ACTUSEN
Contribution

Comprendre les contrats pétroliers

Introduction

Pendant très longtemps les contrats pétroliers ont été une nébuleuse, les gouvernements des pays qui en disposaient invoquaient des raisons de sécurité nationale tandis que les compagnies affirmaient que les enjeux commerciaux les empêchaient de les rendre publics. Actuellement beaucoup de législations nationales ont décidé de les rendre publics au vu de l’intérêt qu’ils suscitent pour leurs opinions nationales au point de les mettre dans des bases de données consultables sur Internet. La création en 2002 de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) a beaucoup concouru à mettre en exergue l’importance de la transparence et de l’éthique dans la gestion de ces ressources. Néanmoins les citoyens restent toujours très peu informés des détails contenus dans ces contrats et continuent de nager dans le flou instauré par cette longue culture de l’omerta exacerbée par la complexité de certaines dispositions qui semblent être la chasse gardée des spécialistes et autres experts de la question. Cette situation a même affecté certains pays où les démembrements de la même administration ignoraient tout de ce qui se passait chez eux. Le but de cet article est de participer à lever un coin du voile sur certaines questions soulevées ça et là sur les contrats pétroliers signés par l’Etat du Sénégal et ce que nous sommes en droit d’attendre légitimement comme ressources à utiliser dans nos politiques de développement économique et social. Sans aucune prétention d’être un quelconque expert en la matière encore moins un fiscaliste chevronné maitrisant les subtilités des textes, j’ai juste fait ce qui est à la portée de n’importe quel intellectuel c’est à dire éplucher les différents textes qui constituent notre arsenal juridique y relatif et tenter d’en extraire les grandes lignes peu rébarbatives et qui ne font appel à aucune expertise pointue. Du coup je pense pouvoir bénéficier de l’indulgence et de la clémence des sachants.

Quelques Généralités

Le pétrole est une ressource qui se forme par décomposition de débris organiques qui passent par un processus de sédimentation sur des centaines de millions d’années dans des roches poreuses appelées réservoirs. Les opérations d’exploration et de recherche permettant de détecter sa présence se font par le biais de sondes sismiques 2D ou 3D très profondes et de forages pouvant aller jusqu’à 3 km dans des sous-sols rocailleux sur terre ferme (Onshore) ou mer profonde (offshore). Son usage de même que celui de ses dérivés est fortement incrusté dans notre mode de vie de ces temps modernes au point qu’il serait inimaginable de s’en passer. L’électricité, les différentes sortes de carburant, les lubrifiants divers, le gaz butane, les bougies, les médicaments, le dentifrice, le nylon, les plastiques, le caoutchouc ou même les ordinateurs sont, entre autres, autant de produits issus du pétrole dont l’usage conditionne très fortement notre vie au quotidien. C’est pourquoi, même si son exploitation industrielle n’a réellement débuté en 1859 plus précisément le 27 août par l’américain Edwin L. Drake, son existence est connue et il est exploité depuis l’antiquité.

Etapes d’un projet pétrolier

Dans un projet pétrolier on distingue quatre grandes étapes qui sont, L’exploration afin de trouver la ressource, le développement de l’infrastructure permettant de l’exploiter, l’exploitation elle-même (production, utilisation et vente) et enfin la fermeture du site et son nettoiement (démantèlement des installations et leur mise hors service).

Le contrat pétrolier

De manière très simpliste, c’est le dispositif par lequel le gouvernement d’un pays accorde des droits juridiques à une compagnie pétrolière pour mener des activités de recherche et d’exploitation. Il détermine entre autres les obligations de cette dernière. Il existe à travers le monde sous plusieurs appellations: Contrat pétrolier, Accord d’exploration (de prospection) et de production (E & P), Contrat d’exploration et d’exploitation, Concession, Accord de licence, Accord de partage du pétrole (APP), Contrat de Recherche et de Partage de Production (CRPP), etc. Mais on peut tous les regrouper selon trois principaux types: – La Concession dans laquelle la compagnie est propriétaire du pétrole dans le sous-sol ; – Le Contrat de Partage de Production qui confère à la compagnie la propriété d’une partie du pétrole une fois qu’il est extrait; – Le contrat de Service pour lequel la compagnie est juste rémunérée pour ses services.

Le régime pétrolier

Plus généralement les contrats pétroliers font partie d’un ensemble complexe composé de lois et règlements qui les régissent ; c’est cet ensemble de textes juridiques relatifs au pétrole dans un pays donné qui est appelé «régime pétrolier». Il s’agit d’un système structuré hiérarchiquement qui, généralement, débute par la Constitution du pays concerné et comporte les lois en vigueur (Code pétrolier), les règlements (décrets), les contrats, et les différents accords d’association.

Le modèle sénégalais

Dans le modèle sénégalais on retrouve la Constitution qui dans son article 25-1 stipule : « Les ressources naturelles appartiennent au peuple. Leur exploitation et leur gestion doivent se faire dans la transparence… » ; le Code pétrolier (Loi 98-05 du 08 janvier 1998) ; le contrat-type de recherche et de partage de production et enfin l’accord-type d’association qui regroupe la ou les compagnies et PETROSEN qui dispose dans tous les contrats de 10% de parts portées en phase d’exploration (elle ne participe à aucun investissement) avec une possibilité d’accroissement jusqu’à 20% en phase d’exploitation (en cas de découverte bien entendu).

Les gains pour le pays

Tout d’abord il est important de préciser que les bénéfices et avantages tirés de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières ne sont pas que financiers. On peut en citer de manière non exhaustive : les recettes directes (parts de l’Etat), les impôts et taxes, un taux de croissance économique amélioré, le développement des infrastructures, une stabilité politique, un transfert de technologie, un meilleur approvisionnement du pays en produits pétroliers et gaziers, le développement d’un écosytème du pétrole et du gaz (industries dérivées), une employabilité améliorée, le développement d’une industrie de service source de devises, etc.

Les revenus financiers

La signature du contrat donne droit annuellement à PETROSEN à un certain nombre de revenus (à discuter) que sont : le Bonus de signature, le loyer superficiaire calculé au km carré concédé, les frais de formation, la subvention pour actions sociales, les frais de promotion, et les dotations pour équipements. En plus de ces revenus perçus par PETROSEN, il y a en cas de découverte à proprement parler, ce que l’Etat est en droit d’attendre de ses ressources et qu’on peut appeler « revenus pétroliers ». Ils sont de nature différente et comportent une redevance sur la production, les parts directes de l’Etat dans le partage du profit-oil, les impôts et taxes perçus sur les investissements de développement, d’exploitation et les Opex (fonctionnement), les impôts et taxes sur les bénéfices des compagnies et enfin les parts détenues par PETROSEN. A cela s’ajoutent les impôts et taxes perçus sur les opérations de cession de parts entre compagnies. Il faut distinguer deux types de cession: – Celles en phase de recherche assimilées à des cessions d’engagements ne pouvant donner droit à aucun impôt puisque ne générant pas de flux financier donc pas de profit. Ici la compagnie titulaire d’un contrat comportant un ensemble d’engagements d’investissement garanti par caution bancaire exécutable en cas de défaillance, va chercher une autre avec laquelle partager le risque financier en lui cédant des parts.. Prétendre que l’Etat aurait un manque à gagner financier sur ces types d’opérations est une hérésie. – Celles d’après découverte : là par contre la plus-value sur cession est calculée sur la base des investissements consentis depuis le début et les évaluations extrêmement complexes de la volumétrie du gisement découvert valorisée à des coûts actualisés ou projetés (à déterminer) du baril. Naturellement, le cas échéant, un impôt appliqué sur le montant de cette plus-value.

La redevance d’exploitation

L’article 41 de notre code pétrolier stipule qu’en cas de découverte et d’exploitation, une redevance est tout de suite perçue par l’Etat. Les taux applicables sur les productions de pétrole brut ou de gaz naturel sont fixés comme suit : 2% à 10% sur les hydrocarbures liquides exploités à terre (onshore); 2% à 8% sur les hydrocarbures liquides exploités en mer (offshore): 2% à 6% sur les hydrocarbures gazeux exploités à terre ou en mer. Le montant de cette redevance ainsi que les règles d’assiette et de recouvrement sont précisés dans la convention.

Cost oil et profit oil

Les contrats prévoient qu’en cas de découverte un pourcentage du revenu global après prélèvement de la redevance de production est réservé au remboursement des investissements consentis depuis le début des opérations (CAPEX) majorés des frais de fonctionnement de la compagnie (OPEX) : c’est ce qu’on appelle le cost oil, (son taux étant le cost stop) naturellement le reste, appelé profit oil représente la cagnotte à partager entre l’Etat et la ou les compagnies en association avec PETROSEN. La clé de partage de cette cagnotte est une fonction proportionnelle au niveau de la production journalière de pétrole ou de gaz, elle est établie par tranche (Souvent 5) et plus la production journalière augmente plus les parts de l’Etat sont consistantes.

Revenus indicatifs globaux de l’Etat

Comme on le voit l’Etat qui, faute de moyens financiers colossaux à risquer dans des investissements lourds et peu sûrs (plus de 600 milliards de francs CFA investis dans la recherche depuis le début), n’a investi le moindre franc dans la prospection des ressources pétro-gazières va très certainement se retrouver avec des revenus extrêmement importants qu’il faille aujourd’hui mettre à profit intelligemment et avec parcimonie dans nos stratégies de développement économique et social actuelles et futures pour le bien de la Nation toute entière. Ces revenus comportent la redevance de production décrite plus haut, les impôts et taxes sur le cost oil et les éventuelles opérations de cession de parts après découverte, les parts directes dans le partage du profit oil, les parts détenues par PETROSEN (entre 10 et 20% des parts de l’association) et les impôts à prélever sur les parts définitives des compagnies au titre de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. En somme l’Etat tire en moyenne entre 55 et 70 % des revenus pétroliers selon les niveaux de production journalière sur l’ensemble des contrats signés à ce jour.

Conclusion

Comme dans un autre article de presse que j’ai publié récemment, vantant la pertinence du dialogue national sur l’utilisation de ces ressources, auquel nous convie Monsieur le chef de l’Etat, un large consensus incluant toutes les franges de notre société est obligatoire, parce que nécessaire aux choix à opérer pour une parfaite réussite des objectifs visés à cette fin.

Mor Ndiaye Mbaye

Ex. DirCab Ministère de l’Energie Morfattah.blogspot.com Morfattah@gmail.com

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