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Plan Sénégal Emergent = déchéance humaine, selon les recycleurs de Mbeubeuss

Lorsque les tenants du régime fredonnent leur refrain autour du Plan Sénégal Emergent (PSE), la Communauté établie à la décharge de Mbeubeuss dit vivre dans un monde différent de celui de Macky Sall et ses hommes. Un monde d’abîmes, dans lequel elle semble être confinée. Où on ne connaît qu’en rêve les impacts de la Couverture Maladie Universelle (CMU) et la Fondation Servir le Sénégal. Où l’électricité est inscrite aux abonnées absentes.

Au bord de la crise des nerfs, les 1500 hommes et femmes, vivant sur ce site, continuent de faire le deuil, suite à la perte de deux des leurs et recherchent encore certains d’entre eux portés disparus et ont  étalé leur trop-plein de frustrations, ce lundi, face au ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire, Abdoulaye Diouf Sarr. Qui a eu le courage de descendre sur le site, d’aller à leur contact et de leur apporter la «bonne parole». Le tout sous le regard de Actusen.com. Reportage !

Lundi, 26 décembre 2016, quatre-vingt-seize (96) heures après l’incendie qui a fait deux morts et plusieurs disparus, le ciel est crispé. Dakar, aussi ! Mi-nuageux, mi-poussiéreux, le temps semble s’être arrêté, à des dizaines de kilomètres du centre-ville de la capitale sénégalaise. On est à Mbeubeuss. Qui pleure encore et toujours ses morts. Emportés par un incendie d’une rare violence. Dont les mobiles restent, jusqu’ici, entourés d’un grand voile.

C’est dans ce contexte lourd d’émotions que le ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire, Abdoulaye Diouf Sarr, descend à la décharge des déchets solides de Mbeubeuss de Dakar. Et arrive chez des acteurs meurtris et déboussolés, pour s’enquérir de la situation mais surtout, pour exprimer la solidarité du Gouvernement aux victimes, à tous les acteurs de la décharge de Mbeubeuss et aux blessés».

En dépit de la tension ambiante et toujours vive, le maire de Yoff a foulé le sol de cette contrée de «non-droit», où cohabitent plus de 1500 âmes. Sans électricité et déconnectée du reste de la capitale, Mbeubeuss grouille, néanmoins, de monde.

Accompagné des membres de son Cabinet et des acteurs-responsables de l’Union de gestion des déchets solides (Ucg), Abdoulaye Diouf Sarr a troqué ses vestes taillées sur mesure contre une tenue de terrain. Bottes bien vissées aux pieds, un pantalon kaki et un veston marron enfilé, le ministre a eu le courage d’affronter une communauté au bord de la crise des nerfs. Parce qu’habitée par la certitude, clé en main, d’être un laisser pour compte du régime de Macky Sall.

Les yeux hagards face à l’ampleur des dégâts, le ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire a avalé la poussière soulevée par le vent et la fumée qui se dégageait encore de la cendre. Sans la présence du maire de Malika à ses côtés, Abdoulaye Diouf Sarr semblait perdu. Loin de son bureau et de ses fauteuils cossus.

«Si je ne me suis pas présenté sur le site aux côtés du ministre, c’est que je suis resté à l’hôtel de ville pour désamorcer une bombe», expliquera Momar Talla Gadiaga, interrogé plus tard par la presse.

 Le maire Momar Talla Gadiaga : «j’ai tenté de désamorcer la bombe»

Selon le l’édile de Malika, les acteurs voulaient réserver un accueil mouvementé à Abdoulaye Diouf Sarr, pour manifester leur colère. Et Momar Talla Gadiaga n’a pas faux. Car alors que Abdoulaye Diouf Sarr livrait ses impressions à la presse, une horde de recycleurs appelés «boudjman» en langue locale, manifestait son courroux. Sur les pancartes portés, on pouvait lire, sans se tromper : «où est l’argent de la Couverture maladie universelle, que fait la Fondation Servir Le Sénégal. Nous sommes des Sénégalais, à part entière».

Bref, pour eux, Plan Sénégal Emergent équivaut à déchéance humaine. Néanmoins, la volonté des acteurs de Mbeubeuss n’a pas empêché la visite du ministre de se tenir. Alors que des pancartes hostiles étaient soulevées dans le ciel de Mbeubeus, Abdoulaye Diouf Sarr faisait face à la presse et livrait son mot.

Sur un espace qui s’étend sur des kilomètres, la fumée se dégage encore des cendres. 96 heures après l’incendie. La poussière soulevée par les voitures qui effectuent leur déchargement, s’empare du ciel et de la nature.

Abdoulaye Diouf Sarr avance, doucement et sûrement. Sur des tas de bouteilles, de restes de feux, les narines devenus blanches à cause de la poussière, il est entouré de visages meurtris. Le décor qui est prévaut sur les lieux est tel que les lunettes du ministre-maire de Yoff sont pleines de poussière. Beaucoup ne reconnaîtraient pas l’homme, adepte du port vestimentaire jadis plouc de luxe. Dans l’odeur du brûlé, les oiseaux s’envolent et sifflent sur la tête des occupants du site. Des hommes et des femmes, jeunes comme adultes, se précipitent sur les déchargements. Comme si, il y a 4 jours, la peur et la tristesse n’étaient pas les sentiments les mieux partagés.

«Un métier à nous…»

«C’est notre métier. Depuis des années, nous ne connaissons que ça », lance un récupérateur, les mains et le boubou remplis d’objets de recyclage. Oubliant, pour quelques instants, le drame qui a frappé Mbeubeuss. A côté de lui, des jeunes dames, habillées presque en lambeaux, se disputent quelques objets aperçus au même moment. L’une et l’autre disant être la première à s’en apercevoir. Dans ce mélimélo, c’est un homme d’un âge avancé qui, comme le roi Salomon, avec une sagesse déconcertante, calme le jeu, en appelant les deux jeunes dames à la raison.

Abdoulaye Diouf Sarr tente de désamorcer la bombe sociale.  «Je suis venu marquer ma solidarité et ma volonté à accompagner les acteurs de la décharge de Mbeubeuss», a déclaré Abdoulaye Diouf Sarr, qui annonce une journée de prières en hommage aux victimes.

«Vendredi, une journée de prières en la mémoire des disparus aura lieu», indique le ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance locale. Mieux, il a annoncé, dans le même ordre d’idées, que l’étude de faisabilité, en termes de réhabilitation et de qualification de Mbeubeuss, sera déposée en juin 2017. Et un travail très sérieux sera engagé pour que Mbeubeus intègre la filière de gestion des déchets solides de la région de Dakar. 

«Une étude de faisabilité, de réhabilitation et de qualification de Mbeubeuss en 2017», annonce Diouf Sarr

Cette filière va commencer par la «collecte au niveau des domiciles jusqu’à la valorisation, en tenant compte, bien entendu, des préoccupations sur le site, a fait savoir le coordonnateur de la décharge de Mbeubeuss, Lamine Kébé. Mieux, ajoute-t-il : «je dis cela pour rassurer les acteurs qui sont là. Quel que soit le scénario retenu, la dimension sociale sera intégrée, parce que nous savons qu’il y a, au moins, 1500 acteurs qui travaillent dans cette plateforme de Mbeubeuss».

Par ailleurs, Abdoulaye Diouf Sarr parle d’un système global de gestion des déchets solides de la région de Dakar. «Ce système partira de la collecte au niveau des domiciles, en passant par le tri jusqu’à la valorisation au niveau d’une plateforme de Mbeubeuss», promet l’hôte du jour des recycleurs.

Un système global de gestion des déchets à…Dakar

Le ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement ne compte pas s’avancer sur les questions de l’indemnisation des victimes et de la poursuite de la recherche d’éventuels corps sans vie. «Laissons, effectivement, ce dossier être vidé au niveau de l’enquête et, à partir de ce moment, nous verrons ce qu’il y a lieu de faire», a affirmé Abdoulaye Diouf Sarr.

«Il y a des questions qui ne sont pas encore vidées. Laissons la police faire son travail. Les Services compétents vont boucler le dossier, car je ne veux pas avoir des propos prématurés, par rapport à ce dossier», a clarifié le ministre-maire de Yoff, sous la poussière et les cris des acteurs qui manifestaient leur colère.

N’empêche, Abdoulaye Diouf Sarr a du mérite : celui d’avoir osé descendre sur les lieux et d’aller au contact d’une Communauté meurtrie. Qui a le sentiment que ce régime a montré les limites à trouver la clé à ses difficultés de tous les jours. Une Communauté qui, lorsque le régime chante à-tout-va le Plan Emergent Sénégal, a la certitude de s’enfoncer, au même moment, dans les abîmes de la déchéance humaine.

Gaston MANSALY (Atusen.com)

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