L’indignation n’est toujours pas retombée au Cameroun, plusieurs jours après la diffusion sur les réseaux sociaux, d’une vidéo insoutenable attribuée à l’armée et où l’on voit des militaires exécuter froidement des femmes et des enfants. Et ce, malgré le fait que le gouvernement a démenti que ces horribles actes aient été commis par l’armée. Cette vidéo n’est la première à choquer: avec la crise sécuritaire dans les régions anglophones, Twitter et Facebook notamment sont devenus les canaux de diffusion de photos et vidéos tout aussi violentes et dégradantes.
Au mois de mai dernier, une vidéo présentant des gendarmes exerçant des violences sur un milicien séparatiste avait déjà fuité sur les réseaux sociaux : on y voyait un homme couché dans la boue, les mains liées dans le dos par des menottes ; un gendarme le frappe sur la plante des pieds avec le côté plat de la lame d’une machette ; un autre gendarme monte sur la tête du supplicié avec ses chaussures militaires.
La vague d’indignation qu’avait suscitée la diffusion de cette vidéo avait amené le gouvernement à admettre pour la première fois des exactions des forces de sécurité en zone anglophone notamment et à annoncer l’ouverture d’une enquête.
Quelques jours plus tard pourtant, une autre vidéo dévoilait une scène montrant deux jeunes femmes encadrées par quatre militaires, forcée de ramper dans la boue sur plusieurs dizaines de mètres, toujours en zone anglophone.
De la difficulté à authentifier les images
Les sécessionnistes ne sont pas en reste : ces derniers ont diffusé plusieurs photos de décapitations, souvent sur des civils présentés comme des traîtres à leur cause.
Il n’est cependant pas aisé de dater ou d’authentifier ces photos et vidéos. Le gouvernement a ainsi cru épingler les sécessionnistes dans une vidéo qui laissait voir une scène de cannibalisme : vérification faite, il s’agissait d’une scène extraite d’un film nigérian.
Ainsi la vidéo montrant de présumés militaires exécutant des civilscontinue de faire réagir la classe politique. Au QG du parti de Me Akere Muna, candidat à la présidentielle d’octobre et actuel vice-président de Transparency international au Cameroun, c’est l’indignation. Voir de telles exécutions sommaires sur le sol camerounais, si elles sont avérées, nous a choqué, nous déclare son porte-parole, Paul Mahel, interrogé par RFI. « On espère que le gouvernement va diligenter une enquête, qu’elle sera rendue publique et que… s’il était avéré que c’était en territoire camerounais et avec des soldats camerounais, ceux-ci soient châtiés avec la dernière sévérité. »
Pour Amnesty pas de doute: ce sont bien des militaires camerounais
Amnesty International affirme que les hommes armés exécutant deux femmes et leurs enfants dans cette vidéo devenue virale sur Internet sont bien des militaires camerounais. L’ONG dit avoir réuni des «preuves crédibles» qui l’attestent. Dans un communiqué publié hier (jeudi), l’ONG précise encore que la vidéo a été tournée dans le nord du pays où l’armée camerounaise est engagée contre les jihadistes de Boko Haram.
Ilaria Allegrozi, chercheuse spécialiste de la région du lac Tchad pour Amnesty International à Londres demande qu’une enquête indépendante et crédible soit menée. « Nous avons mené des analyses approfondies des armes, des dialogues et des uniformes qu’on voit dans la vidéo, avec des techniques de vérifications numériques et des témoignages sur le terrain. Et tout cela suggère fortement que ceux qui ont perpétré ces exécutions sont des soldats camerounais. En termes d’armes utilisées par exemple… c’est dur de se tromper. La vidéo montre vraiment clairement des uniformes utilisés par l’armée camerounaise et des armes qui concordent avec celles de l’armée camerounaise.»
En termes de paysage, nous avons pu déterminer que la vidéo a été filmée dans la zone de Mayo Tsanaga, dans l’extrême nord du Cameroun.
Et aussi ce qui est choquant dans cette vidéo, c’est que les soldats peuvent être identifiés ! Parmi les soldats visibles sur la vidéo, il y a un soldat de second rang qui est appelé par un autre « Cobra » et un autre caporal chef appelé « Tsho-tsho »… Et ces noms veulent dire que ce groupe peut être identifié.»
► à (re)lire: Cameroun: Amnesty International alerte sur la situation en zone anglophone
Le gouvernement déclare avoir ouvert une enquête
Rappelons que mercredi, le gouvernement camerounais a déclaré avoir ouvert une enquête, mais le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary a qualifié la vidéo de «fake news» et «d’horrible trucage», affirmant que les militaires ne sont pas camerounais et que les faits filmés ne se déroulent pas au Cameroun.
Rfi.fr