Le premier président de la Cour suprême ne figure pas ès qualités sur la liste des autorités assujetties à la déclaration de patrimoine en vertu de l’article 2 de la loi n° 2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine. C’est donc en qualité d’ordonnateur du budget de la Cour suprême que l’OFNAC lui exige le dépôt de sa déclaration de patrimoine.[1]En effet,
– l’article 7 du décret n° 2009-1323 du 30 novembre 2009 portant régime financier de la Cour suprême stipule que « le Premier Président de la Cour suprême est l’ordonnateur des recettes et des dépenses inscrites au budget de la Cour »,
– l’article 17 du décret n° 2011-1880 du 24 novembre 2011 portant Règlement général sur la Comptabilité publique dispose que « les présidents des institutions constitutionnelles sont ordonnateurs principaux …des dotations … de leur institution »,
– et l’article 67 de la loi organique n° 2011-15 du 8 juillet 2011 relative aux lois de finances énonce que « les présidents des institutions constitutionnelles sont ordonnateurs principaux des crédits …de leur institution ».
Sans entrer dans tous les détails nécessaires, arrêtons-nous sur les dispositions des alinéas 3 et 4 de l’article 67 de la loi organique du 8 juillet 2011 qui ont, inconditionnellement, une autorité supérieure à celles des deux décrets cités ci-dessus et posons-nous la question suivante : le premier président de la Cour suprême est-il bien l’ordonnateur principal du budget de la Cour suprême voté par l’Assemblée nationale ?
Le troisième alinéa de l’article 67 de la loi organique de 2011 précitée indique que « pendant une période maximum de cinq (5) ans à compter du 01 janvier 2012, le ministre chargé des finances reste l’ordonnateur principal unique du budget général… ». Quant au quatrième alinéa du même article 67, il précise que « pendant cette période de cinq (5) ans, le ministre chargé des finances peut proposer la délégation de son pouvoir … d’ordonnancement … aux présidents des institutions constitutionnelles… ». (Cf. à ce sujet, les commentaires à la page 71 du Guide didactique de la directive n° 06/2009/CM/UEMOA du 26 juin 2009 portant lois des finances au sein de l’UEMOA).
À notre connaissance, le ministre chargé des Finances n’a pas à ce jour proposé une délégation de pouvoir d’ordonnancement au premier président de la Cour suprême. Pour corroborer ce qui précède, il suffit de constater que le premier président de la Cour suprême ne signe pas les mandats qui permettent le versement de la dotation budgétaire sur le compte de dépôt de fonds de la Cour ouvert dans les écritures du Trésor public.
En l’absence d’une délégation de pouvoir d’ordonnancement, le ministre chargé des Finances reste l’ordonnateur principal du budget général de l’État jusqu’au 1er janvier 2017 ; par conséquent, le premier président de la Cour suprême n’est présentement pas concerné par l’article 2 de la loi du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine exigée des ordonnateurs qui gèrent des dotations budgétaires dont le montant dépasse un milliard de franc CFA.
La catégorie des administrateurs de crédits n’existe plus dans le droit budgétaire en vigueur : la définition donnée à l’article 2 du décret n° 2014-1463 du 12 novembre 2014 portant application de la loi n° 2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine est celle du décret du 13 mars 2003 portant Règlement général sur la comptabilité publique, dont les dispositions sont abrogées et remplacées depuis le 1erjanvier 2012 par le décret n° 2011-1880 du 24 novembre 2011. C’est dire que le droit existant ne reconnaît plus les administrateurs de crédits comme personnels chargés de l’exécution du budget de l’État. Le législateur n’aurait pas dû mentionner les administrateurs de crédits sur la liste des assujettis à la déclaration de patrimoine.
Mamadou Abdoulaye SOW
Inspecteur principal du Trésor à la retraite,
Ancien Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor,
Ancien ministre