà que la revendication de l’amitié n’est pas chose aisée, en toute circonstance. On ne fera que, difficilement, le bilan des positions dérangées de certaines personnes à un moment de leur ascension politique ou professionnelle. Soit parce qu’ils étaient amis d’un Idrissa SECK où d’un Macky SALL en pleine disgrâce; soit que ce lien amical n’est que quelque chose que des détracteurs leur ont collé à la peau et que ces victimes ont, par manque de choix, fini par accepter.
Ces amis lanceront toute sorte de formule pour appeler aux retrouvailles d’une famille libérale, pour ne plus avoir à choisir entre telle personne et telle autre. Et même si cela n’a pas été gênant pour certains d’attendre la saison de la transhumance pour changer de camp, on peut quand même s’accorder qu’un évènement hors-saison comme poudre de légitimation d’un changement d’air permettrait de ne pas avoir à rendre des comptes devant les envolées accusatrices des médias et de quelques poignées de citoyens rêveurs croyant encore à l’existence des hommes politiques attachés à des idéologies.
C’est pourquoi, pour celui-là qui rêve, le dialogue politique est vide de contenu et dangereux, en ce qu’il va annihiler tout élan d’opposition, car, de toute manière, il se matérialisera par un partage de strapontins pour le plaisir de tous nos retraités politiques et autres gens qui n’ont jamais su faire quelque chose de leurs deux mains encore moins habitués à presser, douloureusement, leurs cervelles pour sortir une idée de génie capable de transformer notre quotidien.
Quand les joutes électorales s’annoncent et que chacun demande à être investi d’une petite confiance, faisons confiance à l’électeur. Il déterminera celui qui sera aux affaires et demandera aux autres d’occuper le siège de l’opposition pour incarner une force de proposition alternative. On n’aurait pas appelé au vote, si tout ce spectacle devait se terminer en une escroquerie politique, qui irait à l’encontre de ce qu’était la volonté de l’électeur, au départ.
Ainsi, la chose qu’il reste à faire c’est d’expliquer à nos marabouts, durant les grands rendez-vous religieux, que le choix de vivre dans une démocratie confère au peuple le pouvoir de choisir certains plutôt que d’autres ; aussi, il permet à ceux qui sont choisis la possibilité de dérouler ce qu’ils ont promis sans avoir à être gênés par ceux qu’on n’a pas choisis.
Le seul discours qui vaille, ces temps-ci, est celui qu’on a entendu à l’occasion du grand Magal de Touba qui revient sur l’abus de pouvoir. On ne peut espérer mieux dire s’il est rappelé aux tenants du pouvoir temporel de la temporalité de ce pouvoir pour qu’ils n’en fassent pas un tripalium sur le dos de ceux qui sont actuellement moins forts qu’eux. Il s’agit-là de l’apologie d’une démarche de gentleman qui se refusant de toute sorte d’abus de pouvoir.
En attendant, le partage de l’incarnation de pouvoir n’est que poudre aux yeux, comme en atteste la suite tant attendue de la rencontre tenue au palais et qui devait sonner le début d’une nouvelle ère de dialogue politique. On n’en veut pas. Restez dans vos positions en attendant de retourner devant le peuple et que celui qui gagne gouverne. Et montrez au peuple qu’il y a quelque chose qui vous intéresse et qui va au-delà des postes et fonctions.
ALIOUNE FALL (Actusen.com)