Au Sénégal, nous sommes habitués à des débats relatifs à des événements qui soulèvent l’émoi au sein de l’opinion.
Cependant, ces débats, plutôt ces polémiques, débouchent très rarement sur des prises de décisions à même de régler définitivement les problèmes soulevés. L’on se contente généralement de quelques jours, voire des semaines d’indignation, en fonction de l’ampleur de l’événement, en attendant le prochain.
L’exemple de la plus grande catastrophe maritime au monde que constitue le naufrage du bateau « Le Joola » est toujours frais dans nos mémoires.
Au fait, où en est-on avec les mesures prises concernant les surcharges dans les transports publics?
En tout cas, des véhicules hyper bondés de monde continuent de passer au nez et à la barbe des forces de l’ordre qui, pourtant, sont pointées à tout bout de route.
On avait aussi parlé de permis à points et d’autres mesures qui semblent être plus éphémères que des feux de paille.
Espérons que l’opération « Set- sétal » national n’est pas juste une tempête dans un verre d’eau.
Présentement, l’assassinat ignoble de Bineta Camara (Paix à son âme), à Tambacounda, dans des conditions tragiques, remet au goût du jour la lancinante question de la peine de mort.
Les partisans de cette mesure considèrent qu’elle est la seule solution pour dissuader les criminels, tandis que les opposants disent que la peine capitale n’a pas diminué le crime dans les pays où elle est appliquée.
Toujours est-il que ceux qui souhaitent le retour de la peine de mort au Sénégal se basent souvent sur la religion musulmane.
Cette position suscite quand même un certain nombre de questions qui nécessitent des éclaircissements.
Si on admet l’argument religieux, il faut tenir compte du fait que la peine de mort s’inscrit dans le cadre de la Charia ou loi islamique.
Est-il possible d’appliquer la peine de mort, au nom de la religion, en dehors de la Charia ?
Peut-on réclamer la peine de mort en évoquant la religion sans demander l’application de la Charia qui ne peut fonctionner qu’en tant qu’entité ?
Etant bien entendu que les lois de Dieu sont à prendre dans leur entièreté et non de façon morcelée ou dispersée.
Etant aussi entendu que la peine de mort dont parle Dieu est celle qui s’inscrit dans le cadre de la Charia et non dans un autre contexte.
C’est du reste une exigence divine, au regard de l’Islam.
Ce n’est pas la Charia ou la peine de mort mais la Charia et la peine de mort : aucune des deux ne peut fonctionner sans l’autre, dans le cadre de l’Islam.
Nonobstant l’argument religieux, que reste-t-il ?
Certainement, le cadre juridique et l’efficacité ou non de cette mesure.
Sur le plan juridique, les choses semblent plus simples- en principe-, dans la mesure où le Sénégal peut bel et bien inscrire la peine capitale dans son arsenal juridique.
D’un point de vue efficacité, en d’autres termes, pour éradiquer la criminalité, la peine de mort est-elle vraiment la solution ?
D’après les pays où elle est appliquée, cela ne semble pas relever de l’évidence.
Alors, ne mélangeons pas les genres. Soit nous réclamons la peine de mort dans un cadre religieux-la Charia pour être complets et conséquents-, soit nous la réclamons en tant que mesure dissuasive, en dehors de toute religion.
Dans ces genres de cas, il faut avancer sûrement, en ayant la certitude de prendre en compte tous les paramètres.
Dr. Amadou SOW
UCAD