L’Union africaine renonce a envoyer une délégation de chefs d’Etat à Kinshasa ce lundi, comme elle l’avait annoncé. Dans une récente déclaration, plusieurs membres de l’organisation dont son président en exercice le Rwandais Paul Kagamé avaient souhaité la « suspension » de la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle en RDC et exprimé des « doutes sérieux » sur les résultats provisoires. Mais en passant outre en validant samedi soir la réélection de Félix Tshisekedi, la Cour constitutionnelle de RDC les a pris de court.
Officiellement, la mission de l’Union africaine est reportée sine die selon un communiqué publié en fin d’après-midi par la commission de l’Union africaine. Mais plusieurs sources au sein de l’organisation panafricaine parlent bien d’une « annulation ». Il faut dire que les résultats de l’élection désormais validés par le Cour constitutionnelle de RDC, la marge de manoeuvre de l’UA s’était réduite comme peau de chagrin.
« La Commission de l’Union africaine prend note de la proclamation par la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo des résultats définitifs des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales du 30 décembre 2018 », écrit l’UA dans son communiqué. La délégation de l’UA devait être conduite par son président en exercice, le chef de l’Etat rwandais Paul Kagamé, et le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat.
« L’Union africaine est mise devant le fait accompli » explique un diplomate pour qui cette mission « n’avait plus véritablement de sujet ».
Un revers pour Kagamé
Paul Kagamé a donc été contraint de reculer, lui qui selon la chercheuse Stéphanie Wolters aurait surtout cherché à « soigner son image à l’internationale » en défendant des « principes démocratiques », à quelques semaines de la fin de son mandat à la tête de l’Union africaine.
Une démarche qui même au sein de la population congolaise ne faisait pas l’unanimité. Certains y ont vu de l’ « hypocrisie », d’autres une « provocation » de la part d’un pays – le Rwanda – au rôle trouble dans l’est de la RDC et d’un président Paul Kagamé lui-même réélu en 2017 avec 98% des suffrages après modifié sa Constitution.
C’est donc un revers pour le président en exercice de l’UA, mais aussi pour le président de la commission, Moussa Faki Mahamat. Eux qui avaient déjà eu du mal jeudi dernier à convaincre les chefs d’Etat du continent à afficher ainsi publiquement leurs doutes sur la crédibilité de l’élection.
Une position – il faut le dire – rare au sein de l’organisation. Les tiraillements qui agitent les pays afrcains sur le dossier congolais n’ont d’ailleurs pas tardé à réapparaître ce dimanche. Si dans son communiqué la commission de l’UA se contente de « prendre note » des résultats proclamés par la Cour, dans un autre communiqué publié quelques heures plus tôt, les pays de l’Afrique australe réunis au sein de la SADC n’ont pas hésité eux à « féliciter » Félix Tshisekedi.
La SADC appelle tous les Congolais à « accepter le résultat, consolider la démocratie et à maintenir un environnement pacifique et stable après des élections historiques. » Le président de l’organisation, le Namibien Hage Geingob, a signé le communiqué au nom de l’ensemble de la région.
La position illisible de la SADC
Il a rapidement été suivi par le Tanzanien John Magufuli et surtout le Sud-Africain Cyril Ramaphosa. Une prise de position précipitée si l’on considère que Cyril Ramaphosa devait se rendre à Kinshasa lundi avec la délégation de l’Union africaine.
« Le président Cyril Ramaphosa a félicité M. Félix Tshisekedi Tshilombo », annonce un communiqué de la présidence sud-africaine appelant « toutes les parties prenantes en RDC à respecter la décision de la Cour constitutionnelle » annoncée à Kinshasa dans la nuit de samedi à dimanche.
Les pays d’Afrique australe ont donc signé deux déclarations contradictoires, celle d’Addis-Abeba jeudi dernier et celle de ce dimanche. Une position pour le moins illisible. La ligne directrice au sein de la SADC est-elle même illisible, car si Cyril Ramaphosa a réagi, ce n’est pas le cas de l’Angola et de la Zambie, qui s’étaient montrés plus sceptiques devant l’élection de Félix Tshisekedi. João Lourenço et Edgar Lungu ne se sont pas encore fait entendre.
Rfi.fr