La Première ministre britannique Theresa May a annoncé ce mercredi soir que son gouvernement a validé le projet d’accord de Brexit, conclu la veille avec Bruxelles.
C’est une Première ministre loin de tout triomphalisme qui est venue annoncer devant Downing Street avoir obtenu le feu vert de son cabinet. L’air épuisé, Theresa May s’est exprimée brièvement, sous les huées d’opposants au Brexit massés un peu plus loin aux grilles de sa résidence, rapporte notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix.
La dirigeante conservatrice a reconnu que les discussions avec ses ministres avaient été « longues et passionnées », mais que ce projet d’accord de retrait était selon elle « la meilleure solution possible et dans l’intérêt du pays tout entier ». Elle a parlé d’une décision « collective » du gouvernement plutôt qu’unanime. On a en effet appris plus tard que 10 de ses ministres, soit un tiers du cabinet, s’étaient prononcés contre le projet d’accord, augurant peut-être de démissions futures.
« Les bases d’un partenariat ambitieux »
Peu après la brève déclaration de Theresa May, le négociateur en chef de l’Union européenne Michel Barnier a pu, pour la première fois depuis le début des négociations en juillet 2017, décrire par le menu le contenu de ce qui a été négocié avec les Britanniques. Les résultats engrangés avec cet accord reflètent trait pour trait les priorités fixées par les Européens au printemps 2017 avant le début de ces négociations. Les droits des citoyens vivant d’un côté ou de l’autre de la Manche seront garantis et le Royaume-Uni s’acquittera de toutes les dépenses engagées à Vingt-Huit, indique notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet.
« Nous dessinons les bases du partenariat ambitieux que nous voulons : une zone de libre-échange fondée sur une coopération réglementaire et douanière approfondie, a déclaré Michel Barnier. Notre objectif est d’aboutir à une absence de droits de douanes et de quotas pour tous les biens, en nous appuyant sur ce que nous proposons dans l’accord de retrait concernant un territoire douanier unique. »
Cet accord contient surtout le fameux filet de sécurité pour l’Irlande. Il garantit une frontière ouverte dans l’île par le biais d’un maintien du Royaume-Uni dans l’Union douanière si aucune autre solution n’est trouvée avant décembre 2020, date de la fin de la période de transition.
Une nouvelle étape
Pour la chef du gouvernement britannique, il s’agit d’une nouvelle étape dans un mandat entamé en juillet 2016, quatre mois après le Brexit, et largement dominé par les négociations pour la sortie de l’Union européenne. A l’époque, Theresa May représentait une figure rassurante par son sérieux et son austérité. Elle avait voté pour le maintien dans l’UE, mais en tant que Première ministre elle n’hésitait pas à s’exclamer : « Désormais nous sommes tous des Brexiters ».
Mais elle s’est rapidement retrouvée prise en tenaille entre les exigences des europhiles et celles des conservateurs, prêts à rompre les ponts sans accord avec Bruxelles. En juin 2017, après avoir perdu la majorité absolue aux élections législatives anticipées qu’elle avait convoqué dans l’espoir d’un résultat inverse, il lui a fallu faire alliance avec le petit parti nord-irlandais DUP qui depuis, martèle ses exigences en ce qui concerne l’application du Brexit à l’Irlande du Nord.
Le plus dur à venir
Après cet accord validé par son gouvernement, le plus dur reste peut-être à venir pour la Première ministre. Il va maintenant lui falloir faire accepter cet accord lors d’un vote au Parlement britannique. Or pour le moment, ce texte semble ne satisfaire personne. Les pro comme les anti-Brexit rejettent en effet un plan qui pour eux diminuerait l’influence du Royaume-Uni et son contrôle sur ses décisions politiques futures, en le maintenant dans une union douanière avec l’Union européenne avec des règles différentes pour l’Irlande du Nord. Une perspective inacceptable pour les unionistes du DUP.
De leur côté, les plus fervents brexiters pourraient appeler à un vote de défiance contre Theresa May ce jeudi. Ces rumeurs ne sont pas nouvelles, mais pourraient se vérifier tant la colère des pro-Brexit est grande face à un texte qu’ils rejettent en bloc.
Pour Agnès Alexandre-Collier professeur à l’Université de Bourgogne actuellement en poste à Oxford, en effet tout peut encore arriver.
Rfi.fr