Il n’y a pas à chercher midi à quatorze heures : l’ancien ministre de l’Energie et du Développement des Energies renouvelables est un homme multiple. La raison ? Après avoir défendu, vigoureusement, en août 2016, que «l’État n’a rien à cacher et le régime en place n’a violé aucune disposition réglementaire et législative dans la signature des contrats pétroliers», Thierno Alassane Sall a adopté un autre tempo, le 30 janvier dernier, lors de la cérémonie de dédicace du livre d’Ousmane Sonko, leader de Pastef.
Non seulement, en tressant, à n’en plus finir, des lauriers à l’ancien Inspecteur des Impôts et Domaines pour son livre critique contre la gestion des ressources pétrolières du Sénégal. Mais aussi, en accablant de ses sarcasmes Macky Sall et son régime, concernant les contrats pétroliers signés par l’Etat avec des Sociétés pétrolières.
Bref, les deux postures incarnées par le leader du Mouvement «La République des Valeurs» sont si contradictoires, en l’espace de deux ans, que l’on a, forcément, besoin d’un interprète pour comprendre l’ancien Coordonnateur des cadres républicains (Ccr). SourceA vous amène en voyage dans le passé-présent de l’ancien responsable de l’Alliance pour la République (Apr), Parti au Pouvoir à Thiès, devenu opposant.
A force de gratter le vernis qui recouvre la personnalité de Thierno Alassane Sall, l’on y débusque que le chef de file du Mouvement «La République des valeurs» est un homme double. Côté pilé, il est capable, en 2016, de chantonner sur un air mélodieux et séraphique la gestion orthodoxe des ressources minières par le régime en place. Et, côté face, l’ancien responsable de l’Alliance pour la République a la facilité déconcertante de soutenir, deux ans plus tard, tout le contraire de ce qu’il chérissait, en termes de gestion vertueuse des ressources naturelles.
Pour convaincre les plus sceptiques quant au fait que l’ancien ministre est un homme multiple, à-même de tourner à droite, lorsqu’il a fini de clignoter à gauche, SourceA a décidé de replonger ses lecteurs dans les certitudes de Thierno Alassane Sall, en 2016, quand il était encore aux affaires. Et, qui tranchent, sensiblement, d’avec ses certitudes exprimées à la cérémonie de dédicace du livre de l’ancien Inspecteur des Impôts et Domaines, Ousmane Sonko.
Thierno Alassane Sall : «le livre «pétrole et gaz du Sénégal, chronique d’une spoliation» est non seulement un travail fouillé. Mais aussi, il fait partie de ces milliers d’autres préoccupations du système pétrolier»
Face aux journalistes, mardi dernier, l’ancien ministre de l’Energie déclarait, de façon péremptoire, que le livre «pétrole et gaz du Sénégal, chronique d’une spoliation» est non seulement un travail fouillé. Mais aussi, il fait partie de ces milliers d’autres préoccupations du système pétrolier.
Mieux ou pire, c’est selon, de l’avis de Thierno Alassane Sall, même si Sonko a dit une bonne partie, il reste encore tellement à dire sur la gestion de nos ressources pétrolières. Dans la foulée, Thierno Alassane Sall d’en rajouter cette couche : «je n’avais jamais rencontré, ni vu Ousmane Sonko, durant tout le temps que j’étais ministre. Ni directement, ni indirectement. Ousmane Sonko, en tant qu’Inspecteur des Impôts, était promu à une belle carrière tranquille et il pouvait faire beaucoup et bénéficier au maximum du système en suivant ses intérêts du moment.
Thierno Alassane Sall : «le régime du président Macky Sall s’est lancé dans un empressement incompréhensible et douteux dans la délivrance des contrats pétroliers»
Ousmane Sonko s’est engagé dans la vie politique avec un courage, une détermination, une lucidité qui n’entame en rien son objectivité. Le courage est une denrée rare, mais le courage allié à l’intelligence, à la compétence donne un cocktail qu’on ne voit pas tous les jours par ces temps qui courent». Poursuivant, il a fait noter, toujours lors de la cérémonie de dédicace dudit livre, que, concernant la gestion du pétrole et du gaz, le régime du président Macky Sall s’est lancé dans un empressement incompréhensible et douteux dans la délivrance des contrats pétroliers.
«Il faut oser le dire, le pétrole est géré, de façon clanique, par un petit groupuscule, qui fait tout pour maintenir les citoyens dans la désinformation»
Selon lui, «il est d’un devoir citoyen de poser le débat sur “la question du rôle et de l’implication du frère du Chef de l’Etat, Aliou Sall, dans le pétrole sénégalais». Avant d’enchaîner en ces termes : «ils (Ndlr : les tenants du Pouvoir) tentent, par tous les moyens, d’éluder cette question. Et nous devons en remercier Ousmane Sonko d’avoir posé ce débat, qui concerne tout un peuple : le Sénégal. Car, il faut oser le dire, le pétrole est géré, de façon clanique, par un petit groupuscule, qui fait tout pour maintenir les citoyens dans la désinformation».
Selon l’ancien ministre de l’Energie, tel que consacré par la Constitution du Sénégal, “ces ressources appartiennent aux Sénégalais et ils ont droit à la transparence dans leurs gestions. Cette transparence revient à informer le peuple des conditions dans lesquelles tous les contrats pétroliers ont été noués, qui est bénéficiaire de cette convention et quels sont les avantages qu’en tire notre pays”.
Diantre, qu’est-ce qui a dû changer, entre août 2016 et janvier 2018, pour que l’ex-Coordonnateur de la Ccr soutienne tout ce qu’il démentait avec énergie ?
Toutefois, le 28 août 2016, l’ancien ministre de l’Énergie et du Développement des Energies renouvelables, Thierno Alassane Sall, avait, au détour de l’émission Objection sur Sud Fm, sévèrement, recadre le débat autour des contrats pétroliers et miniers supposés avoir éclaboussé la famille présidentielle. Ce jour-là, l’ancien patron de la Convergence des cadres républicains (Ccr) démontait, pièce par pièce, toutes les accusations contre les tenants du pouvoir, en particulier celles portées contre Aliou Sall, maire de Guédiawaye et frère du Président de la République.
Le 28 août 2016, le leader du Mouvement «La République des Valeurs» sonnait la fin de la récréation et demandait à tout le monde de circuler, car il n’y avait rien à ergoter sur les contrats pétroliers
Ce n’est pas tout ! Car, ce 28 août 2016, celui qui tenait encore les manettes du Ministère de l’Energie et du Développement des Energies renouvelables ne s’était pas arrêté là. La preuve, sur une tonalité sèche, il avait non seulement sommé les uns et les autres à plus de retenue et à la fin de la controverse autour des contrats pétroliers et miniers qui met en première ligne des membres de la famille du président de la République. Mais aussi, il avait totalement démenti toutes les accusations et interpellations de l’opposition et une partie de la société civile sur cette question de contrats pétroliers et miniers.
«L’État n’a rien à cacher et le régime en place n’a violé aucune disposition réglementaire et législative dans la signature de ces dits contrats»
Thierno Alassane Sall, qui s’était révélé très expansif, lors de cette émission de Sud Fm, se voulait, ainsi, formel : «l’État n’a rien à cacher et le régime en place n’a violé aucune disposition réglementaire et législative dans la signature de ces dits contrats». D’ailleurs, très certain de lui, il avait mis au défi tous les contradicteurs de Macky Sall. Pour ce faire, le patron du Mouvement «La République des Valeurs» invitait tous Sénégalais à aller vérifier «tous les contrats signés par le président de la République et le Premier ministre» dans le site du journal officiel du Sénégal.
«Il n’y a, absolument, rien qui soit de nature mystique, mystérieux ou objet de spéculation»
Poussant le bouchon plus loin, Thierno Alassane Sall de marteler, avec force : «il n’y a, absolument, rien qui soit de nature mystique, mystérieux ou objet de spéculation. Aucun contrat, aucun permis ne peut entrer en vigueur, sans qu’il ne soit adopté et signé à la fois par le Président de la République et le Premier ministre et publié dans le journal officiel ».
Quid de la transaction effectuée par Petro Tim qui a cédé 60% de ses actions à Kosmos Energy peu avant la découverte du pétrole au large du nord du Sénégal, à l’origine de toute cette controverse du fait de la présence du nom d’Aliou Sall dans le processus ? Là aussi, Thierno Alassane Sall n’avait pas besoin, le 28 août 2016, au cours de l’émission Objection sur Sud Fm, d’aller au ciel pour y chercher l’explication. En effet, il affirmait : « si Petro Tim savait, de manière certaine, qu’il y avait du gaz d’une quantité importante à cet endroit, jamais, à mon avis, il n’aurait cédé à Kosmos 60%».
«La fable, qui constitue à croire que des gens, particulièrement Petro Tim, étaient au courant qu’il y avait du gaz ou du pétrole dans la zone et qu’ils se sont arrangés pour aller vendre, c’est un canular parce que la société qui gagne dans cette affaire, c’est Kosmos et non Petro Tim»
D’ailleurs, selon lui, la vérité est plus prosaïque. Parce que, soulignait-il, «au moment où Petro Tim cédait 60% de ces parts à Kosmos, il n’avait aucune idée du potentiel, mais particulièrement de la découverte qui allait venir deux ans après. Sinon, il aurait mobilisé des ressources par ses banques pour financer cette découverte ».
A l’époque, pour canarder Ousmane Sonko, sans le citer nommément, Thierno Alassane Sall lâchait : «la fable qui constitue à croire que des gens, particulièrement Petro Tim, étaient au courant qu’il y avait du gaz ou du pétrole dans la zone et qu’ils se sont arrangés pour aller vendre, c’est un canular parce que la société qui gagne dans cette affaire, c’est Kosmos et non Petro Tim ».
Loin de s’en tenir là, l’ancien ministre des Infrastructures et des transports n’a pas manqué d’égratigner son ex-patron dans le Gouvernement. « Quand Abdoul Mbaye dit qu’il ne savait pas que le nom d’Aliou Sall était dans le processus (représentant de Petro Tim au Sénégal), cela pose problème dans la mesure où tous les documents passaient par lui, en sa qualité de Premier ministre avant d’atterrir sur la table du président de la République ».
Le ministre de l’énergie a également démenti formellement l’information relative aux 22 milliards versés à l’État par la société Tender Oil qui opère dans les blocs on shore Saloum et Senegal On shore Sud.
« Tender Oil n’a jamais donné 22 milliards à l’État du Sénégal », a-t-il affirmé. Selon lui, les agitateurs se sont basés sur des pénalités prévues par la loi en cas de non respect des obligations de travaux sur les blocs on shore Saloum et Senegal On shore Sud pour tenir ces accusations.
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