Plusieurs pays occidentaux ont accusé ce jeudi 4 octobre la Russie d’avoir mené une campagne mondiale de cyberattaques. Les Pays-Bas ont dit avoir expulsé quatre espions russes et les Etats-Unis ont annoncé l’inculpation de sept agents présumés du GRU, le renseignement militaire russe. Moscou dément fermement les accusations.
Le gouvernement néerlandais a annoncé ce jeudi 4 octobre l’expulsion de quatre personnes présentées comme étant des espions russes. Il les accuse de « tentative d’espionnage à distance rapprochée ». Ils ont été arrêtés en avril dernier alors qu’ils séjournaient dans un hôtel proche du siège de l’OIAC, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques.
La voiture des quatre hommes était stationnée en face du bâtiment de l’institution qui se penchait sur le poison Novitchok utilisé à Salisbury contre Sergueï Skripal et sa fille. Le véhicule était équipé d’appareils électroniques destinés à capter le réseau wifi de l’organisation et de tenter de pénétrer dans ses serveurs informatiques, précise notre correspondant à Bruxelles Pierre Benazet.
Les Pays-Bas affirment avoir retrouvé dans le véhicule un reçu de taxi pour un trajet vers un aéroport moscovite au départ du siège du GRU, les services de renseignements de l’armée russe.
Sept espions présumés inculpés aux Etats-Unis
La justice américaine a de son côté annoncé l’inculpation de sept agents présumés de ce même service de renseignement pour conspiration sur le sol américain. Ils sont notamment accusés d’avoir piraté l’Agence mondiale antidopage (AMA), le Comité international olympique (CIO), la Fédération internationale de football (FIFA) ou encore le Tribunal arbitral du sport. Les faits se sont déroulés entre 2014 et 2018, rapporte notre correspondant à San Francisco Eric de Salve.
En 2015, l’AMA avait suspendu l’agence russe antidopage accusée d’être un rouage essentiel du dopage d’Etat en Russie. Selon les Etats-Unis, le renseignement russe aurait donc volé des codes d’accès des serveurs de toutes ces organisations sportives pour dérober des documents, des dossiers médicaux, mais aussi falsifier des informations des instances de lutte antidopage internationales et américaine.
Selon l’acte d’accusation, les espions russes sont allés jusqu’à modifier certains documents de l’AMA pour soutenir les thèses de Moscou. Ces documents ont ensuite été communiqués au groupe de hackers Fancy Bear qui a tenté de les diffuser auprès des médias traditionnels afin de manipuler l’opinion.
Parmi ces sept espions présumés, trois figurent déjà parmi les douze personnes inculpées par le procureur spécial Mueller dans le cadre de l’enquête sur l’ingérence russe dans la campagne de 2016. Tous sont aussi membres du GRU. Ils sont accusés d’avoir piraté les serveurs du parti démocrate pour voler des milliers d’emails, par la suite transmis à des hackers comme vraisemblablement le site WikiLeaks, afin de nuire à la candidate Hillary Clinton.
Le GRU également accusé par Londres
Des accusations confirmées par les autorités britanniques. Le Centre national de cybersécurité a ainsi identifié plusieurs attaques qu’il impute au GRU : celle du parti démocrate américain et le piratage de la base de données de l’Agence mondiale antidopage, mais encore l’attaque informatique contre l’aéroport d’Odessa en Ukraine et l’empoisonnement des Skripal. Le Royaume-Uni avait déjà par le passé accusé le Kremlin d’être derrière ces opérations, mais c’est la première fois qu’il pointe directement le renseignement militaire russe, remarque notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix.
« Les actions du GRU sont irresponsables et touchent tout le monde sans distinction », s’est pour sa part offusqué le ministre britannique des Affaires étrangères Jeremy Hunt. « Avec nos alliés, nous révélerons les tentatives du GRU de saper la stabilité internationale et nous y répondrons systématiquement », a-t-il prévenu.
Ces différentes annonces ont été accompagnées d’une cascade de réactions outrées. L’Otan a ainsi de nouveau dénoncé les immixtions russes dans les campagnes électorales des pays alliés, l’usage de la force contre les pays voisins et de vastes campagnes de désinformation. L’Union européenne et l’Australie ont publié des communiqués incendiaires pour dénoncer ces cyberattaques. Le Canada a également accusé le GRU d’avoir piraté son agence de lutte contre le dopage.
Moscou nie en bloc
De son côté, en dépit des images diffusées par les Pays-Bas, la Russie nie avoir tenté de pirater l’OIAC. Même défense pour les accusations de piratage des serveurs du parti démocrate américain ou encore de l’Agence mondiale antidopage, formulées par les Britanniques.
Dans un communiqué, la diplomatie russe a de son côté qualifié les accusations néerlandaises d’« acte de propagande dirigé contre notre pays ». « Nous avons répété à plusieurs reprises aux Pays-Bas, y compris par la voie diplomatique, que la campagne anti-russe d’espionnite aiguë lancée dans le pays porte atteinte aux relations bilatérales », a poursuivi le ministère russe des Affaires étrangères, s’étonnant de ces révélations à quelques jours d’une réunion de l’OIAC devant doter l’organisation de nouveaux pouvoirs.
Maria Zakharova, porte-parole du ministère, a ironisé sur la riche imagination des Britanniques, rapporte notre correspondant à Moscou, Jean-Didier Revoin. Quant à Alexander Yakovenko, ambassadeur de Russie au Royaume-Uni, il n’a pas manqué de souligner le caractère coordonné de ces accusations entre La Haye, Londres et Washington, évoquant une action organisée pour discréditer la Russie au moment où se tient à Bruxelles une réunion des ministres de la Défense de l’Otan.
Reste que le centre national de cybersécurité britannique n’a pas de certitude absolue. Il estime avec un « haut niveau de confiance » que le GRU est « presque certainement responsable » de l’attaque contre les serveurs du parti démocrate américain de 2016.
Rfi.fr