Après sa sortie à l’Assemblée nationale où le ministre de la Culture et de la Communication a annoncé que, cette année, il ne procéderait pas à la répartition de l’aide à la presse, le Conseil des diffuseurs de presse est monté sur le ring pour catapulter dans les cordes Mbagnick Ndiaye.
Le 14 décembre, c’est le Synpics, qui vole au secours du ministre, roué de coups par les patrons de presse. Alors, désireux d’éclairer la lanterne de l’opinion sur ce que le fameux Rapport de la Cour des Comptes a dit au sujet de l’aide à la presse de la controverse, Actusen.com a tout mis en oeuvre, pour mettre la main sur le Rapport en question.
A la lecture du document, on se demande bien si le ministre de la Culture et de la Communication, Mbagnick Ndiaye, n’a pas plus parlé avec le coeur, devant les députés. Car, à défaut des critères d’éligibilité des médias, la Cour des Comptes préconise que le Ministère engage une réflexion dans ce sens. Ni plus, ni moins !
La controverse ne faiblit pas, depuis que le ministre de la Culture et de la Communication a fait une sortie, à l’Assemblée nationale, indiquant qu’il ne procéderait pas, cette année, à la répartition de l’aide à la presse. Quelques heures plus tard, les patrons de presse, regroupés au sein du Cdeps sont montés au front, pour carrément rouer de coups Mbagnick Ndiaye.
Ce 14 décembre, c’est au tour du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) de s’inviter dans la danse, en prenant la défense du ministre. Et d’exiger que les patrons de presse réunissent toutes les conditions, aux fins de prétendre à cette aide à la presse.
Dans ce dialogue de sourds, Actusen.com, désireux de permettre à l’opinion de savoir où se trouve la vérité, a mis la main sur le fameux Rapport de la Cour des Comptes.
Le montant de la subvention est de 500 millions de F Cfa par an, soit au total 1,5 milliard francs (les bénéficiaires ont perçu enre 500 mille et 26,5 millions F Cfa)
Le Rapport de la Cour des Comptes, survolé par Actusen.com, a contrôlé la gestion de la subvention octroyée par l’Etat du Sénégal à la presse, au titre des années 2008 à 2010. Le contrôle a pour objectifs de vérifier le respect des critères d’éligibilité et de modulation et d’apprécier l’efficacité et l’efficience de l’aide.
Pour la période soumise au contrôle, le montant de la subvention est de 500 millions de F Cfa par an, soit au total 1,5 milliard francs. Les différents ministres en charge de la Communication, Abdou Aziz Sow et Moustapha Guirassy ont administré la subvention à la presse, respectivement, pour la gestion 2008 et celles de 2009 et 2010.
Le contrôle a permis de déceler plusieurs dysfonctionnements et anomalies regroupés en quatre points, dont des critères d’attribution non respectés ; un encadrement juridique lacunaire et une gestion budgétaire laxiste.
Critères d’éligibilité et de la modulation non appliqués
Concernant les Critères d’éligibilité et de modulation non appliqués pour l’aide aux organes de presse, il ressort de l’examen des arrêtés ministériels portant octroi de subvention aux organes de presse que les bénéficiaires de l’aide et les montants alloués se présentent ainsi qu’il suit : cinquante-huit (58) organes de presse ont reçu des montants compris entre 500 000 et 26,5 millions de FCfa en 2008 ; cinquante-neuf (59) organes de presse ont bénéficié d’une subvention comprise entre 500 000 et 23 millions de FCfa en 2009 et soixante (60) organes de presse ont reçu un montant compris entre 500 000 et 23 millions de FCFA en 2010.
Le Rapport dit que, de 2008 à 2010, l’aide a été distribuée par les ministres concernés, en méconnaissance des critères prévus par les dispositions de l’article 59 de la loi n° 96-04 du 22 février 1996
La Cour a constaté que la subvention a été distribuée aux organes de presse par le Ministère en charge de la Communication, en méconnaissance des critères prévus par les dispositions de l’article 59 de la loi n° 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de communication sociale et aux professions de journaliste et technicien. En effet, elle a noté que la plupart des responsables des organes de presse n’ont pas déposé de dossiers tendant à démontrer qu’ils remplissaient les critères édictés.
Ce que le Rapport dit pour chaque type de média
Pour la presse écrite, le Rapport estime qu’il faut tirer au moins 2000 exemplaires et employer un minimum de cinq (5) professionnels de la communication sociale à plein temps ; consacrer au moins 75% de sa surface à l’information politique, économique, sociale, culturelle ou sportive et tirer au moins un tiers de ses ressources de la vente de ses publications, des abonnements et des souscriptions.
C’est plutôt au Ministère de la Communication à qui la Cour des comptes reproche d’avoir, entre 2008 et 2010, effectué des paiements sans pour autant…
Pour les organes audio-visuels, la Cour des Comptes dit qu’il faut être diffusé sur au moins l’étendue d’une région administrative ; employer au moins cinq (5) professionnels de la communication sociale et respecter les dispositions de son cahier des charges.
Il saute aux yeux que la plupart des médias respectent ces critères. De plus, c’est plutôt au Ministère de la Communication à qui la Cour des comptes reproche d’avoir effectué des paiements sans pour autant s’assurer que les organes bénéficiaires respectaient les critères édictés.
La même situation est relevée, en ce qui concerne les modalités de modulation prévues pour tenir compte des charges réelles des organes de presse. En effet, la loi n° 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de communication sociale et aux professions de journaliste et technicien prévoit de moduler la subvention apportée à une entreprise de communication, en fonction de la régularité du titre, du nombre de professionnels qui y travaillent, du tirage, de la diffusion et des charges sociales.
Il est, cependant, constaté qu’aucun dossier permettant de vérifier le respect de ces critères aux fins de moduler la subvention n’a été déposé au Ministère. Ainsi, en 2008, on peut s’interroger sur l’allocation du même montant de 18 millions de F Cfa au Groupe Sud Communication et au quotidien Le Témoin. De même, en 2009, le Groupe Avenir communication et le journal Le Messager (proche à l’époque du Palais) ont reçu chacun 10 millions de F Cfa.
Le ministre a dû parler avec le coeur, mais voici ce que la Cour des Comptes lui demande au respect des critères d’éligibilité
On se demande pourquoi le ministre Mbagnick Ndiaye s’est montré ô combien catégorique à l’Assemblée nationale. Allant jusqu’à dire, de façon péremptoire, qu’il ne distribuerait pas l’aide à la presse. La question est légitime, si l’on sait que, dans son Rapport, la Cour des Comptes a plutôt demandé à ses Services de veiller au respect des critères d’éligibilité et de modulation applicables à la répartition de la subvention.
Poursuivant, le Rapport ajoute que, le cas échéant, il urge d’engager une réflexion sur ces critères. Ni plus, ni moins ! En d’autres termes, les vérificateurs n’ont pas poussé le bouchon aussi loin que le ministre, pour demander que l’aide ne soit pas bloquée. « Le ministre Mbagnick a parlé avec le coeur et ne veut pas que, dans l’avenir, la Cour des Comptes l’épingle comme celui-ci a eu à épingler ceux qui l’ont précédé à son poste, entre 2008 et 2010 », commente un proche du dossier.
Les aveux de l’ancien ministre Abdou Aziz Sow
Pour ce qui est des décisions de répartition de la subvention, la Cour des Comptes signale qu’elles sont dépourvues de mentions prévues par la loi. L’article 61 de la loi n° 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de communication sociale et aux professions de journaliste et technicien dispose : «le ministre chargé de la Communication publie, chaque année, la répartition des fonds aux organes de presse, les noms de leurs Directeurs de publication, ainsi que la composition de l’équipe rédactionnelle».
En violation de ces dispositions, les décisions d’octroi prises par les ministres concernés (tiens, tiens !) ne mentionnent pas les noms des Directeurs de publication et la composition des équipes rédactionnelles. L’ancien ministre en charge de la Communication, Abdoul Aziz Sow, admet que, depuis la promulgation de la loi n° 96-04 du 22 février 1996, aucune des décisions d’octroi de la subvention à la presse n’a contenu les informations telles que prescrites par la loi.
L’absence de ces mentions est de nature à obérer la transparence et l’efficacité requises dans la gestion de la subvention, dès l’instant où les responsables des entités bénéficiaires ne sont pas clairement identifiés. En outre, cette pratique constitue une violation du principe de la hiérarchie des normes.
Aussi, la Cour demande au ministre en charge de la Communication de mentionner sur les décisions d’octroi de la subvention à la presse les noms des Directeurs de publication et la composition des équipes rédactionnelles des organes bénéficiaires.
Pour la publication des décisions, l’ex-ministre « mouille » le Secrétariat général du Gouvernement d’alors…
C’est une tautologie de dire que les décisions de répartition de la subvention à la presse ne sont pas notifiées aux responsables des organes de presse bénéficiaires. Seulement, l’ancien ministre en charge de la Communication refuse qu’on lui collât ce délit. En effet, à son avis, la publication de ces décisions incombe au Secrétariat général du Gouvernement, qui doit procéder, à leur insertion, au Journal officiel de la République du Sénégal (JORS).
…toutefois, les vérificateurs ne l’entendent pas de cette oreille
La Cour des Comptes n’est pas sur la même longueur d’onde que l’ancien ministre sous le défunt régime de Wade, quand il s’agit de procéder à la publication des décisions d’octroi de l’aide à la presse. Car, selon les vérificateurs, la publication au JORS, conformément à l’article 2 de la loi n° 70-14 du 6 février 1970 fixant les règles d’applicabilité des lois et actes administratifs à caractère réglementaire et à caractère individuel, ne concerne que les lois et les actes administratifs à caractère réglementaire.
Les décisions d’octroi de la subvention à la presse constituent des actes administratifs à caractère individuel. L’acte réglementaire est général et impersonnel et vise ou concerne des catégories envisagées abstraitement et dans leur ensemble à la différence de l’acte administratif individuel, qui s’adresse à des destinataires identifiables.
La Cour demande au ministre en charge de la Communication de procéder, chaque année, à la publication de la décision de répartition des fonds aux organes de presse. Pour rappel, le travail de la Cour des comptes ne concerne pas la gestion de l’actuel ministre Mbagnick Ndiaye. Mais plutôt celles des ministres qui ont tenu les manettes du Ministère de la Culture et de la Communication, entre 2008 et 2010.
Daouda THIAM, Actusen.com
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