Ibrahima Aidara, directeur exécutif d’Open Society, Initiative for west africa, basé à Dakar, livre, dans cet entretien accordé à Actusen.sn, ses impressions sur le processus de la ‘’Zleca’’. Il est convaincu qu’un bon plan de communication est nécessaire pour informer les citoyens africains et leur permettre de s’approprier cette initiative. Aussi, M. Aïdara estime qu’on ne devrait pas avoir peur de se lancer dans un tel processus, bien que toutes les conditions ne soient pas encore réunies.
Vous avez dénoncé le fait que les OSC étaient mises à l’écart dans le processus de la mise en œuvre de la Zleca, ainsi que le manque de communication autour du processus. Pouvez-vous revenir sur ces points que vous avez relevés durant le panel?
J’avais indiqué que le processus de la Zleca était allé très rapidement. C’était comme si les autorités gouvernementales et la Commission de l’Union africaine étaient pressées d’avoir quelque chose et la mettre en œuvre, de façon très rapide, sans s’assurer de l’élargissement de la consultation de tous les principaux acteurs notamment le secteur privé, les organisations de la société civile, et même les citoyens lambda, de façon générale.
C’est dans la même dynamique de précipitation du processus où les présidents qui se sont portés comme étant des champions de l’initiative qui est certainement à saluer, avaient mis une pression et ont accéléré le processus, aussi bien au niveau régional qu’au niveau national, sans communiquer largement sur la question, pour que les citoyens soient bien informés et bien sensibilisés sur la question
Vos préoccupations ont-elles été prises en compte ?
Oui. Je pense que, maintenant, il y a un début de solution, mais la ratification est, déjà, en cours, parce que le nombre minimum requis pour la mise en œuvre de l’initiative a, déjà, été atteint et que son entrée en vigueur est prévu à la fin du mois (l’Itw a été réalisée 72h, avant la mise en œuvre ) et le lancement sera fait à Niamey, en juillet. Mais il n’est jamais trop tard, pour bien faire. La mise en vigueur ne signifie pas qu’elle va commencer à fonctionner, à plein régime et qu’on peut se rattraper dans le temps, pour mettre en place des plans de communication, pour informer les citoyens africains, qui doivent comprendre le projet mais s’en approprier, parce que c’est pour eux que le projet a été fait. C’est bien que les citoyens africains puissent commercer entre eux et entre les pays. Donc, un plan de communication est nécessaire surtout qu’après la mise en vigueur, on va aller vers la domestication au niveau des Communautés régionales et au niveau national. Alors, il est très important qu’un bon plan de communication soit établi et que l’ensemble des acteurs soient impliqués dans le processus.
Quel rôle comptez-vous jouer, dans ce processus de domestication, en tant qu’Organisation de la Société civile ?
Nous soutenons les Organisations de la Société civile, en Afrique de l’Ouest, pour s’engager dans le dialogue politique et créer des consciences et des acteurs qui seront préparés à s’engager dans ce processus et à pouvoir articuler leurs préoccupations et celles de leur économie locale, nationale ou régionale dans ce processus. On a travaillé, avec des partenaires des OSC régionales qui, déjà, mobilisent Ces acteurs de la Société civile, renforcent leurs capacités par des documents pour engager le dialogue politique, aussi bien avec la Communauté régionale de la Cedeao, qu’avec la Commission de l’Union africaine.
Certains économistes émettent des réserves et sont convaincus que la Zleca va droit au mur. Qu’en pensez-vous ?
Je respecte les arguments de ceux qui émettent ces réserves. Mais mon avis est que, de toute façon, les Accords commerciaux avec d’autres régions du monde sont, déjà, en cours. Il est préférable d’avoir un Accord commercial africain, qu’un Accord commercial avec le reste du monde, parce que je pense qu’on a tout à gagner, en commerçant entre Africains qu’en commerçant avec le reste du monde. D’un point de vue économique, le bénéfice est plus important, c’est pour cela que je soutiens l’initiative. Maintenant, je suis d’accord avec les collègues, qui pensent que toutes les conditions ne sont pas réunies. Mais je pense qu’on n’a pas besoin d’attendre que toutes les conditions soient réunies, que les infrastructures routières ferroviaires etc. soient mises en place et que les économies soient au même niveau. Dans une Zone économique de plus de 54 pays, on ne peut pas s’attendre à ce que les économies soient au même niveau de développement pour la compétition. Il y a des inégalités de niveau de développement et justement, le marché commun permet de jouer la complémentarité entre les économies. C’est pour cela, que je suis tout à fait favorable à cette initiative continentale.
A-t-on pensé à des initiatives pour juguler certains impacts négatifs, qui pourraient peser sur les économies africaines, après la mise en œuvre de la Zleca?
Il ne faut pas avoir peur de faire des erreurs, mais plutôt d’être rigide et ne pas avoir le recul nécessaire, pour apprendre des erreurs de la mise en œuvre de la Zleca. Il y a, suffisamment, de flexibilité, pour apprendre des erreurs et se réajuster, au fur et à mesure que le processus suive son cours. C’est ce qui justifie, d’ailleurs, notre présence, en tant qu’OSC, mais surtout en tant que citoyen africain pour non seulement accompagner l’initiative, mais aussi, suivre pour que, en cas de déviation ou de manquement, on tire la sonnette d’alarme, pour attirer les attentions des uns et des autres, afin que certains aspects soient corrigés, à la lumière de la pratique de l’initiative. Et, tant qu’on n’aura pas pratiqué, on ne pourra pas savoir. Au départ, l’initiative ne peut pas être parfaite et on ne peut pas s’assurer que tout va être lisse et qu’il n’y aura pas d’erreur.
Par Aminatou AHNE, Envoyée Spéciale de (Actusen.sn) à Addis Abeba