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Général Lamine Cissé, de 1961 à l’Alternance de 2000 : Un Homme Inscrit Au Chapitre Des Inédits

Il y a environ vingt ans, les Sénégalais découvraient, avec joie, le visage rayonnant de cet officier général qui avait été l’un des principaux acteurs de la première alternance politique. Mais, si c’était une surprise pour bon nombre de compatriotes, Lamine Cissé avait, déjà, été l’artisan de plusieurs réalisations consolidantes au Sénégal. Il a été l’homme du renouveau de la Police après la radiation survenue en 1987, avant de présider aux destinées des forces armées.

L’un des premiers Saint-Cyriens du Sénégal vient de tirer sa révérence. Natif de Sokone, Lamine Cissé a rejoint, en 1961, l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr Coetquidam de France, d’où il sortira en 1963. Jeune officier, il a eu la chance de flirter avec l’Administration en devenant l’Aide de Camp du ministre des Forces Armées de l’époque, Amadou Karim Gaye, qui lui inculquera le virus de la haute Administration.  C’est ainsi que le brillant officier ne se suffira pas au diplôme de Saint-Cyrien et fréquentera l’Université de la Défense Nationale de Washington et le Centre des Hautes Etudes en Défense Nationale de Paris. Pour couronner le tout, il fera ses cours d’Etat-major à Fort Leavenworth College de Kansas, devenant du coup le premier sénégalais à y être breveté.

Dans l’ombre, l’ancien ministre de l’Intérieur sous Abdou Diouf effectuera l’une des plus belles carrières de l’Armée sénégalaise. D’ailleurs, ce qui lui vaudra d’être choisi par le président Abdou Diouf pour présider aux destinées de la Direction de la Sécurité Publique de la Police, alors que ce Corps venait d’être radié pour cause de grève illégale. Face à une réintégration des policiers qui avaient le moral dans les chaussettes, l’ancien président avait opté pour une figure forte, afin de booster la Police.

Entre 1987 et 1991, il est Directeur de la sécurité publique au ministère de l’Intérieur, au plus fort de la fameuse grève des policiers (1987), de la présidentielle mouvementée de 1988 et de la crise entre la Mauritanie et le Sénégal

Au plus fort de la radiation des policiers qui ont été remplacés au pied par les gendarmes, Abdou Diouf avait misé sur Lamine Cissé, Colonel à l’époque et directeur de la prestigieuse Ecole polytechnique de Thiès, pour assurer les premiers pas des policiers réintégrés. Malgré le fait que les gendarmes assuraient «l’intérim» des policiers, le Pouvoir craignait fort avec l’élection présidentielle de 1988.

Au pied levé, le président Abdou Diouf le nomma au poste de directeur de la Sécurité publique. Sa gestion de la réintégration des policiers, le réarmement moral qui aura été son sacerdoce lui permirent d’obtenir des policiers une gestion rigoureuse de la situation postélectorale de 1988, qui avait débouché sur une contestation de la réélection de Diouf et à l’instauration d’un couvre-feu, à la suite de l’emprisonnement des leaders de l’opposition.

‘’Au début du conflit Sénégalo-mauritanien, sa femme est décédée. Mais pour vous dire combien ce monsieur avait le sens élevé de l’Etat, il a rejoint les hommes sur le terrain, 24 heures après l’enterrement de sa douce moitie. Ce geste avait fini de faire aimer ce militaire qui était devenu policier de cœur.

A peine la crise postélectorale «oubliée», qu’une autre situation allait démontrer toute la maestria du Colonel Lamine Cissé en matière de maintien de l’ordre. Bien armé de l’expérience qu’il a eue en dirigeant le Contingent des observateurs pour la supervision du cessez-le-feu entre le Front de Libération Moro et le Gouvernement philippin, le directeur de la Sécurité publique d’alors réussira à circonscrire le danger de la crise entre Nouakchott et Dakar.

«Durant toute la durée de cette crise, Lamine Cissé avait réussi à gérer de main de maître la situation surtout à Dakar, évitant le pire après l’annonce de la mort de Sénégalais à Nouakchott», nous confie un de ses plus proches collaborateurs, à l’époque.

Ce dernier précisera : «pourtant, sa femme est décédée au début de la crise entre les deux pays et pour vous dire combien ce Monsieur avait le sens élevé de l’Etat, il a rejoint les hommes sur le terrain, 24 heures après l’enterrement de cette dernière. Ce geste avait fini de faire aimer ce militaire qui était devenu policier de cœur».

Après son passage au ministère de l’Intérieur, les portes du sacre s’ouvriront à lui, il deviendra tour à tour, Inspecteur Général des Forces Armées, Chef d’Etat-Major Général des Armées et Ministre de l’Intérieur.

Discrètement, le Général Lamine Cissé a joué sa partition sur le retour de la paix en Casamance, il a aussi convaincu le Général Ansoumana Mané de déposer les armes sans compter les autres théâtres d’opération. Son succès le plus médiatisé est sans conteste la réussite du processus électoral et la première alternance en 2000

Alors que le Mouvement des Forces démocratiques de Casamance était soutenu par l’Armée Bissau-guinéenne, sans gêne, le Général Lamine Cissé avait demandé au président Abdou Diouf la permission de discuter avec les chefs d’état-major des pays voisins impliqués dans la crise casamançaise.

Là où les autres négociateurs ont échoué, le Général d’Armée Lamine Cissé réussira simplement parce qu’il avait la chance d’avoir grandi dans le même patelin que le Général Ansoumana Mané, chef d’Etat-major de l’Armée Bissau guinéenne. Dans l’une des rares confidences qu’il fera, « Ansoumana Mané et moi sommes nés à Sokone et avons joué ensemble avant que sa famille ne migre vers Banjul. Quand nous nous parlons, nous utilisons notre dialecte (Socé) et nous nous comprenons bien». C’est ainsi qu’il réussira à obtenir des concessions de l’Armée Bissau guinéenne sur son soutien au MFDC.

En voyage en Arabie Saoudite dans la perspective de la préparation de l’élection présidentielle de 2000, ce que le Général Lamine Cissé avait fait de chacune des mallettes bourrées de pétrodollars offertes aux membres de la délégation sénégalaise par le Ministre saoudien de l’Intérieur

L’autre aspect que les Sénégalais ont gardé de l’homme est la réussite du processus électoral de 2000 qui se terminera par la première alternance démocratique du Sénégal. Il sera le premier militaire sénégalais à occuper le poste stratégique de ministre de l’Intérieur en 1997. Sous son magistère, il organisera les Législatives de Mai 1998 et l’élection présidentielle de février 2000, à la suite de laquelle l’alternance politique est intervenue au Sénégal, sans effusion de sang.

Et pourtant, l’opposition dirigée par Me Abdoulaye Wade l’avait accusé de tous les péchés d’Israël. Comble de l’ironie, «Abdoulaye Wade, qui rejette les cartes d’électeur, est le premier président du Sénégal issu d’une alternance démocratique en 2000, avait, à l’époque, contesté le fichier électoral et rejeté les cartes d’électeurs fabriquées en Israël par le Pouvoir socialiste d’alors dirigé par Abdou Diouf», nous confie ce proche du Général.

«Pour la clarté de l’élection, le Général Lamine Cissé avait demandé et obtenu du président Diouf d’avoir les coudées franches, ce qui d’ailleurs a été à l’origine de son déplacement à Tel Aviv pour la confection de cartes d’électeurs sécurisées», nous déclare l’un de ses plus proches collaborateurs étant directeur de la Sécurité publique et ministre de l’Intérieur, plus tard.

Parlant de la moralité de l’homme qui vient de nous quitter, «nous étions en voyage en Arabie Saoudite dans de la préparation de l’élection présidentielle de 2000, le Général nous a tous émus quand le protocole du Ministre saoudien de l’Intérieur avait tenu à offrir à chaque membre de la délégation une mallette, mais Lamine Cissé était entré dans une colère noire, en apprenant la nouvelle et a exigé de tous de rendre le don, au motif que le Sénégal allait vers une élection cruciale et qu’il était hors de question de donner du sucre à moudre aux politiciens qui allaient s’emparer du sujet pour discréditer l’organisation des élection».

Pape Sané (SourceA)

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