Alors que son mandat s’achève et que la passation de pouvoir aura lieu dimanche 14 mai, François Hollande a décidé de voir en Emmanuel Macron un successeur dans la continuité de son action. Le président sortant n’aura pas pu se représenter, du jamais vu, après un mandat unique et cinq ans de malentendus.
Il s’était annoncé « président normal » et avait les faveurs de l’opinion, jusqu’aux tout petits, quelques semaines à peine avant ce tout premier été. Nous sommes alors en juin 2012 dans une école maternelle du département de l’Oise. Un enfant lui lâche « t’es beau », avant de l’embrasser, suivi de tous les autres enfants. « J’ai de la chance, s’amuse François Hollande, j’ai plein de bisous ! Je suis le président des bisous. » Et d’ajouter dans un rire : « Si on me fait autant de bisous dans le quinquennat ça ira, mais ce n’est pas sûr. »
En effet, ça se passe mal très vite, dès l’été : d’un côté, les images d’un président en vacances en short avec sa compagne, de l’autre la hausse du chômage. Dès la rentrée, la popularité de François Hollande chute brutalement. Il y a ce que François Hollande avait annoncé, sa volonté d’être un président normal et qui n’a pas été compris, et puis il y a ce qu’il n’avait pas annoncé, sa politique de l’offre qui a encore moins été comprise.
Cette politique, François Hollande la formalise la première fois le 31 décembre 2014, lorsqu’il annonce le pacte de responsabilité lors de ses vœux aux Français. La presse parle de tournant social-libéral, ses électeurs ne comprennent pas, sa majorité non plus : les rangs des frondeurs grossissent. Et c’est un président déjà affaibli, jamais vraiment entré dans le costume présidentiel pour les Français, qui affronte les attentats.
Un président face au terrorisme
2015, année terrible. Attentats de janvier, puis du 13 novembre. A minuit, Paris est toujours sous le choc, des milliers de personnes sont encore bloquées dans les restaurants et cafés, quand François Hollande prend la parole. « Des attaques terroristes d’une ampleur sans précédent en cours dans l’agglomération parisienne, des dizaines de tués, beaucoup de blessés, c’est une horreur […] c’est une terrible épreuve qui une nouvelle fois nous assaille. »
Le pays aurait pu vaciller, « c’était notre grande inquiétude », racontent des ministres. Vaciller quelques instants, c’est ce qui arrive au chef de l’Etat. Une petite main de l’Elysée a fait cette confidence : juste avant cette intervention solennelle, les maquilleuses du président ont bien du mal à faire leur travail tant François Hollande tremble et est au bord des larmes. Cette nuit–là, Fabrice Lhomme et Gérard Davet le racontent dans leur livre Un président ne devrait pas dire ça. François hollande a vu les rares vidéos de terroristes vidant leurs chargeurs avec ces cris : « Tout ça, c’est la faute de Hollande. »
La déchéance de nationalité, faute politique
C’est par ce choc presque psychologique que les proches du président expliquent cette faute politique : proposer la déchéance de nationalité et fracturer sa majorité. La déchéance de nationalité, le seul regret officiel de François Hollande quand il renonce. Mais même s’il est profondément marqué par le terrorisme, la rationalité reprend le dessus. Et surtout la passion de sa vie : la politique.
Ce mercredi 10 mai, c’était sa dernière cérémonie officielle dans les jardins ensoleillés du Luxembourg. Dans une interview à la chaîne Public Sénat, il confie : « J’en ai terminé avec les cérémonies comme président de la République, mais la politique, tout citoyen, quel que soit sa place, son rôle, sa position, [ndlr] la politique doit l’avoir à l’esprit. La politique, c’est la vie de la France, les choix essentiels du pays, nul ne peut se mettre à l’écart, il faut se poser cette même question qui revient sans cesse : « Comment puis-je être utile à mon pays ? » C’est à cette question que je vais répondre maintenant, en réfléchissant, en travaillant, en produisant, en intervenant quand ça me paraîtra utile. »
Premiers petits cailloux d’un bientôt ex-président. Ces derniers jours, dans son entourage, on raconte : « On a un jeu entre nous : savoir dans combien de temps il va craquer après la passation de pouvoir avant de refaire de la politique. Est-ce que ça se compte en heures, en jours ou en semaines ? » Perpétuel candidat depuis 35 ans, François Hollande aimerait tant lever ces cinq ans de malentendus. Le bientôt ex-président, qui vit et respire par et pour la politique, ne le dit pas clairement, mais y pense très fort : pour lui, rien n’est terminé.
Rfi