Le Professeur Adrien Diop, ponte de la chirurgie sénégalaise, a tiré sa révérence tout en élégance avant-hier et laisse le monde médical sénégalais et ses membres, orphelins de son savoir et de son humanisme contagieux.
Il a marqué la chirurgie africaine de son empreinte et sa disparition marque la fin de toute une époque de la médecine, et de la prégnance importante du mandarinat. Portrait d’un homme multidimensionnel qui aura traversé avec élégance une époque révolue.
Adrien Diop était passionnément terrien et absolument lunaire, bourru et tendre, rigoureux et ouvert aux libertés revendiquées. Il incarnait selon ses étudiants comme pour ses patients la passion pour sa mission et pour sa profession de chirurgien. De l’avis de tous ceux qui l’ont côtoyé, comme l’ancien ministre de la Santé, Abdou Fall, Tonton Adrien comme ils l’appelaient affectueusement, était avant tout un énorme médecin, qui avait une véritable réflexion sur le secteur de la Santé, son fonctionnement et son devenir.
Le Professeur Ardo Ba qui lui doit sa vocation de chirurgien, il manifestait une grande élégance dans la pratique de sa spécialité et était un formateur de talent qui a révolutionné la chirurgie africaine. Il était le Papa des internes et malgré sa grande rigueur, il est demeuré paternel jusqu’au bout avec tous, démontrant qu’il était surtout un enseignant de rang magistral. Adrien Diop aura dédié sa vie entière à la médecine, ne déviant jamais vers des activités privées qui auraient pu grandement l’enrichir. Mais c’était aussi un homme de cœur et de convictions.
Homme de cœur, sous son aspect bourru, rempli de ses exigences, il gardait un cœur tendre, toujours rétif à prendre des décisions difficiles et qui auraient pu gêner d’autres personnes. Homme de convictions, Adrien Diop était bien sûr le produit d’une école, d’une génération et d’une famille, celle de David Diop, son grand frère, et de Alioune Diop, fondateur de la mythique maison d’édition panafricaniste « Présence Africaine », panafricanisme dont il était fortement imprégné, et qui a constitué l’éthique de son éducation et le socle de ses engagements panafricains, base de sa gourmandise jamais démentie à l’égard de la culture.
Un homme de son temps, hors du temps vient de disparaître. Il sera inhumé dans le courant de la semaine prochaine. Sa silhouette élégante ne flottera plus sur Dakar. Hippocrate en soupire de désolation. L’Afrique en frémit de tristesse. Le Sénégal lui rend hommage. Il sera inhumé ce samedi à Dakar. Mission accomplie.
Jean Pierre Corréa