Les paroles s’envolent, les écritures restent. Cependant,avec le développement des TIC et son énorme capacité d’archivage et de conservation, les paroles ne s’envolent plus, elles restent et rejoignentles écritures dans l’éternité.
Leshommes et les femmes politiques doivent beaucoup faire attention à ce qu’ils disent selon que l’on transcrit leurs paroles (entretien avec un quotidien) ou qu’on les enregistre (interview avec une chaine de télévision ou une radio ou un site web). Car les erreurs de communication, les prises de position ne restent pas que dans la conscience collective des contemporains des faits mais dans les bandethèques, les sites web et les réseaux sociaux, avec une possibilité de retour sur sujet extraordinaire.
Lors de sarécente visite en France, sur la chaine de télévision France24, répondant à des questions du journaliste, le Président Macky Sall a affirmé que Khalifa Sall emprisonné dans le cadre de la gestion de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, n’a jamais nié les faits qui lui sont reprochés.
En ce concerne,Karim Wade, condamné puis gracié, le Président Macky Sall a souligné lors du même entretien qu’il subira une contrainte par corps s’il revient au Sénégal conformément à la loi.Au finish, il a ajouté, une fois qu’il sera réélu à la Présidentielle de 2019, il n’exclut pas la possibilité d’envisager une amnistie pour Karim Wade et Khalifa Sall pour la construction nationale et le développement du pays.
Le Président Macky Sall n’aurait pas dû lier, selon certains analystes politiques, le recouvrement des 360 milliards FCFA avec le retour de Karim Wade à Dakar et sa réélection à l’amnistie de Karim Wade et Khalifa Sall. Pour avoir parlé ainsi, il venait de conforter la thèse selon laquelle, il veut les écarter de la Présidentielle de 2019 pour se donner la chance d’être réélu pour un second mandat.
Des erreurs de communication, le Président Macky Sall n’est pas le seul à en avoir commis. Ils sont nombreux. Les plus célèbres ont défrayé la chronique et sont encore dans la conscience collective.Abdou Diouf, Me Abdoulaye Wade, Ousmane Sonko, Moustapha Niass, Iba Der Thiam et Idrissa Seck, ont tous commis des erreurs de communication. Certaines plus retentissantes que d’autres.
Cet entretien sur France 24 du Président Macky Sall qui est sans nul doute une opération de communication orchestrée par le service dédié à la Présidence de la République n’a pas produit les effets escomptés en considération des réactions qu’elle a suscitées dans l’opinion publique nationale et dans la classe politique opposée à lui.
Aussi, le choix de faire cet entretien à l’étranger notammenten France sur des questions nationales n’a pas rencontré l’approbation de la presse sénégalaise qui n’a cessé de se plaindre et de s’offusquer depuis belle lurette de cette pratique devenue une routine des chefs d’Etats qui se sont succédé à la tête du Sénégal.
Le service de communication dédié à la Présidence de la République du Sénégal ne peut pas ne pas savoir que ces questions soulevées sur Karim Wade et Khalifa Sall par le journaliste de France 24,étaient fatalement attendues par tous les observateurs. Et pourquoi les réponses fournies par le Président Macky Sall n’ont pas été les meilleures qu’on puisse espérer donner à ces questions si sensibles pour la vie politique nationale ?
Cet entretienaurait pu mieux se dérouler si, il avait été rigoureusementpréparé d’abord,en réclamant le protocole de l’émission et ensuite, les questions fixées par le journaliste de France 24en vue de préparer les fiches des réponses au Président Macky Sall.
Malheureusement, force est de constater, que ce n’est pas le cas. Car, l’analyse de l’entretien nous renseigne que les réponses fournies aux questions les plus attendues, en particulier, celles qui concernent, Karim Wade et Khalifa Salln’ont pas été préparées. Si, il avait été sérieusement préparé, le Président Macky Sall aurait donné les meilleuresréponses qu’il est possible de donner à cesquestions.
En général, vouloir répondre à toutes les questions que l’on vous posecomporte des risques de dérapages et d’erreurs de communication liés à la faiblesse de l’être humain. Sur ce,le Président Macky Sall n’était pas obligé de répondre frontalement aux questions du journaliste de France 24sur Karim Wade et Khalifa Sall. Il lui aurait été possible s’il en était préalablement informé,d’utiliser les techniques de gestion des questions difficiles auxquelles il ne voulait pas répondre, le barrage ou le raccordement.
Le barrage est une technique éprouvée de gestion des questions difficiles qui est utilisée lorsqu’un journaliste vous pose une question à laquelle vous ne souhaitez pas répondre.On distingue trois cas de figure.
Le premier, si le fait de ne pas se prononcer sur certains sujets relève d’une politique, il vous est tout à fait possiblede dire que vous n’êtes pas en mesure d’intervenir sur la question, puis de poursuivre avec les pointsque vous pouvez aborder au titre de votre message principal.Le second, si vous n’êtes pas à même de répondre àune question, ditesle dit et expliquer pourquoi.Le troisième, si vous ignorezla réponse à une question, vous pouvez dire que vousne disposez pas de l’information requise, puis vous poursuivez avec ce que vous savez.
Le service de communication dédié à la Présidence de la République ne peut pas ignorer que le Président Macky Sall en allant à cet entretien sur France 24 sera immanquablement exposé à plusieurs types de question dont il aurait pu le préparer à y faire face avec succès.
Les questions difficiles (du point de vue de l’interviewé) d’un journaliste au cours d’une émission ou d’une interview sont de type spéculatif oufondé sur le ouï-dire ou la réplétion négative,ou la présupposition ou basé surdesfaits erronés et des informationsinexactes ou sur des propospoussant l’interviewé à faire desindiscrétions. Et pour chaque type de question difficile correspond une technique de réponse adéquate.
Le Président Macky Sall aurait pu utiliser, sur les questions relatives à Karim Wade et à Khalifa Sall, la technique de barrage, notamment, le cas de figure 2, en d’autres termes, ne pas répondre à ces questions et expliquer le pourquoi.
En plus du barrage, il aurait pu faire usaged’une autre technique de gestion de questions difficiles à savoir : le raccordement pourvu qu’il en soit informé à priori.
A la différence du barrage, le raccordement est une technique que vous pouvez également utiliser lorsqu’un journalistevous pose des questions qui n’aboutiront pas aux propos que vous cherchez à développer,ou auxquelles vous ne souhaitez pas répondre, vous pouvez user des méthodes de raccordement, si vous en êtes capable,pour réorienter la question vers les points que vous voulez soulever.
Les erreurs de communications sont évitables. Ce n’est pas une fatalité. Et les techniques de gestion des questions difficiles existent. Elles sont éprouvées et sont efficaces.
Vive le Sénégal !
Vive la République !
Par Baba Gallé DIALLO
Email : babadediana@gmail.com