Pour célébrer les 40 ans de Ronaldo, FF revient sur les deux Ballons d’Or France Football glanés par le Brésilien à travers des articles parus, à l’époque, dans notre magazine. Voici le premier lors du sacre du phénomène en 1997.
FILIATION. Malgré les trente-cinq ans qui séparent leur carrière, le Ballon d’Or 1997 fait irrésistiblement songer au meilleur joueur de football de l’histoire. Sur le terrain comme en dehors, sa conduite est exemplaire, et comme son aîné, il a deux générations d’avance sur son époque.
Pelé, Maradona. Les deux plus forts joueurs de l’histoire du football, les deux seuls sans doute qui, au même âge que Ronaldo, à peine vingt et un ans, étaient déjà, comme lui aujourd’hui, les meilleurs du monde. Voilà les références qui viennent immédiatement à l’esprit quand on évoque le prodige brésilien. Comme ses deux aînés, Ronaldo a démontré une précocité exceptionnelle. Il a joué au niveau professionnel avant l’âge de seize ans. Par ses origines, son apparence physique, il s’apparente beaucoup plus à son compatriote qu’au crack argentin. Les comparaisons trop précises seraient cependant dangereuses, car le football a beaucoup changé depuis Pelé et même depuis la grande époque de Maradona, et la carrière de Ronaldo commence alors que l’on peut juger les deux autres sur l’ensemble de leur œuvre.
Le nouveau Ballon d’Or n’a pas eu la chance de son compatriote, lancé par Feola au milieu de la Coupe du monde 1958 pour améliorer la force offensive d’un Brésil jusque-là poussif, et qui s’envola dès la constitution du duo d’attaquants centraux Vava-Pelé. Ronaldo était présent il y a trois ans et demi aux Etats-Unis, pour un Mondial où les Brésiliens, malgré leur indiscutable victoire, auraient pu améliorer leur rendement. Mais c’était au milieu qu’ils avaient un petit problème. Devant, le tandem Bebeto-Romario tournait dans l’huile, et ce fut même un autre attaquant réserviste, Viola, qui fit une apparition dans les dernières minutes de la finale.
Pas seulement un perce-muraille
Avant d’exploser à Barcelone puis à l’Inter, Ronaldo s’est rodé aux Pays-Bas, dans un Championnat moins relevé, mais au sein d’une bonne équipe, celle du PSV Eindhoven. Ce fut probablement un bien, même s’il ne semble pas spécialement gêné par la fameuse pression qui s’est abattue sur lui depuis dix-huit mois. Avec ce bagage, en tout cas, il explosa en quelques semaines dans le très médiatisé Championnat espagnol.
Comme Pelé, Ronaldo est un joueur futuriste. Son atout maître, c’est sa vitesse. Vitesse de course et de démarrage d’abord, mais aussi de pensée et de décision dans ses dribbles, ses crochets, ses changements de direction. Une fois qu’il s’est retourné et qu’il a réussi à se lancer, il pose un problème pratiquement insoluble à la défense, car il tourne sur un cylindre de plus que n’importe quel défenseur. Il en a toujours sous le pied, comme s’il disposait d’un booster, et sa tonicité musculaire, son équilibre lui assurent un énorme pourcentage de contres favorables face à des rivaux souvent en déséquilibre.
Il y a une filiation évidente entre les buts de Ronaldo après des raids de 40 ou 50 mètres dans les défenses espagnoles, ceux de Pelé qu’on put admirer en exergue d’un extraordinaire film réalisé il y a un quart de siècle et intitulé Les Géants du Brésil, ou ceux de Maradona contre l’Angleterre et la Belgique lors du Mondial mexicain de 1986. Seul, aujourd’hui, George Weah, le meilleur joueur africain, un des prédécesseurs de Ronaldo au palmarès du trophée de France Football, est capable de répéter le même genre de chevauchée fantastique au milieu de cinq ou six « tacleurs » acharnés à sa perte. Il faut une élasticité, un équilibre et peut-être aussi une absence de barrière mentale que ne possèdent pas ou plus les joueurs d’une Europe où le football des rues a disparu.
Cependant, Ronaldo ne peut se réduire à un perceur de défense qui court plus vite que les autres balle au pied. Ronaldo est un attaquant beaucoup plus complet qu’il en a l’air. Ses contrôles et ses prises de balle, actions si importantes pour les attaquants d’aujourd’hui, sont irréprochables. Sa frappe de balle, comme celle de tous les Brésiliens, s’avère si performante qu’il tire les coups francs directs, même assez loin du but, et les réussit souvent. Sa technique, plus sobre que celles de Pelé ou Maradona, signe des temps et peut-être d’une arrivée plus précoce en Europe où le jeu est plus dépouillé, est au-dessus de tout soupçon.
A Barcelone comme à l’Inter, Ronaldo évolue dans des équipes très fortes par la qualité de leurs composants, mais dont le fonds de jeu n’est pas l’atout principal. On le remarque donc surtout par ses actions individuelles, qui font partie du système de jeu de son équipe. Mais en équipe du Brésil ou dans un match très particulier comme celui qui précéda le tirage au sort du Mondial à Marseille, il démontre qu’il peut jouer non seulement avec un partenaire (Romario, Batistuta), mais aussi pour lui. Il sait donner des passes décisives.
Un jeune homme simple et exemplaire
Il est aussi très adroit devant le but. Parce que sa frappe est précise et puissante, et parce que son exceptionnelle vitesse fait de lui le joueur qui a le plus de temps pour régler son compte au gardien en un contre un. Contrairement à ses collègues, il s’est généralement mis à l’abri de tout retour d’un éventuel tacleur de dernière minute, et a tout loisir de se concentrer sur le geste terminal sans être obligé de le précipiter. Sa précision et sa confiance font le reste.
Cette confiance en lui, malgré la folie de l’époque, ne l’a pas empêché de rester un jeune homme simple et disponible, qui s’amuse sur le terrain, où on le voit souvent sourire après une action difficile réussie et même ratée de justesse. Il marche pour l’instant, dans sa vie professionnelle, sur les traces de Pelé : sa conduite de tous les jours ne suscite aucun remous, sa forme physique n’a jamais été suspectée, il ne vit pas dans une tour d’ivoire, seul avec sa cour et son statut de meilleur joueur du monde. Et sur le terrain, comme le Roi son aîné, il reste d’un fair-play exemplaire. Jamais un geste ou un signe d’arrogance pour l’adversaire, jamais une contestation envers l’arbitre.
Il n’a que vingt et un ans, il faut voir comment il va évoluer. Très vite, Pelé devint, à Santos et dans la sélection brésilienne, un chef d’équipe, un inspirateur, un «uomo squadra», comme disent les Italiens. Plus spécifiquement attaquant de pointe, Ronaldo semble moins apte que son compatriote à suivre le même chemin, mais il a le temps.
Ce qui est certain, c’est que c’est une bénédiction pour le football de cette fin de siècle de posséder un joueur de ce profil, un joueur qui se manifeste d’abord, voire exclusivement, sur la pelouse, un joueur qui soit un véritable exemple pour les enfants, que visiblement il adore. Il est vrai qu’il est encore l’un des leurs.
Actusen.com avec Francefootball