La Cena « est au seul service du peuple sénégalais » et tant qu’il n’est pas porté à sa connaissance une violation de la loi électorale, « l’institution ne peut pas agir », a soutenu avec force son Président, le magistrat à la retraite Doudou Ndir.
Dans une interview avec le quotidien national Le Soleil, le Président a d’abord été interrogé sur les accusations d’une partie de l’opposition l’accusant d’être au service du pouvoir, raison pour laquelle le chef de l’État aurait choisi de le maintenir à la tête de la Cena bien que son mandat de six ans ait expiré.
« Il est faux de soutenir que la Cena est au service du pouvoir. La Cena est au seul service du peuple sénégalais et cela, ceux dont vous parlez le savent bien », a-t-il répondu, en rappelant les rôle et missions de l’institution, qui est notamment chargée de faire respecter la loi de manière à assurer la régularité, la transparence et la sincérité des élections.
Et cela, la Cena s’en est toujours acquittée car, a expliqué M. Ndir, depuis la création de l’institution, en 2005, aucune des consultations qui ont eu lieu dans le pays n’a jamais fait l’objet de contestation vraiment sérieuse, encore moins de rejet.
Pour ce qui est du renouvellement du mandat des membres de la Cena, le Président rappelle que l’institution compte douze membres nommés par décret, donc par le Président de la République, et choisis parmi les personnalités indépendantes de ce pays, reconnues pour leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité…
Contrairement à l’idée véhiculée par certains, les membres de la Cena ne sont pas nommés pour un mandat de six ans non renouvelables, car le Code électoral dispose que ceux-ci « sont nommés pour un mandat de six ans renouvelables par tiers tous les trois ans ». Cela veut dire, d’une part, que les membres sont nommés pour un mandat de six ans irrévocable et que, d’autre part, tous les trois ans, un tiers des membres quittent l’institution tandis que d’autres personnes sont nommées à leur place.
« C’est ainsi que six ans après les premières nominations intervenues à la création de la Cena, en 2005, le premier renouvellement a eu lieu en septembre 2011, suivi d’un autre, trois ans plus tard, avec quelque retard, il est vrai, parce que le décret a été pris en juillet 2015. Il n’y a donc pas de violation de la loi, mais juste un petit décalage depuis juillet 2018 », a expliqué Doudou Ndir.
Il a ensuite mis l’accent sur l’article L.9 du Code électoral qui dit qu’il ne peut être mis fin, avant l’expiration de son mandat, aux fonctions d’un membre de la Cena. « Cette disposition est extrêmement importante, elle est même fondamentale dans la mesure où elle permet aux membres de la Cena d’assumer complètement leur indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs, y compris à l’égard de celui qui les a nommés. C’est le Président de la République qui nomme les membres de la Cena, mais il ne peut pas les destituer en cours de mandat. »
A une question relative à son rapport sur les législatives pointant des dysfonctionnements imputables à l’organisateur des élections, notamment sur la non-disponibilité de l’ensemble des cartes d’électeur, M. Ndir a tenu à préciser d’emblée que ce document n’est pas un réquisitoire contre le ministère en charge des élections.
« Nous avons dressé un certain nombre de constats et relevé des faits que nous avons portés à la connaissance de l’opinion. Ce qui a été le plus décrié par tous, et aussi reconnu même par les autorités chargées d’organiser les élections, c’est la non-disponibilité, au final, de l’ensemble des cartes d’électeur, contrairement à ce qui avait été prévu et annoncé. Mais en définitive, grâce à une solution alternative, beaucoup parmi ceux qui n’avaient pas reçu leur carte ont eu la possibilité de voter après la décision prise par le Conseil constitutionnel, ce qui constituait l’essentiel », a ajouté Doudou Ndir.
Répondant à l’interpellation récurrente selon laquelle la Cena n’use pas de son pouvoir de dessaisissement et de substitution d’action, il a indiqué que ceux qui agitent cette disposition choisissent généralement de la tronquer. En effet, a-t-il précisé; « la Cena dispose dudit pouvoir, mais dans le cadre des opérations électorales et référendaires à l’égard de l’agent responsable. Et chaque fois que la Cena note un dysfonctionnement, elle saisit l’autorité administrative, qui procède sans aucune difficulté aux corrections et rectifications demandées.
Certains potentiels candidats à la prochaine élection présidentielle réclament d’ores et déjà le fichier électoral. « Avant les législatives, une coalition de formations de l’opposition avait réclamé vainement du ministère chargé des élections la mise à sa disposition du fichier électoral. Mais quand nous en avons été saisis, nous avons aussitôt demandé au ministère de l’Intérieur de respecter la loi sur ce point, et ce département s’est exécuté immédiatement. De la même façon, lorsque la loi dit que le fichier électoral est remis aux candidats à l’élection quinze jours avant le scrutin, nous ne pouvons que faire respecter ladite disposition. »
Au sujet des accusations de corruption et d’achat de consciences à la faveur de la recherche de parrainages qui bat son plein actuellement, Doudou Ndir a répondu que des accusations sans la moindre preuve, de simples imputations ou allégations n’ont jamais traduit la matérialité d’un fait, d’autant qu’en la matière, il s’agit d’une infraction pénale. Cela dit, « les vrais actes de corruption ou d’achat de conscience sont non seulement à condamner avec fermeté, de quelque bord qu’ils viennent, mais aussi à dénoncer à la Justice. »
Pourquoi la Cena se tient à l’écart du parrainage alors qu’elle doit être présente à tous les niveaux du processus électoral, comme le veut la loi électorale ? A cette question, M. Ndir a répondu que son institution est effectivement présente à tous les niveaux de conception, d’organisation, de prise de décision et d’exécution depuis l’inscription sur les listes électorales.
« Cette mobilisation et cette présence se poursuivront jusqu’à la proclamation des résultats provisoires et, bien entendu, au-delà, car la Cena est une structure permanente qui travaille à feu continu. En ce qui concerne le parrainage, il relève de la compétence du Conseil constitutionnel. Cependant, la Cena reste préoccupée par la disponibilité des cartes issues de la refonte partielle et de la révision exceptionnelle des listes électorales, car sans ce document l’électeur ne peut pas parrainer. », a-t-il ajouté
Le Président Doudou Ndir a ensuite fermement démenti avoir un quelconque ascendant sur les autres membres, qui sont pourtant nommés dans les mêmes conditions que lui. « Certes je suis le président de l’institution en tant que primus inter pares, mais je suis avant tout un membre comme les autres. Cependant j’assure et assume la fonction de président, donc j’anime, j’organise les activités et je représente la Cena à l’extérieur ».
Selon lui, les gens parlent en général sans rien connaître du fonctionnement de la Cena. « Par exemple, a-t-il argumenté, c’est justement parce que je suis magistrat à la retraite que j’ai pu être membre de la Cena, comme prescrit par la loi. Ainsi, certains responsables politiques font parfois des déclarations qui traduisent à ce point leur méconnaissance de la loi sur la Cena qu’on peut se demander à bon droit s’ils parlent avec sincérité ou juste pour faire mal ».
Cette méconnaissance de la loi sur la Cena est encore illustrée ces temps-ci par certaines déclarations, notamment sur la durée du mandat des membres. En outre, il faut savoir que ni le président, ni le vice-président, ni aucun membre de l’institution ne dicte sa volonté aux autres. Les décisions ont toujours été prises par consensus, parfois après d’âpres débats, a-t-il encore dit.
Invité à se prononcer sur les rumeurs de rétention des cartes d’électeur par le ministère en charge des élections et sur le grand nombre de cartes non retirées dans les centres de distribution, Doudou Ndour a été amené à tenter de situer les responsabilités des uns et des autres.
On pourrait incriminer le ministère en charge des élections, parce qu’il n’a pas achevé la fabrication de toutes les cartes dans les délais prescrits, mais aussi la Cena parce qu’elle n’a pas publié suffisamment de communiqués pour inciter les citoyens à aller accomplir leur devoir. Mais on pourrait plus sûrement incriminer les partis politiques, qui devraient inciter et mobiliser les électeurs à s’inscrire puis à aller retirer leurs cartes. En effet, ce sont les politiques qui « se battent pour obtenir les suffrages des électeurs et qui ont donc plus que quiconque intérêt à ce que chaque électeur dispose de son moyen d’expression ».
Mais pour le Président de la CENA, les citoyens ne sont pas en reste. De très nombreuses cartes d’électeur et d’identité sont en souffrance dans les lieux de distribution, et leurs propriétaires s’y présentent au compte-gouttes, ce qui, honnêtement, est loin d’être assimilable à une volonté délibérée de rétention des cartes de la part des autorités. Il existe même un numéro vert à la disposition du public pour savoir avec précision où se trouve sa carte, mais il semble qu’on ne l’utilise pas assez », a conclu Doudou Ndir.
Actusen.sn Avec Le Soleil