Mieux vaut prévenir que guérir a-t-on l’habitude de dire. On peut dire, sans risque de se tromper, que la prévention est le premier palier dans l’exercice d’une responsabilité.
Je ne crois pas qu’il y ait un Sénégalais qui voudrait voir notre beau pays s’effondrer et assister à l’effritement de la cohésion nationale bâtie par le sacrifice de plusieurs générations de dirigeants et de dirigés qui n’ont jamais, sinon rarement, perdu de vue les fondamentaux de cette paix.
L’injustice, aussi petite soit-elle, est le terreau de l’instabilité. Elle est d’autant plus dangereuse lorsque qu’elle est du fait de l’Etat contre des acteurs qui s’ils sont particulièrement visés et craints, c’est parce qu’ils disposent de soutiens et de réseaux, portent des ambitions pour la communauté nationale et ont l’appui, ne serait-ce que d’une partie, de cette même communauté.
L’inconséquence est de croire que de l’injustice peut résulter la paix, la cohésion et la stabilité.
L’arrêt de la cour de justice de la CEDEAO vient de confirmer une injustice longtemps pointée par les partisans politiques et des voix crédibles moins teintées mais ignorée par l’Etat et ses démembrements.
D’autres injustices ne se justifiant que par du forcing foisonnent et tendent à se banaliser dans leur évocation mais, au fond et dans les convictions des acteurs politiques, restent des préoccupations dont la passivité ne saurait constituer le recours ultime.
Comment pourrait-on éteindre de nos esprits et de nos cœurs la brûlante flemme de l’injustice qui a marqué les dernières élections législatives pendant laquelle un sabotage industriel a été orchestré par le régime du Président Macky SALL avec la complicité de l’administration territoriale et de la CENA ?
Cette flemme continue de brûler parce qu’au citoyen à qui on a dénié le droit de vote, il ne reste aucun espoir à porter sur la démocratie dont l’une des bases est le droit de choisir ses représentants.
Cette flemme continue de brûler parce qu’à l’homme politique qui perd une élection, il ne reste aucune consolation sinon la conviction que le résultat des urnes est le choix des populations et non l’orchestration d’un adversaire.
L’injustice politique, à côté des autres formes toutes aussi condamnables, a la particularité de toucher les passions. À la différence des autres, les passions politiques sont agissantes et ne manquent jamais de soutiens. Machiavel ne disait-il pas, pour prévenir le Prince, qu’à ceux qui se mobilisaient en interne contre lui jamais ne manquait un étranger qui vient les secourir.
Aujourd’hui, l’injustice est flagrante et tout le monde feint de ne rien voir. Nous espérons que par une extraordinaire industrie cette injustice ait pour conséquences la paix, la cohésion et la stabilité.
Cela ne se peut !
En vérité, pour conserver cette stabilité légendaire du Sénégal, on demande implicitement aux acteurs politiques de l’opposition et à leurs partisansde constater l’injustice, l’arbitraire, le forcing et, ensuite, de rester passifs pour que la paix soit conservée.
En d’autres termes, la paix, la stabilité et la cohésion nationale que l’on veut imposer à ce pays dépend moins de la responsabilité des différents acteurs, pouvoir comme opposition, que de la passivité de l’un face aux dérives de l’autre.
Personne n’a le droit d’exiger la stabilité dans ce pays sur la seule base de la passivité de l’opposition. L’opposition, non plus, n’a le droit de rester passive pour conserver une hypothétique stabilité.
Le premier acteur de la paix est l’Etat, incarné par le Président de la République. Faut-il rappeler que l’Etat représente les intérêts de la communauté nationale dans son entièreté, intérêts présents et futurs.
Par ailleurs, croyant avoir la violence légitime de son côté, le régime pense pouvoir tout contrôler et étouffer toutes velléités contestataires. C’est méconnaître l’histoire des peuples et manquer de responsabilité.
Ce qui résulterait d’une domination temporelle par l’usage unilatéral de la violence d’Etat ne peut s’appeler paix. C’est une accalmie. Elle n’est que passagère. Et le cycle vicieux de l’instabilité ne manquera de s’installer.
Alors, à moins de démissionner de leurs responsabilités, les autorités de ce pays, dans la pluralité de leurs légitimités, doivent tenir un discours de vérité à l’acteur le plus décisif de cette paix que nous voulons tous et dont il est le gardien institutionnel : le Président Macky SALL.
La solidarité intergénérationnelle, idéale de la République, lui impose une attitude responsable pour que sa lignée, ainsi que les nôtres, puisse hériter d’un Sénégal qui se prévaudra fièrement de n’avoir connu les dérives durement vécues par certains peuples « si proches de nos cœurs et de nos frontières ».
En cela, la cour de justice de la CEDEAO, par son arrêté en date du 29 juin 2018, lui offre une porte honorable dans la quête de cette stabilité. Le candidat du PDS, Karim WADE, ne doit être écarté de ces élections à venir. Seul le peuple a le droit de choisir, nul ne peut usurper son pouvoir de filtre que lui confère le suffrage universel.
La paix a un prix. À défaut de consentir à le payer, aucune charité, même de l’opposition par une hypothétique passivité, ne nous la fera conserver. Ce prix n’est que responsabilité.
Son Excellence, le Président Macky SALL, le peuple Sénégalais attend de vous une attitude responsable.
Mouhamadou Lamine Bara LO
Taxawu Senegaal