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Cuba: Miguel Diaz-Canel désigné seul candidat pour succéder à Raul Castro

Cuba se prépare à vivre l’après-Castro. C’est un moment historique, Fidel, puis Raul Castro, les deux frères ont dirigé l’île communiste depuis la révolution de 1959. Six décennies plus tard, le régime communiste est toujours au pouvoir, mais Raul va passer la main. Depuis mercredi matin 18 avril, les députés sont réunis pour plusieurs jours. Ils doivent nommer plusieurs personnalités à des postes clés, dont celui de chef de l’Etat. Officiellement, le successeur de Raul Castro ne doit pas être désigné avant au mieux demain jeudi, mais on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de suspens : un seul candidat qui s’appelle Miguel Diaz-Canel.

Edition spéciale Cuba, vers la fin de l’ère Castro, ce jeudi 19 avril de 8h10 à 8h30 heure de Paris

Miguel Diaz-Canel a été désigné par les députés de l’Assemblée nationale. Cette annonce confirme ce que tout le monde pensait depuis des mois, voire des années. Il faut dire que sa candidature est logique, si l’on s’en tient à la Constitution cubaine. Miguel Diaz-Canel était jusqu’à présent vice-président du Conseil des ministres et du Conseil d’Etat. Il devrait logiquement être désigné président de la République de Cuba pour les cinq prochaines années.

Aux yeux de Manuel Cuesta Morua, figure de la dissidence à Cuba, le futur dirigeant du pays est quelqu’un qui avait du potentiel, mais qui a été mal influencé. « Il y a trois Diaz-Canel… Il y a un Diaz-Canel qui a débuté dans le centre du pays à Villa Clara et semblait être un homme très moderne qui a stimulé et appuyé durant une époque plutôt compliquée les droits de la communauté LGBTI à Cuba, presque une audace par rapport au pouvoir. Ensuite il y a un Diaz-Canel qui a grandi un peu, devenu un peu plus sérieux et plus sûr de lui lorsqu’il était le premier secrétaire du Parti dans la province d’Holguin. Et là les gens ont commencé à le voir comme quelqu’un qui se faisait absorber par l’élite du gouvernement. Enfin il y a un Diaz-Canel, qui dernièrement, apparaît comme un homme très conservateur », rapporte-t-il.

La fin de la génération historique des révolutionnaires cubains

Outre la présidence, d’autres désignations étaient prévues ce mercredi. Le poste de président de l’Assemblée cubaine a ainsi été attribué à Esteban Lazaro Hernandez, un Afro-Cubain, et c’est une femme qui a été élue au poste de vice-présidente de cette Assemblée. Il s’agit d’Ana Maria Machado. Les deux ont été élus avec 100% des voix. Des choix qui ne sont pas anodins ici à Cuba, où le racisme est par exemple un sujet tabou qui commence à prendre une dimension inquiétante, selon Manuel Cuesta Morua.

Il faut par ailleurs souligner que ce processus d’élection et de désignation ne passionne pas les Cubains qui ne s’attendent pas vraiment à des changements, en tout cas à court terme. Pablo Morales Machado, sans-emploi, le considère ainsi comme « une figure décorative qui doit être ventriloque ». Un homme qui « semble être une nouvelle figure », mais est en réalité « un maquillage politique de Raul pour donner l’impression à la communauté internationale qu’il y a un renouvellement » à la tête de Cuba. Et, comme « Diaz-Canel ne s’est jamais présenté comme un radical, c’est aussi une façon de donner l’impression qu’il s’agit de quelqu’un plus à même de discuter, de trouver des solutions ».

Le retrait de la vie publique de Raul Castro a tout de même son importance. Cela marque lafin de la génération historique de la révolution cubaine à la tête de l’Etat. Désormais, comme disent les Cubains, place à la jeunesse. Mais cette jeunesse est toute relative car celui qui est pressenti pour être désigné comme président fêtera tout de même ses 58 ans vendredi prochain. Et le futur président devra se plier comme de coutume aux directives du Parti communiste, qui restera encore dirigé par Raul Castro jusqu’en 2021.

De nombreux défis attendent Miguel Diaz-Canel. Il y a notamment la diversification des secteurs qui doivent générer des revenus. A l’heure actuelle, ce ne sont ni les cigares, ni le rhum ou le tourisme, qui permettent à l’île de tenir économiquement, mais l’industrie médico-pharmaceutique. C’est ce qu’explique Nuria Barbosa Casa, journaliste spécialisée sur la santé pour le magazine internationale de Granma, c’est-à-dire la presse d’Etat.

■ La jeunesse cubaine, une génération apolitique

La politique cubaine ne passionne pas la jeunesse de ce pays, qui avoue ne pas croire dans les promesses annoncées, tout comme elle se détache de la dissidence, dont le travail n’a donné aucun résultat selon elle.

Si le nombre de jeunes Cubains qui quittent l’île reste encore aujourd’hui élevé, une autre partie de cette jeunesse souhaite au contraire rester sur place et tente d’améliorer son quotidien.

Pour Osmani, étudiant qui installe de manière plus ou moins illégale des relais internet chez des particuliers, il n’est plus question d’espoir aujourd’hui, mais d’action : « Moi je fais, j’aime agir, je n’attends pas. Selon moi, ça ne vaut pas la peine d’attendre quoi que ce soit. Il faut agir dans ton domaine. Et c’est en agissant que tu changes les choses. »

Agir, c’est justement ce qu’a fait Julio, jeune journaliste indépendant qui a créé un média avec d’autres amis étudiants. Un média qui distille un discours bien différent de celui auquel sont habitués ses compatriotes.

« Depuis plus ou moins quatre ou cinq ans, il y a des choses intéressantes qui se passent à Cuba,dit-il. Les jeunes montent par exemple des projets dans le domaine de la communication ou de la presse qui ne sont pas affiliés aux médias nationaux et qui ne sont pas dans l’orbite de la presse, qui a traditionnellement été faite par l’opposition politique, c’est-à-dire par les médias américains. »

Monter ce type de projet représente un danger vis-à-vis des autorités. Mais pour Julio, le simple fait d’être scruté par ces autorités est une forme de reconnaissance.

Cette jeunesse cubaine est très attachée à son pays et même si elle avoue être d’une certaine façon apolitique, ce n’est pas pour autant qu’elle reste les bras croisés comme l’explique Gerardo, jeune architecte qui a plein de projets en tête :

« Pour moi, le processus politique est indéchiffrable, explique-t-il. Je sais qu’il existe, mais je ne parviens pas à voir ce qu’il se passe. Du coup, je fais en sorte que cela ne m’affecte pas, je ne veux pas être préoccupé par ça. »

Le changement à la tête de l’Etat cubain est une désormais une réalité. Mais cette jeunesse n’attend pas grand-chose de son nouveau président, elle préfère au contraire agir pour améliorer son quotidien. Et selon elle, s’est ainsi que Cuba évoluera.

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