L’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) tiendra son 14e sommet à Banjul à la fin de l’année 2019. Cette rencontre en Gambie entre les Chefs d’Etats des pays à majorité musulmans aura la particularité d’être la première depuis l’éclatement d’une crise au sein du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Cette organisation sous régionale créée en 1981 et qui regroupe les six monarchies pétrolières arabes (le Sultanat d’Oman, l’Emirat du Koweït, l’Emirat du Qatar, le Royaume d’Arabie Saoudite, le Royaume de Bahreïn et la fédération des Emirats Arabes Unis) traverse,depuis plus d’un an,la pire crise interne de son histoire. Si Mascate et Koweït-City ont adopté une position de neutralité dans la crise qui oppose Riyad à Doha,Abou Dhabi et Manama se sont alliés à l’Arabie Saoudite contre le Qatar. Sur les 48 Etats d’Afrique Subsaharienne, le Sénégal est l’un des rares pays où tous lesEtats du Conseil de Coopération du Golfe ont une ambassade. Alors que cette crise perdure, la présence massive de ces Etatsau Sénégal avec le plus haut niveau de représentation diplomatique est un atout considérable pour Dakar afin d’amorcer un dialogue constructif entre les frères qui se sont brouillés. Sans vouloir affirmer que le Sénégal a croisé ses bras depuis la réaccréditation de son ambassadeur à Doha,je considère que la position plus ou moins discutable de Dakar lors du début de la crise ne peut justifier ce qui aujourd’hui paraît un désengagement progressif de notre diplomatie dans la gestion de ce dossier dont elle s’est déjà mouillée. En effet, notre posture actuelle laisse entrevoir une prise de distance avec notre tradition de conciliateur qui, naguère, faisait l’identité de notre politique étrangère. C’est la raison pour laquelle je demande au Président de la République de nommer un envoyé spécial pour la région du golfe dont la mission serait de faciliter l’entente entre les parties opposées dans la crise. Parmi les profils pour assurer cette mission de bons offices me vient à l’esprit celui de cinqpersonnes que je voudrais, par devoir d’équidistance et de partialité, énumérer leur nom selon l’ordre alphabétique. En vous assurant aussi que ma sélection est baséesur leurs capacitésà rapprocher les positions et non pas sur leurs colorations politiques au niveau national.
CisséPape Abdou. Administrateur civil principal doté d’une riche expérience diplomatique, cet ancien Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères a aussi étéAmbassadeur du Sénégal en Arabie Saoudite. Tout comme son ainé l’Ambassadeur El Hadji Moustapha Cissé, l’Ambassadeur Pape Abdou Cissé avait tissé des relations personnelles avec les membres les plus influents de la famille royale Saoudienne de l’époque notamment le fis du Roi Faisal Bin Abdulaziz Al Saoud, le Prince Turki puissant Directeur Général de l’Intelligence du Royaume, comprenez les services secrets. D’ailleurs, c’est à l’occasion d’une audience à Islamabad (Pakistan) entre le Prince TurkiAl Saoudet le Ministre des Affaires Etrangères accompagné de l’Ambassadeur Pape Abdou Cissé que le premier signifia à la délégation sénégalaise que Riyad pèsera de tout son poids au sein de Oumah Islamique pour que le sommet de l’OCI de 2008 revienne au Sénégal. Or le Prince Turki est aujourd’hui fréquemment consulté par le Prince Héritier Mohamed Ben Salmane surnommée MBS.
GadioCheikh Tidiane. L’ancien Premier Ministre Qatari Hamad Ben Jassim Al Thani surnomméeHBJvoyait en Cheikh Tidiane Gadio l’un des meilleurs alliés dans la redynamisation du partenariat entre les pays du Conseil de Coopération du Golfe et l’Afrique.Lors de leurpremière rencontre en 2001 au sommet de l’OCI à Doha, les deux hommes étaient en parfaite harmonie tant dans la vision commune d’une coopération Sud-Sud renforcée que celle d’un partenariat Afro-Arabe plus étroit. Ce qui a conduit en 2004 à la tenue de la 1ere session de commission mixte de coopération Sénégalo-Qatarie à Dakar co-présidée par Cheikh Tidiane Gadio et le Ministre d’Etat aux Affaires Etrangères Ahmad Bin Abdullah Bin Zaid Al Mahmoud. Or ce dernier, ancien ambassadeur du Qatar à Washington est considéré par les chancelleries occidentales comme l’une des personnalités les plus influentes de l’actuel appareil d’Etat du Qatar. D’ailleurs, il est l’un des rares dignitaires de l’ancien régime à être conservé par le nouvel Emir qui,dernièrement lui a confié le Majlis Al Shoura,institution assez équivalente de l’Assemblée Nationale au Sénégal.
NdiayeMouhamadou Bamba. Ancien directeur régional d’une ONG internationale saoudienne qui a des ramifications jusqu’à la famille royale, cet ancien Ministre des Affaires Religieuses est un fin connaisseur de la géopolitique du monde islamique.Ses analyses pointues sur les puissancesmusulmanesqui se disputent le leadership politique du monde islamique à savoirl’Arabie Saoudite, l’Iran et la Turquie ont fini par fairel’unanimité auprèsdes prospectivistes.
NiangMadické. Avocat international, l’ancien Ministre des Affaires Etrangères est un homme de dialogue qui a des liens solides avec le Procureur Aly Bin MohsenBin Fetais Al-Marri, un des hommes de confiance de l’Emir du Qatar.
Sy Cheikh Tidiane.Pour avoir servi en tant qu’ambassadeur du Sénégal successivementauprès de leurs Altesses Khalifa Ben Zayed Al Nahyane Président des Emirats Arabes Unis, Qabus Ibn Said Sultan d’Oman, Hamad Ben Khalifa Al Thani Emir du Qatar, puis auprès de Sa Majesté Salman Bin Abdou-Aziz Al Saoud Roi d’Arabie Saoudite, l’ambassadeur Cheikh Tidiane Symaîtrise parfaitement le caractère des dirigeants des pétromonarchies.La plupart des souverains lui ont décerné une distinction lors de la fin de son séjour en tant qu’accrédité du Sénégal.Décorations qui le lient à jamais à ces pays. Fait rare au Qatar, lors de l’audience d’adieude Cheikh Tidiane Sy, Son Altesse Cheikh Tamim Al Thani ne l’a pas reçu à son bureau officiel du palais ‘‘AmiriDiwan’’ comme il le fait d’habitude pour les officiels étrangers mais l’a reçudans sa résidence privée, là où il reçoit les intimes pour lui témoigner son satisfecit.De ces faits, on peut présumer que l’estime que les monarquesont observé à l’endroit de Cheikh Tidiane Sypeutpotentiellement lui permettre de restaurer la confiance entre les souverains.
J’en connais des pays qui, s’ils avaient des hommes aussi introduitsdans le golfe, userons de leursentregentspour trouver une issue heureuse à cette crise. Cependant, sachant que celle-ci ne s’estompera pas d’elle-même, j’encourage Dakar à s’investir d’avantage, au-delà de son communiqué du 21 août 2017,dans la réconciliation entre nos très chers partenaires du golfe.
Djily Mbaye FALL militant de la Coopération Islamique.
Directeur du think tank « Observatoire de la Coopération Sénégalo-Qatarie »
djilymbayefall@gmail.com