Après douze mois, jour après jour, de magistère à la tête de l’Alliance Jëf-Jël, Mouhamadou Lamine Barra Cissé, alias Barési, dresse, ici, un bilan à mi-parcours. A cet effet, il a expliqué les grands chantiers auxquels il s’est attaqué, dès la passation de service et dont le plus urgent aura été, pour lui, de tout mettre en œuvre pour redonner vie et envie à un Parti qui était en lambeaux. A travers cet entretien, le chef de file de l’Alliance Jëf-Jël a ergoté sur le processus électoral, les points forts et faibles du bilan du Président Macky Sall, à qui il conseille de se méfier des politiciens «Bara Yeggo».
SourceA : Vous allez boucler, le lundi 12 février 2018, un an à la tête de l’Alliance Jëf-Jël. Si vous aviez un bilan à mi-parcours à présenter, vous diriez quoi à l’opinion?
Mouhamadou Lamine Barra Cissé, alias Barési : J’ai hérité d’un Parti en flottement avec un lot de problèmes, des membres déboussolés, démotivés, désengagés. Il fallait faire le tour, discuter avec tout le monde, mobiliser, organiser puis massifier. Aujourd’hui, Dieu merci, nous avons réussi à faire parler tout le monde d’une même voix. On ne parle plus de Jef-Jël de telle personne ou de telle autre personne. C’est un pas important. Nous avons participé aux dernières élections législatives en coalition. Nous nous engageons à redorer le blason du Parti à l’échelle nationale et au niveau de la diaspora. Nous y travaillons en compagnie des autres membres de la Direction nationale et des structures et militants à la base. Nous élargissons également, petit à petit, les bases du Parti, dans sa composante militante et sympathisante. Avant mon élection à la tête du Parti, on parlait de deux Jëf-Jël (Camp de Yoro Ba et celui Pape Ameth Keita). Maintenant, on parle d’une seule voix.
SourceA : Pouvez-vous revenir, en substance, sur la feuille de route que le Parti vous a collée, en vous portant à sa tête?
MLBC : Un Parti politique est une organisation. Ce qui le caractérise, principalement, est une bonne structuration et des instances, qui fonctionnent. Par conséquent, l’une des missions essentielles, au regard de l’héritage, est de rendre le Parti beaucoup plus fonctionnel, plus uni et plus attractif au niveau national et au niveau de la diaspora, où le Jëf-Jël dispose d’un passé assez élogieux et d’une bonne base de militants et de sympathisants. Vous savez, Certes, le Jëf-Jël est un Parti politique, mais c’est également une philosophie, une doctrine, une vision du monde et de la vie de tous les jours, de manière générale et plusieurs de nos compatriotes s’y reconnaissent. Il s’agit, pour nous, maintenant, de capitaliser tout cela pour faire du Parti une machine, qui pourra, demain, apporter une grosse contribution dans le processus de développent du pays. Nous y travaillons et nous appelons nos compatriotes à nous rejoindre. Nous sommes porteurs de vision pour des changements radicaux pour le développement du pays.
Dès notre prise du pouvoir, nous nous sommes attelés à un travail de terrain, afin que l’Alliance Jëf-Jël devienne plus attractive sur le plan national et international. Il fallait aussi réveiller le Jëf-Jël dans les différents départements du pays. Où, osons l’avouer, il était en profonde léthargie ou délitement avancé. Parce qu’avec le départ du Président Talla Sylla et la division qui minait le Parti, il fallait réconcilier les bouts, réanimer le Parti et essayer de convaincre les uns et les autres à reprendre du service. Ce qui n’était pas une mission évidente. Mais que nous avons, avec l’aide de Dieu, réussie.
SourceA : On sait que l’Alliance Jëf-Jël prenait part aux concertations politiques engagées par le régime et dont les rideaux viennent de tomber. Quelle appréciation en faites-vous?
MLBC : Ces rencontres étaient importantes, en ce sens qu’elles rentrent dans le cours normal des choses, dans un système démocratique. Notre pays se veut un creuset de démocratie et un modèle en Afrique. Par conséquent, il est tout fait normal que les acteurs du système politique se retrouvent, de façon périodique, pour procéder à l’analyse et à l’évaluation de la situation politique et électorale du pays, en vue d’y apporter des améliorations.
SourceA : Avez-vous le sentiment que le Pouvoir en place est disposé à jouer franc-jeu, pour ce qui concerne le processus électoral?
MLBC : Comme nous le savons tous, la démocratie est un idéal, vers lequel on tend toujours. Notre démocratie souffre des Partis politiques, mais également d’un moyen privilégié de son expression, qu’est la bonne organisation d’élections, dans la transparence, à bonne date et avec un taux de participation élevé. Il faut reconnaître que, sur ces questions, il y a beaucoup à dire et à faire. J’en veux, pour preuve, l’organisation des dernières élections (celles législatives du 30 juillet 2017) et leur lot de contestations, ainsi que les dépenses énormes que le contribuable a dû consentir. Maintenant, pour revenir à votre question à savoir est-ce que le régime est disposé à jouer franc-jeu avec l’opposition, j’estime qu’il revient à chaque Parti de faire en sorte que les engagements qui ont été pris par le régime, pour régler les manquements notés sur le processus électoral, le soient. Car comme on le dit en Ouolof, «ouddé noumou laa guissé rék la lay euwalé» (c’est en fonction de ton apparence, que le cordonnier te fait un service).
SourceA : Beaucoup de Sénégalais ne comprennent plus le positionnement politique du Jëf-Jël, qui, jadis, se distinguait par sa ligne dure et critique à l’endroit des régimes en place. Qu’est-ce qui explique ce revirement de situation?
M.LB.C : Chaque situation nouvelle fait appelle à un positionnement nouveau, à une stratégie nouvelle. Dans le débat politique, dans les relations entre Partis politiques, des situations peuvent exiger des compromis pour l’intérêt des populations ou l’intérêt supérieur de la Nation, sans pour autant porter atteinte à nos convictions, notre vision et notre engagement patriotique. Je vous dis qu’aujourd’hui plus hier, le Jëf-Jël garde ses valeurs qui l’ont toujours caractérisé, particularisé et qui lui donnent toute sa légitimité.
SourceA : Certains disent que votre Parti a trahi le « Rewmi » qui a tout mis en oeuvre, pour mettre à la tête du Conseil municipal de Thiès Talla Sylla, accusé d’avoir troqué Idrissa Seck contre Macky Sall. N’est-ce pas la réalité du moment?
M.LB.C : Notons que Talla Sylla n’était même plus membre du Parti Jëf-Jël, quand il était porté à la tête de la Mairie de Thies. Et ce sont des enjeux locaux que je ne maîtrise pas. Par conséquent, vous comprendrez, aisément, que je ne puisse pas me prononcer sur une affaire, dont j’ignore les tenants et les aboutissants.
SourceA : Talla Sylla ne contribue-t-il pas à brouiller l’image du Jëf-Jël, en ce qu’il soutient, souvent, une chose, aujourd’hui, pour défendre le contraire, dès le lendemain?
MLBC : Il faut savoir faire la part des choses, entre le combat politique de Talla Sylla relatif au Jëf-Jël et ses propres options politiques du moment, qui ne nous lient pas. Encore une fois, il faut que tout le monde reconnaisse que les positions du Président Talla Sylla engagent plus son Mouvement «Fal Askanwi» que l’Alliance Jëf-Jël. Ce qui fait, du coup, que je ne saurais être bavard, par rapport à tout ce qu’il dit ou fait dans le cadre de son Mouvement qui est souverain.
SourceA : Si tu avais à évaluer le Magistère de Macky Sall, vous lui attribueriez quelle note?
MLBC : Sur un échelon de 1 à 10, il peut avoir une note qui varie en fonction du niveau de réalisation des secteurs prioritaires de son mandat. Comme dans le domaine du Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc), de fortes réalisations ont été faites, en 2 ans de Mise en œuvre dans le monde rural, avec la construction de forages, pistes rurales, de l’électrification de villages, de distribution de machines pour alléger les travaux des femmes et la promotion de chaînes de valeurs horticoles et lait. Ce succès fait que le Pudc a inspiré beaucoup de pays de la sous-région qui sont déjà venus apprendre de l’expérience sénégalaise à l’image du Burundi et du Ghana.
Toutefois, au sujet du processus électoral et du dialogue avec ses adversaires politiques, j’estime que le Président de la République devrait, même s’il a fait preuve d’ouverture, en initiant, dans un passé récent, un dialogue national, davantage prendre langue avec les vrais acteurs politiques et non avec ceux qui font du «Bara Yeggo». Parce que ce sont ceux qui le critiquent, de façon objective et constructive, qui lui
permettent de faire avancer les choses et de lui faciliter un second mandat.
SourceA : Sa propension à emprisonner ses potentiels adversaires vous suscite quel sentiment?
MLBC : Dans le contexte préélectoral actuel, il est difficile de dissocier ce qui relève de la politique de ce qui est du ressort de la justice. Mais avec la maturité de notre système démocratique, on va tout faire pour sauvegarder l’indépendance des pouvoirs qui cimente notre Nation. En d’autres termes, je fais confiance en nos Magistrats, qui sont très enclins à préserver leur indépendance contre toute intrusion, fut-elle politique.
Propos recueillis par Ndèye Aminata DIAHAM