ACTUSEN
Contribution

EXAMENS DE L’ANNEE SCOLAIRE 2019 AU SENEGAL : LES FACTEURS DE CONTREPERFORMANCES 

L’échec scolaire désigne la non‐réussite de l’élève à l’école. Cette expression recouvre plusieurs réalités qui varient selon le contexte et le point de vue que l’on adopte.

Auparavant attribué au quotient intellectuel de l’élève, il est aujourd’hui reconnu que l’échec scolaire est multifactoriel. L’élève n’est plus le responsable de son échec, il en devient la victime.

La responsabilité s’est automatiquement tournée vers le système éducatif et peut être les (autres parties prenantes). L’échec scolaire étant multifactoriel, la responsabilité en devient partagée, comme l’exprime Philippe Meirieu : « la lutte contre l’échec scolaire nécessite le travail de plusieurs acteurs, différents et complémentaires et, pourtant, tous entièrement et pleinement responsables ».

Comment expliquer le choix des sujets qui sont complètement en déphasage ?! Par exemple pour le bac, si on prend le français discipline que je connais le mieux, on voit nettement qu’il y’a problème au niveau de la consigne qui est fermée, alors qu’elle devrait être ouverte et indicative. A quoi sert une réforme ?!

Il en est de même pour le commentaire où nous avons la correction à internet. Il se pose un problème : la justice sociale, l’égalité des chances. Ceci est valable pour les autres disciplines. On dirait un concours. C’est également valable pour le BFEM. Ainsi, considérons ce sujet :

Les personnages de Vol de nuit mettent l’action au-dessus de toute autre chose de la vie.

En vous appuyant sur ce roman et sur votre expérience personnelle, vous montrerez dans un développement argumenté, comment ils le manifestent dans leur quotidien.

Il y a deux faits problématiques dans ce sujet à savoir le thème et la consigne. Le thème est très abstrait par rapport au niveau de compréhension des élèves. C’est-à-dire qu’il ne renvoie pas à une réalité concrète, pratique de la vie. Ce même constat s’applique au 2e sujet. Ce qui pose à nouveau le problème de l’évaluation des apprentissages. Quoi (objet) et comment (stratégie) évaluer ? La première visée d’une discipline, c’est une visée scolaire. Autrement dit, elle doit favoriser la réussite. Parlant de réussite, on comprend aisément la performance des élèves dans les établissements comme le lycée d’excellence de Diourbel, la maison d’éducation Mariama BA, le prytanée Militaire de Saint Louis sans compter d’autres catégories d’établissements scolaires où l’Etat fait un appel à candidature pour sélectionner les meilleurs profiles au poste de proviseur, d’enseignant ou de surveillant.

La plupart des élèves issus de ces établissements ont l’estime de soi relativement positive, de sorte qu’il est difficile d’expliquer un grand nombre d’échecs par une faible estime de soi. A ce niveau, A. Van Haecht (1998) à raison de dire  « l’habitus est à la jonction du passé qu’il incorpore et du futur qu’il engendre ». Pour réussir, il faut avoir un bon capital culturel : ensemble des habitus valorisés, les habitus (attitudes, comportements) selon lesquels fonctionnent l’école : habitus des classes dominantes (langues, manières d’enseigner, comportements valorisés). Je m’interroge : doit-on continuer à comparer les établissements d’excellence aux écoles classiques. Il me semble bien que la réponse est non.

Par ailleurs, le rapport de la COSYDEP fait état des facteurs explicatifs de l’échec scolaire observé. Il y a entre autres : le manque de matériels pédagogiques, l’absence de manuels scolaires, le niveau de compétence des enseignants, le système d’encadrement et d’évaluation et « l’encyclopédisme » du programme constituent ainsi les germes de contreperformances. L’inertie de la communauté, notamment des parents, sur l’échec scolaire, a été décriée.

Partant de la mise en œuvre du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (PAQET) où il est noté des acquis non négligeables. Le rapport d’analyse des résultats des examens du Bfem et du Bac est revenu sur les faiblesses notables d’un système sous les jumelles spectrales du taux d’échec des évaluations certificatives. La machine scolaire est loin d’être en bon état. Elle consomme beaucoup de carburant et ne roule pas comme il le faut, si l’on se réfère aux résultats scolaires des années passées y compris cette année 2019. Le baccalauréat et le Brevet de fin d’étude moyenne (BFEM) enregistrent respectivement de taux d’échec important.

En s’interrogeant sur la capacité du système éducatif à réaliser ses propres objectifs, la question de la responsabilité des acteurs sur l’échec scolaire demeure problématique. C’est la faute de l’autre quand il s’agit de mauvais résultats, a-t-on l’habitude de dire. L’Etat et les parents d’élèves indexeront les enseignants qui pointent du doigt le niveau bas des élèves et le non-respect des engagements pris par les autorités. Qu’à cela ne tienne ! Les résultats montrent une contre-performance notoire du système éducatif. Le taux de réussite au baccalauréat n’a pas dépassé la barre de 50% depuis 2001. Malgré les milliards investis, il varie entre 30 et 40%. En 2001, quelque 35,1% des candidats ont décroché le premier diplôme universitaire contre 37,22% en 2019. Dakar occupe la première place avec 44,58%, le plus faible taux est noté à Kaffrine avec 24,03%, Louga en sort 7éme avec 37,90% un peu au dessus de la moyenne nationale 37,22%.

En passant du Programme décennal de l’Education et de la Formation (PDEF) au Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (PAQUET), le Sénégal n’a jamais atteint la barre d’un taux de réussite de 50% au Bac. Pendant 18 ans – 2001 à 2019 – son meilleur score a été enregistré en 2006 avec 48,8% de réussite. La réussite recherchée dans les politiques publiques n’est toujours pas au rendez-vous. Quid du Bfem ? Son taux de réussite n’a pas encore atteint la barre des 60% d’admis. Les résultats engrangés ces dernières années sont loin des objectifs fixés sur les évaluations certificatives.

D’autres facteurs entreront en jeu : la maladie des élèves, la mauvaise alimentation, le manque de sommeil chez les apprenants, la journée continue, les réseaux sociaux, la stratégie de tricherie des élèves qui n’a pas

marché pour certains élèves.

La santé précaire des élèves peut constituer un réel blocage. En fait, les problèmes de santé empêchent certains apprenants de suivre correctement les enseignements et apprentissages et ont des conséquences au niveau du curriculum atteint. La plupart du temps, nous venons des familles modestes. Se prendre en charge est un problème, prendre en charge la santé des enfants en est un autre. Et du coup, l’élève est abandonné et laissé à son sort.

De plus, la journée continue pourrait être une des causes des échecs scolaires. Je ne dis pas qu’il faut la supprimer, mais on doit la revoir en mettant l’apprenant au centre. Elle arrange les enseignants et non les élèves. Dans les zones urbaines, par exemple, on voit des apprenants faire des kilomètres pour retrouver une école. En réalité, ils (ces élèves) quittent leurs maisons pour ne revenir que vers 19h et parfois plus. Ils reviennent à la maison très fatigués et certainement n’auront même pas le temps pour certains de revoir les cours et faire des travaux pratiques (exercices). Or quand on interroge la biologie de l’éducation, le rythme circadien de l’élève, on peut se poser cette question : est-ce qu’ils pourront tenir pendant de longues heures?
A cela s’ajoute les réseaux sociaux. En fait, les élèves perdent énormément de temps avec Facebook, WhatsApp, Youtube et autres…Ils utilisent ces outils pour le divertissement et non pour la recherche d’informations relatives aux cours. Ces plateformes sont des espaces d’apprentissage social. Elles peuvent être des outils d’encadrement scolaire qui n’ont seulement pourraient occuper les élèves positivement ; mais aussi, elles devraient permettre aux enseignants de faire de la pédagogie active de la classe inversée.

Après avoir donné quelques facteurs liés à l’échec, on peut se permettre d’en dégager des perspectives :

  • Prôner la pédagogie différenciée, de groupe et du tutorat ;
  • Respecter au moins les trois modes d’intégration des connaissances : visuel, auditif,

kinesthésique ;

  • Développer des formules alternatives d’éducation et création des conditions de la préprofessionnalisation ;
  • Briser le mythe de la dialectique école et bureaucratie ;
  • Mettre l’accent sur les échanges, la communication et sensibilisation des parents ;
  • Pratiquer la différenciation institutionnelle en détectant très tôt les élèves ayant besoin d’une éducation spécifique ;
  • Mettre en place des programmes d’aide adaptés aux élèves en difficultés d’apprentissage ;
  • Promouvoir les cours de vacances et de rattrapage ;
  • Appliquer effectivement l’APC ;
  • Sensibiliser, tisser des partenariats avec tous les acteurs de la communauté éducative ;
  • Pratiquer une égalité de traitement, permettre à tous les enfants de bénéficier d’une même qualité de l’enseignement ;
  • Utiliser de nos langues locales car la langue d’enseignement étant une langue étrangère (français)
  • Impliquer d’avantage les parents d’élèves, les faire aimer l’école afin de rendre l’école à l’école c’est-à-dire l’école à la communauté.

Car avoir un bon encadrement pédagogique suppose l’engagement des parents et de la communauté. Les implications dépendront du type de la communication (être en contact permanent : informer, échanger par les TIC, les bulletins d’information, etc. ; la participation (implication dans le fonctionnement) et la gouvernance (participation à la prise de décision). A ce niveau, on doit créer dans les établissements et au niveau national des espaces numériques de travail (ENT) qui relient les acteurs éducatifs (élèves, enseignants, chefs d’établissement, parents d’élèves) en favorisant l’échange, le partage de ressources pédagogiques.

Au terme de cette analyse sur les échecs scolaires, il faut dire que tout le monde est concerné par cette question soit à titre de responsable politique ou de l’administration scolaire, soit en tant qu’enseignant, formateur mais aussi comme citoyen et parent.

Les facteurs à l’origine de l’échec comme nous l’avons vu sont de tout ordre : politique, économique, institutionnel, socio-affectif, pédagogique que psychologique.

Chacun de nous doit avoir en tête l’impact des actes qu’il pose à l’égard de ses enfants ou des élèves dont il a la charge sur leur chance de réussite. Ainsi nous privilégierons ce qui aidera le mieux les jeunes dont l’éducation nous incombe afin de pouvoir faire d’eux des hommes qui connaîtront le succès scolaire et partant la réussite sociale car l’avenir de tout enfant aujourd’hui dépend grandement de sa scolarité car l’école est l’ascenseur social de tout individu.

Aussi, je vous invite à méditer cette pensée de Roger Texier in « Education, monde d’expérience »

« L’école n’accueille pas des intelligences vierges, également réceptives, mais des esprits que marque déjà l’héritage inégal d’une famille, de ses loisirs, de ses préoccupations, de son vocabulaire. La constatation est brutale : aucun autre facteur que l’origine sociale n’a une incidence aussi nette sur le cursus scolaire. A défaut de pouvoir faire des miracles d’égalisation totale, sans doute revient-il plus que jamais à l’école, dans tous les pays du monde, d’être pour tous l’école de la réussite. »

Bouna NDAO

Enseignant-Formateur,

3e cycle, Gestion des Systèmes Educatifs

Université Senghor à Alexandrie

Chercheur en Sciences de l’Education

Certifié en Administration scolaire

bourniany2@yahoo.fr

ndao.bouna@ugb.edu.sn

beuleup.consulting@gmail.com

Leave a Comment