Malgré la polémique que le parrainage a soulevée du fait de ses répercussions sur le code électorale, il constitue à tout point de vue une innovation. Il est présenté par le gouvernement comme une correction, autrement dit comme une réparation d’injustice que subissait les candidats indépendants mais aussi comme une stratégie visant à rationaliser les partis politiques et à éviter les candidatures pléthoriques.
En effet, si le montant élevé de la caution (30millions) combiné avec le parrainage descitoyens-électeurs permettent de limiter drastiquement le nombre de candidats à la présidentielle 2019, toutefois, il faut reconnaitre qu’ils n’offrent aucune garantie sur la qualité des candidatures.Car il n’y a pas de loi relative au financement des partis politiques ou des mouvements des indépendants candidats aux élections.
L’Etat et les citoyens ne savent pas les sources de financement des partis politiques ou des mouvements des indépendants candidats à des élections encore moins les montants engagés. Si on connait le montant de la caution pour la présidentielle de 2019, force est de reconnaitre que l’on ignore les montants que les candidats des partis politiques ou des indépendants vont dépenser et pour le parrainage et pour la compagne électorale (deuxième tour y compris).
Avec le parrainage, les candidats devrons désormais faire face à trois campagnes : le parrainage, la compagneélectorale du premier tour et la compagne électorale du second tour si elle a lieu.En outre, dans le cadre du parrainage,ce qui est sûr, les candidats ne vont pas se contenter de recueillir uniquement des signatures auprès des citoyens-électeurs mais ils en profiteront pour faire campagne autrement dit pour obtenir des promesses de vote en leur faveur.
Ce moment de contact privilégié de tête à tête avec le citoyen-électeur que le parrainage va créer se présente comme une opportunité à saisir par les Etats-majors politiques engagés dans la course à la présidentielle 2019pour convaincre et massifier leur électorat. Pour y arriver, ils useront sans nul doute de tous les moyens possibles y compris l’argent pour obtenir des signatures et des promesses de vote.
Ainsi, en renforçant la place du citoyen dans la démocratie par le biais du parrainage, on a fini par le mettre dans une situation où il est plus que jamais exposé malencontreusement à des risques de corruption et d’achat de conscience. Pour les citoyens-électeurs dans les partis politiques ou mouvements des indépendants, le problème de corruption et d’achat de conscience ne se pose pas. Eux, ont déjà pris parti.
La loi interdit au citoyen-électeur de parrainer à la fois deux candidats à la présidentielle. Cette interdiction doit être largement partagée. Jusque-là ce n’est pas le cas. Sur ce, une campagne de communication intense aurait pu être menée par la Direction des électionsavant le démarrage de la quête de signatures de parrainage.
Par ailleurs,il semble que des solutions techniques existent pour empêcher un citoyen –électeur de parrainer deux candidats en même temps, mais aussi pour éliminer la difficulté à vérifier les signatures et pour éviter les doublons. Quel que soit le mode qui sera adopté, manuel ou électronique, le citoyen-électeur, ce me semble, doit être sensibilisé surles enjeux et les risques encourus en cas d’entorse faite à la loi.
Plusieurs concitoyens des partis politiques et en dehors des partis politiques ont déclaré être candidats à la présidentielle de 2019.L’analyse des profils des candidats à cette élection dans le passé et au présentmet en évidence trois types de candidats : les candidats « sérieux » qui ont des atouts pour gagner l’élection ,les candidats « m’as-tu vus » qui savent pertinemment qu’ils ne pourraient jamais gagner l’élection neamoins, ils s’engagent pour des raisons de prestige et les candidats « marchands » conscients ne pas pouvoir gagner l’élection mais comptent utiliser leur posture de candidat pour négocier avec les deux candidats qui arriveront au deuxième tour. A défaut d’un deuxième tour, ils sont doublement perdants.
En somme, le parrainage du citoyen–électeur témoigne de l’importance qu’on lui accorde dans une démocratie et dans un Etat de droit. Paradoxalement, on a souvent entendu des intellectuels et desanalystes politiques dire queles sénégalais ne votent pas pour un « candidat entrant », ils sanctionnent le « candidat sortant » (« dougnou fal, dagnou folli » Une telle appréciation de l’homo senegalensis et du sens de son vote est une grossièreté voire même une monstruosité. Au total, c’est réduire les sénégalais à des automates, dépourvus de libre arbitre et incapables de discerner ce qui est bon pour eux et ce qui ne l’est pas. Au finish, c’est une insulte faite à tous les présidents sénégalais démocratiquement élus.
Au Sénégal, le Président de la République est élu au suffrage universel. La durée de son mandat est de cinq ans. Il peut faire deux mandats consécutifs non renouvelables. Au bout des cinq ans, une élection présidentielle est organisée. Les citoyens-électeurs votent. Un Président est élu soit au premier tour soit au second tour. Dans ce contexte,comment peut-on dire que les sénégalais savent sanctionner mais ne savent pas élire ?
Si le parrainage renforce le citoyen-électeur et contribue à limiter les candidats « m’as-tu vus » et les candidats « marchands » par contre, il ouvre en même temps, fatalement et grandementla porte à la corruption et à l’achat de conscience.
Est citoyen-électeur celui ou celle qui est de nationalité sénégalaise et inscrit (e) sur les listes électorales.
Vive le Sénégal !
Vive la République !
Par Baba Gallé DIALLO
Email : babadediana@gmail.com