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En 1917, après trois ans de neutralité, les États-Unis entrent en guerre

Le 6 avril 1917, le Congrès américain votait « la reconnaissance de l’état de guerre entre les États-Unis et l’Allemagne ». Après trois ans de neutralité, les Américains prenaient à leur tour les armes.

Il y a 100 ans, le 6 avril 1917, la Grande Guerre devenait encore un peu plus mondiale avec l’entrée en guerre des États-Unis aux côtés de la Triple-Entente formée par la France, le Royaume-Uni et la Russie. Alors que durant près de trois ans, les Américains ont voulu respecter une certaine neutralité, plusieurs événements ont précipité leur mobilisation.

Hélène Carter, historienne à l’Université Rennes 2 et auteure de « Les États-Unis dans la Grande Guerre », explique à France 24 les raisons de ce basculement et l’impact de cette arrivée de soldats américains sur le champ de bataille européen.


France 24 : Qu’est-ce qui déclenche l’entrée en guerre des États-Unis le 6 avril 1917 ?

Hélène Harter : C’est un mélange de plusieurs facteurs. En ce début d’année 1917, la guerre sous-marine bat son plein, ce qui pourrait entraver la circulation des bateaux et des citoyens américains dans l’océan Atlantique. De plus, à la même période, ils apprennent qu’un télégramme secret, appelé le télégramme Zimmerman, du nom du ministre des Affaires étrangères allemand, a été expédié au Mexique. Il y invite l’ambassadeur, dans l’éventualité où il y aurait une guerre, à chercher une alliance avec le Mexique pour affaiblir les États-Unis. Il fait miroiter aux Mexicains l’éventuelle récupération des territoires perdus en 1848.

D’autres causes plus profondes expliquent également cette entrée en guerre : le sentiment aux États-Unis qu’il s’agit de la défense de la civilisation. Pour d’autres, c’est l’aspect économique. Au début de la guerre, les Américains ont fait le choix de la neutralité, mais au fil des mois, sur fond de blocus de l’Atlantique, ils se sont retrouvés à commercer essentiellement avec la Grande-Bretagne et la France, et à leur prêter de l’argent. Certains aux États-Unis se sont donc inquiétés de ce qu’il adviendrait de ces prêts financiers si les alliés perdaient la guerre. C’est dans ce contexte que le président américain Woodrow Wilson se résout à demander au Congrès de déclarer la guerre.

CETTE AFFICHE AMÉRICAINE A ÉTÉ DIFFUSÉE 13 JOURS APRÈS L’ENTRÉE EN GUERRE DES ÉTATS-UNIS. ELLE APPELLE LE PEUPLE AMÉRICAIN À SE RÉVEILLER ET À SE BATTRE POUR LA CIVILISATION.
© Library of Congress

Depuis le début de la guerre, les États-Unis n’étaient donc pas un acteur passif du conflit ?

Exactement. Ils ont tout d’abord essayé la diplomatie, avant le déclenchement de la guerre, puis à plusieurs reprises en 1915 et 1916. En tant que l’une des premières puissances mondiales, leur économie est liée à tous les acteurs de la guerre. Ils ne peuvent donc pas rester totalement à l’écart d’un conflit où leurs principaux partenaires commerciaux sont engagés les uns contre les autres. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que c’est un pays d’immigrants. À l’époque, 10 % de la population est née à l’étranger et pour l’essentiel dans des pays européens en guerre. Cette population américaine est donc extrêmement sensible à ce qui se passe sur le Vieux Continent. Les États-Unis ne peuvent pas faire comme s’il ne se passait rien de l’autre côté de l’Atlantique.

DES SOLDATS AMÉRICAINS EN FRANCE REÇOIVENT UNE INSTRUCTION SUR L’UTILISATION DES GAZ ET LES LANCE-FLAMMES
© Library of Congress

Quelle est l’importance de l’armée américaine lorsque les États-Unis entrent en guerre ?

C’est une petite armée régulière, de quelques centaines de milliers d’hommes. Il n’y a pas de conscriptions, à la différence de la France. Ces soldats interviennent, pour l’essentiel, le long de la frontière avec le Mexique, où il y a régulièrement des problèmes, dans les Caraïbes, pour rétablir l’ordre et intervenir dans la vie politique de ces pays. Ils ont une petite puissance terrestre car ils sont persuadés qu’ils n’auront pas à intervenir dans les affaires mondiales et en particulier européenne. Ils concentrent leur force pour sécuriser le commerce dans les espaces qui leur semblent importants, c’est-à-dire l’Amérique et le Pacifique. Par contre, la Marine est extrêmement développée, car ils pensent que la puissance s’appuie sur le commerce et qu’il faut sécuriser les routes maritimes.

DES SOLDATS AMÉRICAINS DANS LES TRANCHÉES PRÈS DE VERDUN EN 1918.
© Library of Congress

Quel est l’impact de cette entrée en guerre des États-Unis ?

L’impact est surtout économique dans les premiers temps car le gouvernement américain prête des centaines de millions de dollars aux Français et aux Britanniques. L’entrée en guerre signifie donc que les dollars publics sont désormais accessibles aux gouvernements alliés, à bout de souffle. L’impact militaire se fait surtout sentir à partir de l’été 1918. Grâce aux arrivées incessantes de soldats américains, les alliés arrivent à aligner plus de combattants que les Allemands. La participation des Américains aux combats va crescendo, jusqu’à 1 million d’hommes sur le terrain. Cela commence au printemps et puis cela s’accélère à l’été.

Peut-on ainsi dire que l’entrée en guerre des États-Unis a été décisive ?

C’est une question complexe. Au départ, ces soldats américains sont pour l’essentiel très peu formés à la guerre telle qu’elle se pratique dans les tranchées, mais leur « fraîcheur » physique et morale redonnent un allant à l’offensive. Mais cet impact ne se matérialise qu’en 1918. Faire de 1917 le moment du sauvetage n’est pas cohérent. Il ne faut pas oublier que si les Américains font la différence, c’est aussi parce que les Français et les Britanniques ont tenu et ont sacrifié des millions d’hommes. Il y a une forme de complémentarité des deux. On ne peut pas faire des Américains les sauveurs absolus. C’est un travail collectif.

UN SOLDAT AMÉRICAIN PARTAGE SON TABAC AVEC UN PAYSAN FRANÇAIS.
© Library of Congress

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