La situation reste tendue dans la capitale du Gabon. Le ministre gabonais de l’Intérieur a fait état jeudi de 800 à 1 100 arrestations depuis l’annonce de la réélection d’Ali Bongo mercredi en fin de journée par la commission électorale. L’annonce de la nouvelle victoire du président sortant a déclenché mercredi une nuit d’émeutes meurtrières et de pillages à Libreville la capitale, et dans d’autres villes du pays, faisant au moins trois morts.
« Il faut craindre le pire »
Le centre de la capitale était quadrillé jeudi par les forces de l’ordre, notamment aux abords de l’Assemblée nationale, incendiée mercredi, et du QG de Jean Ping, pris d’assaut dans la nuit. Les grands axes étaient dévastés, bordés de bâtiments incendiés et jonchés de restes de barricades.
Pris à partie par la communauté internationale et l’opposition, le président gabonais a affiché sa fermeté, rejetant la responsabilité des violences qui ont fait trois morts après l’annonce de sa réélection sur des « groupuscules formés à la destruction », le gouvernement annonçant un millier d’interpellations. « La démocratie s’accorde mal des succès autoproclamés, des groupuscules formés à la destruction. La démocratie s’accommode mal de la prise d’assaut d’un parlement et de la télévision nationale », a déclaré Ali Bongo Ondimba lors d’une brève allocution au palais présidentiel.
« Les élections ont rendu leur verdict (…) Qui a perdu ? Un groupuscule dont le seul projet était de prendre le pouvoir pour se servir du Gabon et non servir le Gabon », a encore accusé le fils et successeur d’Omar Bongo, en visant Jean Ping, son principal rival à la présidentielle, qui était parvenu à rallier d’autres candidats importants de l’opposition.
« Il faut craindre le pire, explique à France 24 Francis Kpatindé, maître de conférences à Sciences Po Paris. Parce qu’une bonne partie de la population est composée de jeunes, près de 70 % de la population a moins de 25 ans. Or ces jeunes n’ont pas profité de la manne pétrolière et des autres minerais, ce sont des laissés pour compte de la prospérité gabonaise d’antan. Le pays est donc une poudrière, il faut faire attention au désir de ces jeunes qui ont souhaité, pour la plupart d’entre eux, le changement. »
« Totale insécurité »
Les centres névralgiques du pouvoir étaient sécurisés par un imposant dispositif. Les communications Internet ne fonctionnaient pas depuis mercredi soir. Entre 600 et 800 interpellations ont eu lieu à Libreville et 200 à 300 dans le reste du pays, a précisé Pacome Moubelet Boubeya, le ministre gabonais de l’Intérieur lors d’une conférence de presse. Certains manifestants ont utilisé des grenades et des fusils d’assaut AK-47 ont été saisis, a-t-il ajouté.
Retenus depuis 6h au quartier général de Jean Ping, une vingtaine de leaders de l’opposition et de la société civile gabonaise restaient « séquestrés » dans les locaux jeudi soir, selon Zacharie Myboto, ancien ministre d’Omar Bongo, qui se sentait « en totale insécurité ».
« On nous a dit qu’on devait être transférés au siège de la gendarmerie, mais nous n’avons toujours pas de nouvelles », a-t-il raconté à l’AFP, en précisant que 25 personnes étaient retenues avec lui dans la cour du QG, dont l’ancien vice-président de la République Didjob Ding Duvungui.
Ali Bongo sous pression internationale
Le régime d’Ali Bongo se trouvait jeudi sous la pression de la communauté internationale qui appelle à un arrêt des violences et à un nouveau comptage des votes du scrutin de samedi.
Comme l’opposition, l’Union européenne, la France et les États-Unis ont demandé la publication des résultats de tous les bureaux de vote du Gabon (environ 2 500). La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a évoqué jeudi une crise profonde » et a appelé les différentes parties « au calme ».
Le porte-parole du département d’État américain, John Kirby, a lui aussi appelé au calme, déplorant « l’escalade de la violence » dans le pays. Par la voix de son président François Hollande, la France, ancienne puissance coloniale, a appelé « toutes les parties à la retenue et à l’apaisement, ce qui suppose un processus garantissant la transparence sur les résultats du scrutin ».
Disant entendre « la frustration du peuple gabonais, et des jeunes en particulier », le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon a lui aussi appelé à une « vérification transparente » des résultats. Le Conseil de sécurité de l’ONU, réunit à huis clos, à la demande de la France jeudi après-midi, a exprimé « sa profonde préoccupation » et a souligné l' »importance d’un processus (électoral) transparent et impartial ».
Actusen.com avec France24.com
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