Invité à Dakar à un débriefing sur les résultats à capitaliser de la COP 22 par l’observatoire des valeurs sociétales et éthiques des organisations (OVSEO), basé au Sénégal, le Président du groupe des négociateurs africains Monsieur Seyni NAFO a semblé dire que désormais la balle est dans le camp des gouvernements pour mettre en place des stratégies nationales pertinentes de mobilisation des ressources déjà disponibles
Les ressources pour lutter contre le réchauffement climatique sont bien disponibles pour l’Afrique, mais les gouvernements africains ont besoin d’avoir des stratégies pertinentes pour les mobiliser. Ils ont en outre la charge de décliner leurs contributions nationales de réduction de leurs émissions de CO2 en objectifs chiffrés, et plans d’actions clairs, dont les impacts sont mesurables, dans la planification de leur développement économique et social.
Autrement dit, la balle est dans leur camp maintenant. C’est en substance la conviction de monsieur Seyni Nafo, exprimée lors d’une conférence de restitution en marge de la COP 22 organisée à Dakar le 02 Décembre 2016 par l’OVSEO, une organisation de veille stratégique proactive sur les pratiques de développement durable des entreprises et organisations africaines basée au Sénégal. Ladite conférence avait pour thème « les changements climatiques et les solutions innovantes offertes par les énergies renouvelables ».
La Conférence animée par le négociateur en chef pour le groupe africain avait entre autre objectifs de partager les conclusions de la 22eme Conférence des Parties sur le climat tenue à Marakkech, et de mettre en évidence des réponses innovantes des entreprises du secteur privé en matière de développement de projets dans les énergies propres. Elle a rassemblé ministères sectoriels concernées, acteurs non étatiques, chercheurs, universitaires, associations communautaires, ONG, collectivités locales, structures de financement du développement, entreprises et industriels du secteur privé développant des solutions innovantes dans les énergies renouvelables et des mécanismes de développement propre.
Introduisant le sous thème « lutte contre le réchauffement climatique : instruments, mise en œuvre, et financement », le président du Groupe des négociateurs africains à la Conférence des parties de la convention cadre des Nations unies pour les changements climatiques (COP21), et 22 est revenu dans son débriefing sur les éléments de contexte pour l’Afrique relativement au climat, les défis et enjeux pour le continent, et les objectifs globaux, et les résultats en termes de financements et d’opportunités.
Parmi tous les défis auxquels fait face le continent africain, (pauvreté, démographie galopante, jeunesse de la population, chômage et émigration clandestine etc.), le défi des changements climatique est certainement « le défi le plus pernicieux » qui peut éliminer les gains de développement et de croissance engrangés jusqu’ici par le continent a estimé monsieur Nafo. C’est un défi majeur que l’Afrique n’a pas créé et qu’elle ne pourra pas régler toute seule.
L’Afrique selon le conférencier du jour est le continent le moins responsable du réchauffement climatique mais qui se trouve être le plus impacté. Le tourisme souffre déjà avec des plages qui disparaissent, l’agriculture également avec une baisse des rendements, et des risques d’insécurité alimentaire pour ne citer que ces deux secteurs d’activités.
Le continent africain c’est aussi le continent qui a le moins de capacité pour faire face aux impacts négatifs des changements climatiques.
L’Afrique c’est aussi le continent où on enregistre le plus faible accès à l’énergie (600 à 650 millions de personnes en sont toujours dépourvues alors que paradoxalement l’Afrique est le continent qui a le plus grand potentiel énergétique. Suffisant pour le conférencier de conclure que le continent est victime d’une injustice climatique à réparer au plus vite.
Toutefois, « la victimisation n’est pas une arme contre le Changement Climatique » prévient monsieur NAFO ; car « la guerre du développement est impossible si on ne gagne pas la guerre contre le réchauffement climatique ». En clair, l’exposition du continent du fait de sa vulnérabilité géophysique n’est pas une excuse pour baisser les armes.
Pourquoi la COP suscite autant d’intérêts ?
Selon le conférencier, l’accord de Paris a été le 1er accord global contrairement à celui de Kyoto. C’est un accord universel couvrant plusieurs champs et qui concerne 196 pays. C’est également un accord au sommet le plus élevé.
Pour expliquer l’importance de la COP, Monsieur NAFO a rappelé les trois objectifs qui étaient fixés aux ministres et négociateurs lors des négociations de Paris :
– négocier un accord pleinement universel couvrant l’ensemble des besoins et des champs, équitable (urgence d’avoir un paquet de solutions et de financement face aux défis) et ambitieux (éviter que la hausse des températures ne dépasse 2 degré Celsius car autrement certaines variétés de céréales ne peuvent plus être cultivées) ;
– avancer et lancer de nouvelles initiatives en matière d’adaptation ;
– relever le défi de la mobilisation des financements (flux financiers plus importants).
L’accord de Marrakech quant à lui se devait d’abord de déterminer une feuille de route pour opérationnaliser l’accord de Paris et être ainsi une COP de l’action. Ensuite, il était question d’amplifier les initiatives lancées à Paris y compris pour les énergies renouvelables. Enfin l’accord de Marrakech devait aussi sécuriser un niveau de financement adéquat pour l’adaptation.
Des avancées notables ont été enregistrées à Marrakech.
La première avancée notable a été l’entrée en vigueur de l’accord de Paris le 04 novembre 2016 ; c’est-à-dire moins d’un an après son adoption. Les parlements ont 4 ans pour le ratifier. Mais déjà, au 7 octobre dernier, plus de 55 pays soit plus de 55 % des émissions totales – le niveau requis pour l’entrée en vigueur de l’accord- avaient signé l’accord ; ce qui était une première victoire.
Au niveau macro ; la question climatique est devenue non pas seulement une préoccupation environnementale mais également de développement au regard des impacts sur des pans entiers des secteurs économiques comme l’agriculture et le tourisme, poursuit Monsieur Nafo. D’où l’importance d’intégrer les changements climatiques et l’environnement dans les politiques économiques et sociales.
Pour l’Afrique, les dirigeants sont parvenus à mettre en place quatre commissions :
– Une Commission énergies renouvelables placée sous la présidence du Président guinéen Alpha CONDE ;
– Une commission pour le Sahel présidée par le Président ISSOUFOU du Niger ;
– Une Commission Bassin du Congo présidée par le Président Sassou NGUESSO ;
– Une Commission sur les Etats côtiers et insulaires placée sous la présidence des Iles Seychelles.
Au niveau national, 53 pays ont présenté leur Contribution Prévue Déterminée au niveau National (CPDN).
Le grand défi pour opérationnaliser ces contributions nationales reste cependant le défi de leur traduction en Programmes et projets avec une stratégie nationale claire de financement et un cadre institutionnel adéquat qui prend en charge par exemple l’accès des collectivités locales, des ONG et privés nationaux aux financements. Pour le conférencier les Etats ont besoin d’avoir par conséquent une stratégie pour mobiliser les ressources.
Au niveau national les états individuellement sont invités à organiser des tables rondes avec les partenaires financiers pour mobiliser les ressources nécessaires au financement des projets et avoir un mécanisme de suivi évaluation de l’exécution des plans d’actions.
Pour ce faire, les facteurs clé de succès ; c’est de décliner les contributions nationales en plan d’action et objectifs stratégiques. C’est aussi d’avoir des entités nationales accréditées aux différents guichets mis en place comme c’est le cas pour le Sénégal avec le Centre de Suivi Ecologique (CSE), et multiplier les accréditations.
Sur les engagements des pays développés, La France a mis sur la table 3 milliards USD, l’Allemagne 2 milliards, la Bad 3 milliards.
L’engagement des pays développés de mobiliser 100 milliards USD d’ici à 2020 a été réaffirmé. Une feuille de route précise est exigée cependant aux pays en voie de développement. Les pays développés de l’OCDE quant à eux se sont engagés à doubler le niveau de leur engagement.
Coté africain ; une proposition de tenir une réunion d’évaluation périodique des ministres des finances (Pays Développés –Pays en Voie de Développement) pour opiner et pour une prise en compte des priorités a été faite. Ce sera un cadre de dialogue de haut niveau pour les Ministres de finances qui leur permettra d’intégrer le climat dans la planification du développement.
Monsieur Nafo est également revenu sur le Fonds vert climat. Il a précisé qu’en 2014, le Fonds était doté de 10 milliards 200 millions USD.
Une partie des financements multilatéraux pour l’adaptation doit passer par ce fonds comme la participation de la Corée. Sur ce fonds, il y a eu un premier dialogue africain du 24 au 26 octobre 2016 au Cap à Johannesburg avec comme résultat 4 milliards 300 millions USD le montant du portefeuille africain (niveau de soumission de projets). Un niveau jugé encore faible qu’il va falloir revoir à la hausse de l’avis de Monsieur Nafo.
Ce fonds vert regroupe plusieurs types de ressources et offre beaucoup d’opportunités de Partenariat avec les pays africains.
Le Sénégal a mobilise déjà 10 millions USD. Deux projets en ont bénéficié dont le dernier est un projet d’assainissement financé avec le concours de l’Agence Française de Développement (AFD).
D’autres facilites existent et sont disponibles comme les Fonds préparatoires dont les montants vont de 300 000 USD par an à 1 million pour le Renforcement de capacités institutionnelles des Etats. Tout comme des Fonds de préparation de projet (étude de faisabilité, facilité de préfinancement etc).
Le fonds destiné à aider les pays à préparer leur adaptation est passé de 400 000 USD à 3 millions USD d’octroi par pays. Il doit servir à identifier et chiffrer les impacts des mesures d’adaptation.
Une autre facilité dénommée « Accès direct amélioré » ; qui veut dire que l’entité nationale mobilise et décide des allocations des fonds mobilisés, est en train d’être mis en place. Un pays peut décider de mettre en place un fonds climat national avec par exemple une dotation initiale de 30 millions USD. L’avantage, c’est de pouvoir ramener la finance climat au niveau le plus approprié comme les Collectivités locales.
La bonne nouvelle pour l’Afrique, concernant ces fonds, c’est la présence de 7 administrateurs africains, dans les conseils d’administration de ces fonds avec un co-président sud africain pour le Fonds vert.
En guise de perspectives, il s’agira de communiquer davantage sur l’administration des fonds, de mettre l’accent sur le financement des Plans Climat Territoriaux des collectivités locales, et sur les accréditations de structures financières pour augmenter le niveau de mobilisation financière des pays. Au plan national chaque pays aura un organe national chargé de dérouler un programme d’information, de sensibilisation et de communication sur ces dispositifs.
Bacary SEYDI / VivAfrik