L’Assemblée nationale du Sénégal a vibré, ce lundi. Des cris et des invectives ont été au menu, lors du vote du projet de loi organique n°31/2016 portant statut des magistrats. Entre les partisans et les détracteurs de ce projet, les débats ont été houleux. Comme à la borne fontaine.
Et entre les juristes comme Mes El Hadji Diouf et Aissata Tall Sall ou la députée de Thiès, Hélène Tine et les autres, l’adrénaline est monté d’un cran. Jusque tard dans la soirée, l’Hémicycle a vibré.
Les députés, qui ne voulaient pas rater le train de l’histoire, ont suivi les débats jusqu’au bout, contrairement aux autres plénières où certains d’entre eux s’évaporaient.
Actusen.com reproduit in extenso, les propos de Me Assaita Tall Sall et son adresse au Ministre Me Sidiki Kaba.
«Ils ont le pouvoir divin de rendre la justice. A celui-là, nous devons tous les égards, toutes les considérations possibles et équitables. J’ai bien lu toutes les dispositions du projet de loi organique ; Mais trois questions me taraudent et auxquelles je n’ai pas réponse et je crois que le Garde des Sceaux, répondant à mon intervention, viendra calmer mes inquiétudes.
Premièrement : Quelle est la pertinence de cette loi ? Les magistrats sont organisés par une vieille loi organique de 1960 dans laquelle figurait la loi sur les avocats. Cette loi n’a été revue qu’en 1992 et depuis cette date, elle a connue quelques toilettages jusqu’à cette réforme qui nous est soumise aujourd’hui. Quelle est l’urgence. Quelle est la pertinence qui comporte cette disposition de la loi pour nous amener en toute précipitation en procédure d’urgence à l’examiner et à vouloir la voter.
Deuxièmement : la deuxième question, elle a trait à l’exposé des motifs. Je vois ici, qu’il est question qu’il faut que les magistrats se dotent d’un nouvel statut. Mais ils ont déjà un statut. S’il y a une urgence particulière, il ne faudrait pas seulement qu’elle soit particulière. Il faut qu’elle soit caractérisée pour ce qui concerne un statut des personnes qui doivent encore bénéficier d’un statut particulier.
Troisièmement : c’est la portée de cette loi. Tout ce qui a été conseillé dans cette loi personnellement, ne me pose pas problème. Certes, comme l’a dit Hélène Tine, l’article 65. Que dit-il, cet article. L’article 65 instaure une discrimination insupportable entre les magistrats : on dit tous les magistrats partent à la retraite à 65 ans sauf 18 ou 19 d’entre eux parce qu’ils occupent une position de prestige.
Si on doit instaurer un principe, on l’instaure pour tous les citoyens. Que les critères soient des critères professionnels, techniques, objectifs mais qu’ils ne soient pas des critères de positions. Voilà dans cette loi, quelque chose que nous ne comprenons pas. Nous voulons que les magistrats obtiennent leur statut de la magistrature. Nous voulons que cette réforme s’engage. Nous ne sommes pas contre.
Mais nous disons, si nous le faisons pour garantir l’indépendance de la justice, pour le bien des magistrats, il faut discuter avec eux. Nous disons qu’il faut faire ce que disent les magistrats. Non. Ce n’est pas à eux de voter la loi ni même au gouvernement de le faire.
C’est à nous de le faire. Mais je pense que rien n’empêche de discuter avec les magistrats. Ce sont des fonctionnaires à part entière. C’est pourquoi ils ont un statut à part. Le magistrat contribue au développement de notre pays. La magistrature sénégalaise est honorable, vaillante, courageuse.
Ce n’est pas une magistrature va-t-en-guerre. Elle n’est pas une magistrature de la terre brûlée. Elle est une magistrature de raison, de noblesse. Monsieur le Garde des Sceaux, dites au Président de la République d’ouvrir les débats, de les continuer, de les poursuivre. Parce que de la discussion, jaillira la lumière. Et je suis sûre, vous arriverez à un à consensus».
Gaston MANSALY (Actusen.com)