Si Auchan dégage que restera-t-il des champs de patates ? Peut-être des sacs jonchant sur le sol manquant d’être acheminés à un lieu où le besoin se fait vraiment sentir. Pour cette campagne menée par des commerçants locaux contre la chaîne de magasin français, on peut s’autoriser un élan très critique sur l’allure patriotique qu’elle prendrait. Juste parce qu’on peut en douter. De prime abord, je sollicite qu’il me soit reconnu une grande qualité de patriote et un fervent défenseur du secteur privé locale et de l’expertise nationale. Ensuite, je pourrai faire un effort d’objectivité sur les relents de ce dénigrement.
Toute chose ne valant que dans son contexte, ce que l’on défend aujourd’hui peut être combattu si les conditions changent. Et c’est à condition qu’on exige de soi la même rigueur qu’on exige de l’autre. Ainsi, le consommateur est au centre de l’activité commerciale. Autant le savoir si on ne veut pas faire fausse route. Le recul nécessaire pour apprécier le phénomène Auchan doit s’accompagner d’une introspection dont le résultat devrait aller au-delà des considérations simplistes. Et s’il y a une seule certitude qui s’est installé dans mon esprit et dans celui de bon nombre de nos compatriotes, c’est le constat selon lequel le consommateur est à la périphérie des préoccupations commerciales.
Depuis des temps, les acteurs du commerce local ont installé dans la conscience populaire qu’on ne méritait pas autant que les autres en termes d’offres de produits, de conditionnement et de distribution. Comme qui disait que celui qui au bord de la famine ne saura différencier une pomme de terre pourrie d’une pomme de terre surgelée.
Si Auchan a pu devenir un phénomène c’est parce qu’il a rompu avec ce que proposaient les chaines de magasins étrangers venues s’installer au Sénégal. Ne parlons pas du confort et de l’hygiène qui y élisent domicile, mais soyons en droit d’être remontés contre les compatriotes commerçants qui ont eu tout le temps, à travers leurs multiples voyages, de faire du benchmarking et de revenir avec des idées nouvelles. Et d’ailleurs s’ils pensent que cela coûte cher d’aller voir ce qui se passe ailleurs, un poste téléviseur est déjà un grand pas si on y voit les bonnes pratiques. C’est à croire qu’ils dorment devant la télé ou ils sont très liés à leur bourse ou ne sont préoccupés que par l’augmentation des marges bénéficiaires. Pourtant dans un monde ouvert à la concurrence comme le nôtre, le renouvellement des idées est devenu un impératif d’autant plus que le génie commercial a pris le pas sur l’ingénierie.
Que vous rouliez en Toyota ou en Wolskwagen, que vous joigniez vos amis par Samsung ou par Tecno, le plus important est moins de se déplacer que le confort qui va avec tout comme on est plus attiré par les fonctionnalités qui sont autour des téléphones cellulaires. La notion de l’essentiel a pris un pas contingent et son contenu diffère d’une personne à l’autre. Maintenant, si tous les produits proposés contiennent les mêmes fonctionnalités, l’enjeu de la bataille est déplacé sur le terrain du marketing. Que ce soit pour les denrées, la téléphonie ou l’électroménager, tout le monde est appelé à s’ajuster et à s’adapter. Le monde de notre destination ne réserve aucune place à ceux qui ne savent pas s’y préparer. Et la marche arrière est devenue un mouvement impossible au corps des homo sapiens sapiens. Il faut aller de l’avant. Alors qu’on ne s’y trompe pas, les Sénégalais continueront d’aller dans les grandes surfaces qui proposeront un meilleur rapport qualité-prix. Que les magasins aient pour nom Auchan ou « hors champs », le consommateur jettera un coup d’œil dans son portemonnaie avant de choisir un produit.
Les commerçants étrangers n’ont pris que la place que leurs homologues sénégalais leur ont laissée. Ils ont eu assez de temps pour s’organiser pour être ambitieux, ils n’ont pas su en profiter car il a été plus confortable d’aller s’engouffrer dans le secteur informel pour échapper aux impôts ou pour ne pas avoir à payer des salaires décents. Pour eux c’était peut-être une meilleure idée de monter leur boulimie foncière, de s’emparer des réserves et de spéculer sur le coût de la location. Finalement, on fait dégager Auchan parce qu’il n’est pas question qu’on partage les mêmes pigeons comme s’il y en avait pas assez pour tout le monde. Laissez-les participer à la fête car si le destin des consommateurs est d’être déplumés, peu leur importe, la nationalité du bourreau. Son nom n’est pas très important. C’est le glaive qui fait mal.
Alors, si Auchan dégage, on restera pigeon.
Alioune Fall
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La plupart de ces gens qui ruent dans les brancards contre Aucha, avec tout le respect que je leur doit ne réfléchissent pas ils ne se remettent pas en causes donc forcément ils n’évoluent pas . Ils ne peuvent pas tenir le coup face a une concurrence. Auchan, c’est d’abord une etude qui a identifié le comportement du consommateur sénégalais d’une part et d’autre la structure et en général le fonctionnement du commerce senegalais, particulièrement la chaîne de distribution, ils ont mis en place un dispositif performant. Au meme moment nos amis de l’Unacois dormaient sur des méthodes archaïques…le réveil ne peut être que brutal.