Comment pourrait-on continuer à persuader nos élèves et étudiants que la tricherie est un vilain vice et que seul le travail soigneusement fait est noble ? Comment, dans un pays où la première institution félicite et donne en exemple un ministre de l’intérieur dont l’impartialité et la médiocrité en matière d’organisation d’élection sont unanimement établies, convaincre la jeunesse à cultiver la vertu ? Pourquoi continuer à être honnête si les perfides et les tricheurs sont félicités et/ou promus à des postes de premier plan ?
La première marque de faiblesse d’un chef est son incapacité à sanctionner ses collaborateurs véreux et médiocres. Qu’est ce qu’on peut faire de pire à une démocratie que de saper ses fondements par une entreprise sournoise de sabotage de son processus et ce, dans le seul but de tirer d’affaire son parti ? Si Macky Sall a le courage de féliciter Abdoulaye D. Diallo pour une organisation aussi scandaleuse d’une élection, c’est qu’il ne croit point à la démocratie.
Pire, Macky Sall a déclaré la guerre à la démocratie et à tous les démocrates de ce pays, car en félicitant son ministre de l’intérieur, il a clairement signifié sa préférence pour la médiocrité et gestion vicieuse des affaires publiques. Une telle déclaration est une émulation à la magouille électorale, une incitation à la tricherie. Quelle mauvaise image renvoyée à sa jeunesse !
Les grands hommes d’État sont reconnaissables par leur aptitude naturelle à gouverner le cercle de leurs proches par des principes invariablement arrimés sur ceux de l’État. Les piètres hommes d’État par contre n’hésitent pas à instrumentaliser les principes de l’État dans le seul but d’asseoir et de consolider leur pouvoir. Affaiblir l’État et la démocratie ne leur pose aucun problème et ils se complaisent dans les petites combines et dans les calculs d’épicier pour savoir combien de milliards il leur faut pour rempoter les prochaines élections.
Féliciter Abdoulaye D. Diallo, c’est désormais reconnaître à nos élèves et étudiants le droit, voire le devoir de tricher, car l’essentiel c’est de « réussir ». Tous les recalés aux différents examens et concours du Sénégal devraient à partir de maintenant réclamer des félicitations de la part du Président de la république. Les enseignants ne doivent donc plus sanctionner les médiocres et les tricheurs car nous sommes dans un pays où la tricherie est béatifiée. Celui qui a construit le mur du stade Demba Diop qui s’est affaissé pourrait-il logiquement être sanctionné ? Devons-nous continuer à nous complaire dans la médiocrité et dans l’échec ?
Quand nos équipes nationales échouent dans les compétitions internationales nous les félicitons ! Quand nos athlètes se font éliminer au premier tour des compétitions nous affirmons sans gêne que nous y étions allés pour apprendre ! Quand on reproche à un gouvernement de 2017 des coupures d’électricité, la seule réponse qu’il nous donne est que c’était pire en 2011 ! Quand les résultats aux différents examens sont catastrophiques, la seule explication qu’on trouve est que c’est la faute aux grèves cycliques ! Pouvons-nous dès lors espérer avoir des héros autres que des insulteurs publics et des professionnels de la perfidie ? Comment dans un tel pays empêcher que des « poètes de l’insolence » deviennent des modèles pour des milliers de jeunes ?
Au Sénégal personne n’est responsable des échecs et des crimes, on trouve toujours des portes dérobées pour se dérober par rapport à ses responsabilités. Nous sommes donc dans un univers où un nuage de compromission et de laxisme couvre le pays tout entier, l’empêchant ainsi de bénéficier des rayons du soleil de la justice et de la vérité. Ailleurs un ministre s’est courbé devant son peuple des heures durant pour implorer son pardon suite à une coupure d’électricité ; au Sénégal par contre, c’est au peuple que l’on demande de courber l’échine pour rendre grâce à un ministre qui a refusé à des millions de citoyens d’exercer leur droit de vote.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal