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Centenaire du Chemin des Dames : « En 1917, la désobéissance et la protestation se généralisent »

Il y a 100 ans, le 16 avril 1917, l’armée française déclenchait l’offensive Nivelle au Chemin des Dames. Cette bataille, qui se solda par un échec, engendra des mutineries parmi les poilus.

La cérémonie du centenaire de l’offensive du Chemin des Dames se tiendra, dimanche 16 avril, dans l’Aisne, en présence de François Hollande. Ce sera la première fois qu’un président en fonction assistera à la commémoration de cet épisode tragique de la Première Guerre mondiale.

Le 16 avril 1917, cette bataille sanglante engendra la perte de 350 000 hommes des deux côtés, morts, blessés ou disparus, et représente également un cinglant échec pour l’armée française. Au point que dans les rangs des poilus, certains refusèrent d’obéir. Historien de la Grande Guerre, auteur de « 14-18, les refus de la guerre. Une histoire des mutins » (Gallimard), André Loez explique à France 24 l’ampleur de ces mutineries et leur résonnance encore aujourd’hui.

France 24 : On associe souvent l’offensive du Chemin des Dames à la question des mutineries. Pourquoi ?

André Loez : Les mutineries ont eu lieu un mois environ après l’offensive et, en partie, dans les mêmes lieux. Beaucoup de mutins sont des soldats qui ont cru la victoire proche grâce à ce qui devait être la dernière attaque, et qui refusent désormais de continuer la guerre. En revanche, ceux qui participent aux mutineries ne sont pas seulement des « rescapés » de l’offensive : le lien entre les deux événements n’est pas automatique, les mutins désobéissent aussi à cause du contexte international, avec la révolution russe, et social, avec les grèves à l’arrière-front.

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De quelles sortes étaient les mutineries au printemps 1917 ?

Les mutineries prennent des formes très diverses : refus de monter en ligne, manifestations sous le drapeau rouge et au chant de l’internationale, émeutes violentes conduisant à des affrontements avec les officiers, mais aussi présentation respectueuse de doléances sous la forme de pétitions, sans oublier les innombrables désertions individuelles. Ce qui change par rapport aux années précédentes, c’est à la fois la généralisation de la désobéissance et le fait que ça ne se passe pas dans les tranchées, contrairement aux fraternisations ou aux refus d’attaquer, qui avaient eu lieu depuis 1914, mais un peu plus loin, à l’arrière-front.

C’est bien en 1917 que la désobéissance et la protestation se généralisent, dans toutes les armées d’ailleurs : mouvement révolutionnaire en Russie, mutineries italiennes et dans la marine allemande… En France, il y avait eu de brefs épisodes de refus dans telle ou telle unité mais c’est la première fois qu’une vague d’indiscipline concerne une centaine de régiments, des dizaines de milliers d’hommes.

Ces mutins fusillés en 1917 n’ont pas été réhabilités. Pourquoi ? Que préconisez-vous ?

À mon sens, ils ne peuvent pas être réhabilités. Car réhabiliter signifie prouver l’innocence, comme pour le capitaine Dreyfus en 1906. Or, ces mutins qui ont été fusillés ont bien fait ce qu’on leur a reproché, et qui était sévèrement puni à l’époque. Juridiquement, c’est un non-sens que de prétendre vouloir réhabiliter les mutins. On peut, en revanche, envisager toutes sortes de prises de positions politiques et morales, en faveur des mutins et plus largement du refus de guerre. En revanche, aujourd’hui, pour les dirigeants, il n’est pas évident de rendre hommage à des soldats ayant désobéi au moment où l’armée française était mobilisée pour de difficiles missions intérieures et extérieures, dans un contexte évidemment très différent.

>> À voir, le Focus : La mémoire des fusillés de la Grande Guerre

Pour la première fois, un chef d’État va prendre part aux commémorations du Chemin des Dames. Comment interprétez-vous cette présence ?

C’est d’abord une nécessité : le Chemin des Dames est un lieu majeur de la Grande Guerre. L’offensive du 16 avril en est un épisode crucial à bien des égards et cela répare donc en quelque sorte des décennies d’oubli officiel, même si la présence de Lionel Jospin, lorsqu’il était Premier ministre, en 1998, était déjà significative. Localement, la mémoire est foisonnante, de nombreux acteurs se sont mobilisés pour la faire vivre et la venue du président valide ces efforts. Et elle devrait achever de réintégrer le Chemin des Dames au sein de la mémoire collective. Le territoire gardera sans doute ses tonalités singulières, ses affinités avec une mémoire militante mais il figurera, au même titre que la Marne, Verdun ou la Somme, parmi les lieux et les événements emblématiques de la Grande Guerre en France.

France24

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