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Soixante seize années, Alé niang trouve encore la force de contribuer au développement du pays, car, sans connaissance de l’histoire, il est difficile, voire impossible pour toute localité de se développer, selon lui. Acteur culturel, batteur, metteur en scène, acteur de cinéma (il a joué dans le film Guélevar de Sembène) la pieuvre culturelle du Baol vient de publier un second livre intitulé «aperçu historique sur le Cayor, le Baol et le Sine».
A bâtons rompus avec SourceA, l’ancien Gestionnaire de la Préfecture de Bambey assène ses vérités sur la gestion du Ministère de la Culture, qui n’existe pas, à ses yeux. Tout comme, il ne mâche pas ses mots, quand il s’agit de faire le parallèle entre les Administrateurs civils de son époque et ceux des temps modernes. Entretien !!!
SourceA : Pourquoi ce livre ?
Alé Niang : J’ai écrit ce livre pour la société traditionnelle et pour la jeunesse du pays, qui constitue un levier pour demain. C’est pour rendre service à la population sénégalaise et aux générations futures. C’est, aussi, pour combler un vide. Je suis communicateur traditionnel et acteur de développement. Je voudrais que les gens puissent vivre l’histoire traditionnelle du pays.
SourceA : Quelle est la particularité de ces Royaumes ?
Alé Niang : On ne peut pas parler du Sénégal, sans mettre l’accent sur ces Royaumes. N’eût été l’histoire du Baol, il n’y aurait pas le Cayor parce qu’après l’éclatement de l’Empire du Mali, il y a eu une lignée paternelle de la famille FALL, qui est une déformation dialectique de FAM, qui est d’origine Socé. Nioukou Fam Laye est le père de Diawal Nioukou père de de Ndiogou Madamel, père de Déthie Fou Ndiogou. Lorsque Amary Dia, le marabout toucouleur venu du Fouta, s’est installé vers Diourbel, dans un village appelé Teugue, il avait amené avec lui un bouc.
Au réveil, il l’immolait et la viande servait à cuisiner les repas du jour. Le lendemain, le bouc s’était ressuscité et il l’immolait de nouveau. Le Lamane Déthié Fou Ndiogou, mis au courant, fit venir Amary Dia. Il lui fit la prophétie que Sobel Ndiaye aura un enfant qui sera roi du Cayor. Le Lamane épousa Sobel Ndiaye et, de cette liaison, naquit Amary Ngoné Sobel Fall, qui régna sur les deux Royaumes du Cayor et du Baol. C’est lui qui a remporté la bataille de Danki (une localité située dans l’actuel département de Mbacké, arrondissement de Taif). C’est lui qui a libéré le Cayor, le Baol, le Saloum. Je dois préciser que le Sine a été toujours autonome.
SourceA : Où trouvez-vous cette force pour sillonner le Sénégal, vivre votre passion d’artiste et écrire des livres ?
Alé Niang : La vocation est fondamentale chez l’être humain. La culture, c’est ma vocation. Je ne vis et ne respire que pour la culture. Jusqu’à mon dernier souffle, je continuerai à faire des investigations, à écrire, pour que l’histoire ne meure pas. Je le dois aux générations futures et, aussi, à mon pays, qui m’a tout donné. Après ce livre, il y aura celui, qui va parler de la bataille de Ndiardème.
SourceA : Combien d’années, cela vous a pris, pour écrire ce livre ? Avez-vous été appuyé par le Ministère de la Culture ?
Alé Niang : Je n’ai reçu aucun soutien. Cela m’a pris six mois pour terminer ce livre, après avoir parcouru toutes les régions naturelles du Cayor, du Saloum et du Baol. Je me demande même s’il y a un Ministère de la Culture au Sénégal, car malgré mes multiples correspondances, je n’ai pas reçu de réponses, encore moins de subventions. A part l’ancien ministre de la Culture, Abdoul Aziz Mbaye, qui avait donné des instructions fermes, pour que je sois appuyé lors de l’édition de mon livre «si Yéridiémané était là où la légende des deux orphelins m’était contée), aucun autre ministre de la Culture ne m’a aidé. Et dire que toute ma vie, mise à part ma carrière administrative, je l’ai consacrée à la culture. Je ne sens pas le Ministère de la Culture. J’interpelle, ici, l’actuel ministre que je connais très bien parce qu’ayant fait une partie de mes études à Sokone. Je voudrais, seulement, lui dire, que la culture ne s’arrête pas dans les grandes villes. Il faudrait qu’il fasse des tournées dans le Sénégal des profondeurs, qu’il pense aux acteurs culturels, qui sont dans les régions. Quel est son apport pour nous autres, qui habitons le Sénégal des profondeurs. Quel est le rendement du Ministère de la Culture pour nous, qui faisons la croix et la bannière pour faire paraître des oeuvres. Est-ce qu’il y a même un ministre de la Culture au Sénégal ?
SourceA : Comment pensez-vous que ce livre pourra contribuer grandement à la réécriture de l’histoire générale du Sénégal entamée, depuis quelque temps ?
Alé Niang : Iba Der Thiam, le Coordonnateur général, m’a coopté pour ce travail. Il y a beaucoup de paramètres à mettre en exergue. Ce livre peut beaucoup aider parce que ce sont des denrées rares, les sources orales. C’est un besoin que je viens de combler avec ce livre. Il pourra beaucoup aider ce livre. D’ailleurs, c’est la raison, pour laquelle j’invite mes camarades communicateurs traditionnels à beaucoup contribuer à cette réécriture de l’Histoire générale du Sénégal et non à verser dans le griotisme.
SourceA : Vous avez fait 37 années dans l’Administration, pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
Alé Niang : Je suis rentré dans l’Administration, après avoir réussi en 1955, au Concours de commis de l’Administration. Six mois après, j’ai reçu ma décision d’embauche. Mon premier Préfet noir était l’ancien ministre de l’Intérieur Médoune Fall. A la Préfecture de Bambey, j’ai occupé presque toutes les fonctions, à part celles de Préfet et d’Adjoint au préfet. Bambey m’a adopté, par mes activités culturelles, et je suis resté dans cette ville, où mon oncle Bassirou Thioune m’avait amené.
SourceA : Quels les Préfets qui vous ont marqué ?
Alé Niang : Sans risque de me tromper, je peux dire Feu Ousmane Ba, ancien Gouverneur de la région, Mamadou Sall, ancien Gouverneur et les plus jeunes que sont Oumar Mamadou Baldé, Gouverneur de Matam et Virginie Rachel Fayçaline Boucal Coly, Secrétaire général du Ministère de la Promotion des Investissements, des Partenariats et du Développement des Téléservices de l’Etat.
SourceA : Vous avez côtoyé les anciens Administrateurs civils et les nouveaux. Qu’est-ce-qui les différencie ?
Alé Niang : Il y a une très grande différence. Ce qui les différencie, c’est la moralité et la rigueur. Les anciens Préfets comme Abdou Ndené Ndiaye et Babacar Fall forçaient l’estime et le respect. Ils étaient très courageux et dignes. Figurez-vous que Babacar Fall, qui est devenu, par la suite, Directeur de la Fonction publique a tenu tête au tout puissant Pierre Senghor grand-frére de l’ancien président Feu Léopold Sédar Senghor. Personne n’osait leur donner certaines injonctions, surtout politiques. D’ailleurs, Babacar Fall n’a fait long feu. Il y a aussi Tidiane Ly, Mamadou Sall que des bonnes volontés ont réconciliés avec Pierre Senghor.
SourceA : Est-ce-que vous avez pensé à la relève ?
Alé Niang : Il y a mes deux enfants Mamadou Niang et Mamadou Moustapha Niang.
Propos recueillis par Boucar Aliou Diallo