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Algérie: le peuple veut la fin du régime de corruption

En Algérie, le président sortant Abdelaziz Bouteflika ne renonce pas à un 5ème mandat, malgré les manifestations populaires dans plusieurs villes du pays. Il a déposé dimanche, avant minuit heure limite légale, sa candidature. Dans une lettre à la population, le chef de l’Etat a promis de répondre à la contestation, mais cela n’a pas calmé la colère. Sur les réseaux sociaux, les manifestants appellent à poursuivre les marches pour demander « la fin du régime ». Un régime dont la corruption alimente le mécontentement.

Il suffit de lire et d’entendre les slogans. Aux côtés des « Non au cinquième mandat » de Bouteflika, on entend aussi « Voleurs », ou encore « Marre de ce pouvoir corrompu ! »

Ce n’est pas un scoop. L’Algérie continue de figurer dans les classements internationaux comme un des pays où le système politique et économique est l’un des plus corrompus.

Cette corruption fait partie intégrante du système de gouvernance depuis des décennies.

Bien sûr, il y a le poids de l’histoire. Celle d’un Etat postcolonial qui par sa structure a encouragé l’accaparement des ressources par une élite, en l’occurrence celle du FLN et des militaires.

Les rapports soulignent aussi que la rente pétrolière sert à acheter des loyautés aussi bien dans les milieux politiques… qu’économiques.

Via les classiques surfacturations de contrats et les marchés de travaux publics truqués.

Avec une règle qui s’impose à tous, l’opacité.

Y a-t-il des figures qui concentrent la colère des manifestants ?

En dehors des officiers de l’armée qui ont de longue date mis la main sur les monopoles d’Etat, l’industrie extractive et celle de la Défense.

Toute une élite civile s’est enrichie en faisant affaire avec « l’Etat entrepreneur » à partir de l’an 2000 et le boom des projets d’infrastructures.

Difficile de ne pas citer la figure de Ali Haddad, à la tête de l’ETRHB, l’Entreprise des travaux routiers – hydrauliques et bâtiments ; c’est l’un des plus grands groupes privés algériens. Un quasi-monopole, présent dans la construction, les transports ou le tourisme. Il dirige aussi le très influent Forum des chefs d’entreprises, le FCE, devenu au fil des ans, une institution qui joue un rôle politique. Sous son égide, le FCE a participé lors du précédent scrutin présidentiel en 2014 à la collecte des fonds pour le candidat Bouteflika. Son credo naturellement, c’est le maintien du statu quo politique. Ce qui en fait la bête noire des manifestants.

Ce qui n’est pas sans créer des tensions d’ailleurs. Le Forum des patrons est traversé par des divisons qui apparaissent au grand jour à chaque élection. Et cette année, vu l’ampleur des manifestations qui a surpris tout le monde, certains représentants du FCE ont voulu se démarquer au moins temporairement de la « ligne du Parti », si l’on ose dire.

Mais pourquoi un système qui a perduré tant d’années devient-il insupportable aux Algériens aujourd’hui ?

On a eu souvent l’occasion ces derniers jours de rappeler ce qui retenait les Algériens jusqu’ici.

Le souvenir de la guerre civile, la crainte d’un scénario à la syrienne, voire une capacité de l’Etat algérien à redistribuer la rente pétrolière afin de désamorcer les conflits. Même si cette capacité a été entamée ces derniers temps.

Malgré tout, la base des mécontents s’est élargie.

Vous avez dans les cortèges, beaucoup de jeunes, de cette jeunesse qui représente plus de la moitié de la population.

Même avec leur diplôme, ces jeunes savent qu’ils ont peu de chance de trouver un travail dans un système qui demeure clientéliste, et qui consiste à partager un gâteau toujours plus petit.

La classe moyenne n’hésite plus à manifester, elle aussi. Jusqu’ici relativement à l’abri, elle voit que son pouvoir d’achat, son accès au crédit se sont détériorés avec la crise financière que traverse le pays.

Je vous conseille la lecture d’un article de l’économiste El Mouhoub Mouhoud: « Algérie, économie politique d’une rupture annoncée ».

L’économiste de Paris-Dauphine explique bien comment l’Etat algérien paye l’absence de réformes structurelles.

Notamment une réelle diversification du système productif pour donner du travail au plus grand nombre en sortant les gens de l’informel. Une fenêtre de tir pour réaliser ces réformes était apparue en 2016-2017 avec aussi une volonté du Premier ministre de l’époque de lutter contre la corruption. Mais cette fenêtre avait été rapidement refermée au nom du statu quo et pour préparer la course à la présidentielle.

Ce qui pour El Mouhoub Mouhoud rendait quasi-inéluctable la rupture que l’on voit aujourd’hui.

Rfi

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